« L’histoire de l’humanité est de plus en plus engagée dans une course entre l’éducation et la catastrophe ». La prophétie d’H.G. Wells semble plus réelle que jamais : il n’y a dès lors de temps à perdre ni dans le déni, ni dans les lamentations stériles. Au contraire, pour nous donner une chance de remporter cette course, il nous faut dès à présent tâcher de comprendre pourquoi le niveau général s’est affaissé dans nombre de disciplines scolaires.
Un article initialement publié dans L’École démocratique, n°99, septembre 2024 (pp. 13-22).
Cet article est le deuxième élément d’un dossier consacré à la baisse du niveau. Consultez les autres articles du dossier pour une vue plus générale:
- Baisse du niveau: mythe ou réalité ?
- Baisse du niveau: comment en est-on arrivé là ?
- Le niveau: un concept réactionnaire ?
- Niveau: les conditions de l’ambition
Regards extérieurs
- Philippe Meirieu : Niveau de qui ? Niveau de quoi ?
- Moritz Lennert (CGé) : Le niveau baisse ?
- Anne Morelli : Et si la nostalgie pouvait nous aider… ?
- Johan de Wilde: Quelle logique derrière le déclin de la qualité de l’éducation ?
Découvrez aussi les principaux résultats de notre enquête « niveau » réalisée auprès des enseignants belges.
A la sortie de l’enseignement obligatoire, l’écrasante majorité de nos élèves n’ont pas acquis ce bagage de savoirs et de savoir-faire qui les rendraient capables de participer à la transformation du monde en citoyens éclairés. En matière d’ « apprentissages fondamentaux », tout un faisceau d’indices concordent même pour montrer qu’à âge égal, on a assisté au cours des dernières décennies à une régression des performances scolaires (cf. article précédent de ce dossier). Ce déclin dans la « maîtrise des bases » touche vraisemblablement les enfants de toutes les catégories sociales, si l’on accepte du moins de généraliser[1] à notre contexte national les études menées en France sur le sujet (pour une synthèse, voir Terrail, 2020). Des enquêtes réalisées par nos soins auprès d’élèves belges de 5e et 6e secondaires indiquent par ailleurs que la majorité d’entre eux ont une faible maîtrise des « connaissances citoyennes » relatives aux enjeux sociaux et environnementaux contemporains (Aped, 2015 ; Hirtt, 2008, 2019). L’idée selon laquelle le « déclin des bases » aurait été compensé par une progression sensible des « connaissances citoyennes » a donc du plomb dans l’aile…
On aurait pourtant pu espérer que la massification scolaire, les réformes successives du système éducatif et les innovations pédagogiques auraient entrainé une élévation continue de la qualité des apprentissages réalisés par les élèves. Force est de constater que ces espoirs sont aujourd’hui déçus. La résignation n’est cependant pas une option : plus que jamais nous avons besoin de citoyens solidement formés si nous voulons que nos sociétés affrontent les urgences sociales et environnementales de manière tout à la fois démocratique, rationnelle et solidaire. Sortir le projet de démocratisation scolaire de son ornière est donc un impératif, qui nécessite, pour mieux les déjouer, d’identifier les causes à l’origine de l’embourbement. C’est ce à quoi nous tenterons de contribuer ici, en nous concentrant sur les quelques facteurs qui nous paraissent avoir joué un rôle prépondérant.
1. Une pédagogie généreuse mais contre-productive ?
Dans le contexte de la massification de l’enseignement secondaire, dès le début du XXème siècle et surtout dans les années 1960-1990, les forces progressistes et les acteurs de l’enseignement (enseignants, pédagogues, syndicats, experts en sciences de l’éducation…) n’ont pas manqué de s’engager pour tenter de convertir la massification scolaire en une réelle démocratisation scolaire.
Cette mobilisation aboutira dès la fin des années ’60 à l’éclosion puis au développement d’un nouveau paradigme pédagogique. Comme le documente largement Terrail (2016), ce nouveau paradigme pédagogique visait à développer des pratiques enseignantes adaptées au « handicap culturel » supposé des élèves d’origine populaire, ceci dans l’espoir qu’ils s’approprient les savoirs scolaires de manière plus satisfaisante. A l’évidence, le déploiement de ces nouvelles recommandations pédagogiques n’a pas apporté les résultats escomptés ; il est donc nécessaire d’en faire un bilan critique.
Ce bilan critique manque souvent de nuance. Ainsi, les « anti-pédagos » attribuent-ils généralement la régression du niveau scolaire à l’hégémonie supposée de la doxa constructiviste ; hypothèse qui se heurte pourtant à trois sérieuses limites. Primo, il faut n’avoir jamais mis les pieds dans une école pour s’imaginer que la pédagogie constructiviste et les préceptes de l’Education Nouvelle y règnent en maitre. Secundo, l’expérience a montré qu’une mise en œuvre exigeante et rigoureuse de ces pédagogies pouvait s’avérer fructueuse du point de vue des apprentissages (Reuter, 2007). Tertio, lorsqu’ils font le procès du « constructivisme », les « anti-pédagos » lui associent à l’emporte-pièce toutes sortes de pratiques pédagogiques nuisibles qui n’en sont pas nécessairement constitutives. Du côté des « pédagos », les propos ne sont pas toujours plus nuancés, toute critique se voyant immédiatement disqualifiée au motif qu’elle serait forcément réactionnaire.
Bon nombre d’analyses réalisées en sociologie de l’éducation, reposant sur l’observation directe des pratiques enseignantes, nous semblent échapper aux habituels excès de cette querelle pédagogique. En voici quelques éléments essentiels.
Une phase de découverte envahissante
Les nouvelles orientations pédagogiques ont souvent consisté à « rejeter les enseignements de type magistral, qui supposent une écoute et une attention acquises a priori » (Terrail, 2016, pp. 22-23). De nombreuses recommandations pédagogiques ont ainsi incité les enseignants à placer leurs élèves dans des situations leur permettant de « découvrir/construire le savoir par eux-mêmes », le maître devant quant à lui s’abstenir autant que possible d’une transmission verticale des connaissances. Cette recommandation était justifiée par une volonté d’adapter l’enseignement aux élèves d’origine populaire[2] et/ou par le souhait d’instaurer davantage d’horizontalité dans les relations maître-élèves[3]. Sans exclure le bien-fondé d’un recours stratégique à ces phases de découverte, on observe que celles-ci deviennent parfois dans les classes (principalement en maternelle et en primaire), un « détour pédagogique envahissant » (Terrail, 2016, p. 29), particulièrement gourmand en temps scolaire, sans apporter toujours de bénéfices véritables dans l’acquisition du savoir[4]. Plus largement, il nous semble que les « nouvelles » recommandations pédagogiques ont participé d’un « fétichisme du dispositif pédagogique et de l’activité » (voir par exemple Bautier, 2006), faisant du libre tâtonnement, du travail de groupe, du travail en ateliers, de l’usage d’un matériel concret… autant de passages obligés et systématiques d’une « bonne pédagogie ». Finalement, ces dispositifs pédagogiques sont devenus un enjeu pour eux-mêmes, une finalité plutôt qu’un moyen, sans que l’on interroge, pour chaque usage, leur contribution effective au progrès des élèves. Même si ces dispositifs ne sont pas dominants, il n’en demeure pas moins que leur usage abusif, c’est-à-dire fétichiste plutôt que stratégique, tend à accaparer un temps scolaire plus important qu’auparavant. On s’éloigne dès lors de la « pédagogie rationnelle » que Bourdieu et Passeron (1964, p. 114) appelaient de leurs vœux, et qu’ils définissaient comme « celle qui se donne comme fin inconditionnelle de permettre au plus grand nombre possible d’individus de s’emparer dans le moins de temps possible, le plus complètement et le plus parfaitement possible, du plus grand nombre possible des aptitudes qui font la culture scolaire à un moment donné ».
Trop peu d’attention portée à l’explicitation et à la formalisation
L’importance accordée à la « mise en activité des élèves » a parfois amené les enseignants à sous-estimer l’importance de l’explicitation du savoir et des enjeux des activités scolaires (Bautier, 2006 ; Terrail, 2016). Considérées comme des ingrédients pédagogiques secondaires — quand elles ne sont pas tout simplement discréditées — les étapes d’explicitation et de formalisation menées par l’enseignant reçoivent une trop faible attention pédagogique, alors que leur clarté, leur précision, leur structuration constituent des conditions indispensables d’un apprentissage réussi. Risquent alors de se multiplier des activités à faible cadrage, caractéristiques d’une « pédagogie invisible » qui pénalise particulièrement les élèves d’origine populaire, ces derniers étant moins armés que les autres élèves pour transformer des découvertes informelles et/ou désordonnées en apprentissages solides, organisés et durables (Bautier, 2006, 2010 ; Bautier & Rayou, 2009).
Dévalorisation des apprentissages techniques, de la répétition, de la mémorisation et de la systématisation
Parce qu’il a voulu épargner aux élèves d’origine populaire les aspérités inhérentes à tout apprentissage (… de crainte de les décourager) ou parce qu’il assimilait toute exercisation à un abrutissement ou à une “oppression” des élèves, le « nouveau » paradigme pédagogique a souvent dévalorisé les apprentissages techniques[5], les exercices d’application méthodiques et systématiques (Terrail, 2016) et les efforts obstinés de mémorisation (Lieury, 2020 ; Lieury & Lorant, 2010). Les dénonciations du « drill » et du « par cœur » ont ainsi constitué des grands classiques d’une certaine doxa pédagogique, l’automatisation des techniques et la mémorisation des savoirs étant jugées moins nobles que le raisonnement, la résolution de problème ou la pensée créative. Elles en étaient pourtant la condition sine qua non (Lieury & Lorant, 2010). Comme l’exprime parfaitement Lahire (2000), « tout se passe comme si le monde éducatif n’était pas insensible à l’idée selon laquelle il ne saurait exister de génie laborieux, c’est-à-dire d’intelligence constituée dans l’entrainement répété et le maniement continu de techniques sur des corpus de savoirs spécifiques (…). Les discours qui condamnent l’austérité des règles, la sécheresse des techniques, l’aridité des procédés mécaniques, la rigidité des principes et des consignes clairement énoncées et enseignées ont des présupposés et des conséquences élitistes. Car, au programme d’austérité, on substitue la liberté de l’élève, qui est, pour une grande partie d’entre eux, la liberté de perdre pied et de couler ».
Abaissement des ambitions cognitives à travers la pédagogie différenciée
Dans les années ’80, les difficultés scolaires persistantes des élèves de milieux populaires vont trouver une nouvelle réponse, consistant en l’introduction de la « pédagogie différenciée » (Terrail, 2016). Les principes directeurs de cette nouvelle pédagogie sont d’autant plus flous qu’ils varient significativement d’un de ses promoteurs à l’autre. Les observations directes des pratiques enseignantes (Bonnéry, 2011 ; Joigneaux, 2011 ; Laparra & Margolinas, 2011 ; Terrail, 2002) indiquent quant à elles que la mise en œuvre concrète de la pédagogie différenciée à destination des élèves de milieux populaires se traduit presque systématiquement par un abaissement des ambitions cognitives et mène souvent au contournement des obstacles intellectuels plutôt qu’à leur affrontement. Face aux élèves jugés faibles, les enseignants auront ainsi tendance à abandonner a priori certains pans du programme, à ralentir le rythme des enseignements, à réduire la complexité des apprentissages, à recoder les tâches d’apprentissage[6] pour éviter de mettre les élèves en difficulté, ce qui leur interdira souvent de se frotter à ce qui constitue l’enjeu cognitif même de l’activité d’enseignement. La mise en œuvre de la pédagogie différenciée conduira également à en rabattre sur le degré d’abstraction : avec les élèves jugés faibles, certains concepts ne seront abordés que sur le mode de l’illustration, ce qui les empêchera de progresser jusqu’au stade de la définition (Terrail, 2016). Dès lors, comme le résument Laparra et Margolinas (2011, p. 126) sur base de leurs observations, « si [certains élèves] sont plus faibles, ce n’est pas parce qu’ils sont moins capables que les autres d’apprendre, c’est plutôt parce que c’est à eux que l’on apprend le moins ».
Le piège des « situations motivantes »
Partant du principe que les élèves d’origine populaire ont une moindre appétence pour les savoirs scolaires, les « nouvelles » préconisations pédagogiques inviteront fréquemment les enseignants à recourir à des situations d’apprentissages soi-disant motivantes, c’est-à-dire le plus souvent ludiques ou attrayantes (Terrail, 2016). Le présupposé qui fonde cette recommandation pédagogique est en lui-même discutable : ce moindre appétit nous semble en effet surestimé, du moins à l’école fondamentale. De solides recherches (Ellis & al., 1994; Garon-Carrier & al., 2016; Lieury & Fenouillet, 2019) montrent d’ailleurs que le sens principal de la causalité n’est pas celui qu’on pense: c’est bien davantage la réussite qui provoque la motivation que l’inverse. Le « manque de motivation » des élèves de milieux populaires trouve donc davantage son origine dans le découragement et la résignation qui découlent d’échecs scolaires répétés que dans leur moindre goût supposé pour les apprentissages. Les situations « ludiques et attrayantes » risquent souvent, quant à elles, de détourner l’enseignant des enjeux cognitifs et de brouiller les apprentissages des élèves. C’est ce qui arrive lorsqu’un enseignant, soucieux de « motiver ses élèves », module son activité d’enseignement de telle manière qu’elle appâte son public, quitte à sacrifier une part de sa qualité didactique. De même, plongé dans l’attrayant et le ludique, l’élève risque de fixer son attention sur l’habillage de l’activité (“qui va remporter la partie ?”, “c’est à qui le tour ?”, “qui compte les points ?”, “il a triché !”…) et de perdre de vue l’objet d’apprentissage, dont l’acquisition constitue pourtant le véritable sens de l’activité (Bautier & Rayou, 2009 ; Terrail, 2016). A trop miser sur l’attrayant et le ludique, l’enseignant court également le risque de transmettre un message subliminal de dépréciation des savoirs : « ce que je vais t’enseigner n’a pas réellement d’intérêt, si bien que je suis forcé de l’enrober d’atours artificiels pour qu’il te paraisse appétissant ». On peut par ailleurs se demander si cette stratégie de l’attractivité n’est pas systématiquement vouée à l’échec : sur le terrain de l’attrayant et du ludique, l’Ecole semble d’office perdante, n’ayant pas les moyens de concurrencer le match de football de la veille ou le dernier jeu vidéo à la mode. Freinet ne disait pas autre chose en fustigeant le « jeu-haschich ». Finalement, c’est en assumant pleinement sa spécificité culturelle et la joie singulière qu’elle permet — la joie de progresser, de grandir, de découvrir le monde et le rôle que l’on peut jouer dans sa transformation — que l’Ecole se rend vraiment érotique (Snyders, 1986).
« Ces nouvelles visions donnent aux enfants moins de structure, moins de connaissances. Une seule chose est importante : l’école doit être amusante. » Un(e) enseignant(e) ayant participé à notre enquête ‘niveau’ |
De manière synthétique, il nous semble donc que les nouvelles préconisations pédagogiques, nées du souci de faire réussir les moins favorisés, se sont finalement fréquemment retournées contre eux, en affectant également la qualité des apprentissages des autres élèves.
2. Du misérabilisme culturel à l’apogée des compétences
La fonction centrale d’une Ecole démocratique consiste en la transmission à tous d’une large culture. La maîtrise de la langue et des outils mathématiques, l’appropriation de larges connaissances et aptitudes historiques, géographiques, scientifiques, philosophiques et techniques conditionnent la compréhension du monde, aiguisent l’esprit critique et rendent les citoyens capables de contribuer au progrès des sociétés. De même, la découverte des chefs-d’œuvre de la littérature et des arts permet d’envisager le monde à travers d’autres yeux, d’élargir notre empathie, de sortir de notre ethnocentrisme, d’éveiller les consciences, de se trouver ému par des causes qui nous dépassent, au point peut-être de nous donner l’irrépressible envie de nous engager dans la transformation du monde (Baillargeon, 2011; Nussbaum, 2011).
La remise en cause de la centralité de la culture dans l’institution scolaire ne peut donc que « faire baisser le niveau » de l’ensemble des élèves, si du moins nous entendons par « niveau » autre chose que la maîtrise de quelques vagues capacités instrumentales mobilisables sur le marché du travail. Cette dépréciation de la culture et des savoirs est intervenue en deux temps.
Haro sur la culture « classique »…
Dans un premier temps, dans l’intention de ne pas mettre les élèves d’origine populaire en difficulté, une certaine vulgate pédagogique va arguer qu’il faut s’en tenir avec eux aux « situations familières », « proches de leur quotidien », « en adéquation avec leurs codes culturels » ou encore « alignées sur leurs centres d’intérêt ». La culture classique, en plus d’être réduite à un simple moyen de distinction mondaine, est alors dénoncée comme un moyen arbitraire de mettre ces élèves en difficulté scolaire. On présente alors comme « progressistes » des démarches pédagogiques qui renoncent à leur faire partager les chefs-d’œuvre du patrimoine culturel de l’humanité, qu’il ne faudrait surtout par leur « imposer ». S’abstenant de faire goûter aux joies de Beethoven qu’elle juge inaccessibles ou désuètes, l’Ecole en reste par exemple aux productions de l’industrie musicale. « L’école traditionnelle », résume Snyders (1986), « ne valorise que la culture élaborée et veut ignorer la culture première. Certains mouvements pédagogiques, par ailleurs importants, risquent l’erreur inverse ». Au motif d’être en adéquation avec les centres d’intérêt des élèves, on les prive de l’initiation aux chefs-d’œuvre ; s’imaginant « respecter leurs goûts », on les enferme dans les déterminations sociales qui ont façonné leurs « préférences ». La culture classique va dès lors occuper une place de plus en plus marginale à l’école (Draelants & Ballatore, 2014; Jacquet-Francillon, 2008). Bien entendu, ce n’est pas le fait de partir des intérêts « spontanés » des élèves qui est problématique, mais c’est d’y rester. Snyders (1973, p. 350) n’aurait pu mieux l’écrire :
Prendre appui sur ce qu’est l’enfant, rester au contact de ses goûts et de ses aspirations. Ce qui implique un maître capable de vivre, à tel moment et pour telle couche sociale, ces soucis que traversent les élèves, soucis et espoirs de leur vie effective comme de leur existence imaginaire. Un maître capable de saisir ce qu’il y a de positif dans Tintin, plus généralement dans ce genre de culture que nous appellerions volontiers immédiate (…). Mais ne pas en rester à Tintin : la tâche du maître est « d’accélérer et de discipliner » (la formule est de Gramsci) les expériences de l’enfant ; le conduire jusqu’à une cohérence, une exigence à laquelle il ne parviendrait pas tout seul, mais qui répond profondément à son désir — puisque, en fin de compte, le bonheur que propose Victor Hugo, c’est celui-là même que suggérait Tintin, avec infiniment plus d’ampleur, d’ouverture, de possibilité ouverte à la réalisation.
Ces lignes de Snyders n’ont rien perdu de leur pertinence, pour peu que l’on remplace Tintin par des références plus actuelles de la culture de masse.
Davantage de compétences, moins de connaissances !
La seconde phase de la dépréciation des savoirs est intervenue avec l’introduction de l’ « approche par compétences » (APC) dans la plupart des systèmes scolaires occidentaux. Ce développement à large échelle de l’APC au cours des dernières décennies n’est pas le fruit d’une génération pédagogique spontanée ; elle résulte au contraire des évolutions de l’économie capitaliste, que nous évoquerons plus loin.
Sur le terrain scolaire, la conséquence directe de l’approche par compétences est que « la part des connaissances dans les référentiels a diminué pour être remplacée par des compétences générales d’analyse, de résolution de problèmes, de critique ou encore de communication. Par exemple, en histoire, l’enquête, l’analyse de sources et la communication sur le passé supplantent en partie le récit et l’enseignement de faits » (Dupont & Bouchat, 2020, p. 3). Ceci va affecter les apprentissages scolaires de trois manières différentes. Premièrement, l’APC prive les élèves de savoirs précieux pour la compréhension du monde : une analyse des programmes scolaires de mathématiques menée il y a une dizaine d’années montrait d’ailleurs à quel point cette réduction quantitative des concepts à enseigner était importante dans le système scolaire belge francophone (Hirtt, 2013). Deuxièmement, ce déficit en savoirs induit par l’APC empêche le développement de ces « compétences générales supérieures » dont elle prétendait justement favoriser l’acquisition : en effet, de nombreuses recherches en psychologie cognitive montrent que des capacités générales telles que la résolution de problèmes et l’esprit critique dépendent étroitement de l’étendue des savoirs qu’un individu maitrise dans un domaine donné (Dupont & Bouchat, 2020 ; Mottint, 2022). Troisièmement, la mise en œuvre de l’approche par compétences renforce certains excès pédagogiques énoncés dans la partie précédente de cet article. Le recours à des « situations-problèmes » censées permettre aux élèves de développer des compétences s’avère peu efficace lorsque l’on en fait un passage obligé de toute séquence d’apprentissage (Dupont & Bouchat, 2020 ; Terrail, 2016) ; parallèlement, la dévalorisation des savoirs inhérente à l’APC renforce la délégitimation des pratiques pourtant indispensables de mémorisation (à quoi bon mémoriser puisque les savoirs importent si peu ?), de systématisation et d’exercisation[7].
« Moins de connaissances, plus de compétences. C’est bien, à condition qu’il y ait quand même un substrat. C’est mieux une tête bien faite qu’une tête bien pleine. Mais il faut quand même un minimum de « plein » pour avoir une tête bien faite… » Un(e) enseignant(e) ayant participé à notre enquête ‘niveau’ |
3. Des enseignants désenchantés… et moins qualifiés ?
Pour attirer à lui les candidats les plus compétents, pour conserver le plein engagement des personnes qui l’exercent, un métier doit susciter de l’enthousiasme et de la fierté, et être l’objet d’une certaine reconnaissance sociale. Or c’est devenu une lapalissade que d’affirmer que l’attractivité du métier d’enseignant s’est effondrée. A nos yeux, les causes principales de cet effondrement peuvent être résumées comme suit :
- une crise de l’institution scolaire : privée des moyens qui lui permettraient d’assurer correctement ses missions, l’Ecole s’embourbe et peut donner l’image d’un bateau proche du naufrage… au bord duquel on n’a guère envie d’embarquer ;
- l’opprobre fréquemment jetée sur les enseignants : les piètres résultats de notre système scolaire, dont les causes structurelles et sociétales sont rarement évoquées, sont abusivement imputées à un manque de qualité du travail des enseignants, dont un discours de droite dénonce en outre les “privilèges” fantasmés ;
- une charge de travail difficilement soutenable, encore aggravée par les nouvelles politiques managériales ;
- des conditions de travail de plus en plus difficiles (bâtiments délabrés, classes “difficiles”, etc.) ;
- des conditions salariales devenues moins avantageuses relativement à d’autres métiers exigeant un niveau d’étude similaire ;
- une baisse du prestige intellectuel : du fait de la massification de l’enseignement supérieur et universitaire, le métier d’instituteur a sévèrement rétrogradé dans la hiérarchie académique.
Le métier d’enseignant étant devenu moins attractif, certains bons candidats qui avaient un temps envisagé de se lancer dans la carrière se sont sans doute ravisés, privant l’enseignement de leurs compétences. Des étudiants plus fragilisés poussent la porte des départements pédagogiques des Hautes Ecoles, ce qui complique parfois la formation initiale des enseignants. A l’occasion de notre grande enquête « niveau » (Hirtt & al., 2023), des professeurs en charge de la formation des futurs enseignants nous ont ainsi confié devoir octroyer davantage de temps à la remédiation des lacunes de leurs étudiants ou être contraints de baisser le niveau d’exigence… Par ailleurs, l’exercice du métier étant devenu de plus en plus ingrat, certains collègues enseignants ont immanquablement perdu de leur allant. A ce triste tableau s’ajoutent des pénuries qui laissent les élèves sans instituteur/-trice ou sans professeurs de mathématiques, de sciences, de langues… pendant des semaines voire des mois. Ces pénuries ont pour autre conséquence l’engagement d’enseignants qui ne disposent pas des titres requis.
Moins d’excellents candidats, des enseignants désenchantés, des pénuries : cela ne peut que contribuer à la baisse du niveau scolaire…
« La « baisse de niveau » est clairement sensible à la Haute Ecole où j’enseigne, car le profil des étudiant(e)s est de plus en plus problématique (…). L’essentiel des candidat(e)s, issu(e)s de l’enseignement technique (…), s’inscrivent en filière pédagogique après avoir échoué ailleurs. » Un(e) enseignant(e) ayant participé à notre enquête ‘niveau’ |
Ce que disent les formateurs d’enseignants à travers notre enquête ‘niveau’… (Hirtt & al., 2023) Bien que l’échantillon soit fort restreint (38 répondants), il est intéressant de se pencher sur les avis émis par les professeurs des sections pédagogiques en Haute Ecole. Ils estiment que 42% de leurs étudiants ont des résultats insuffisants ou faibles en regard d’exigences programmatiques qui sont elles-mêmes jugées en recul. 74% de ces professeurs sont « plutôt » ou « tout à fait » d’avis que le niveau de formation des futurs instituteurs et régents est en baisse. Ce point de vue est d’ailleurs relayé par d’autres enseignants dans leurs commentaires. |
4. L’école n’est pas toute seule…
Jusque-là, nous avons surtout analysé les facteurs internes au système éducatif. Nous ne prétendons pas avoir mis le doigt sur l’ensemble de ceux qui sont à l’origine de la baisse du niveau scolaire. Bien d’autres causes potentielles mériteraient d’être investiguées, parmi lesquelles la lisibilité et le volume des référentiels et des programmes scolaires, la qualité des « manuels », l’évolution du temps scolaire affecté à chaque discipline ou à chaque domaine d’une discipline, l’éclatement des structures familiales, la précarité d’un nombre croissant de familles, la vétusté de certaines infrastructures scolaires, les nouvelles missions confiées à l’Ecole, qui se trouve parfois à court de temps pour « tout faire »… De la même manière, chacun des facteurs que nous avons mis en exergue mériterait d’être plus amplement discuté, affiné. Dans cette perspective, cette contribution est davantage à considérer comme l’ouverture d’un débat entre progressistes que comme notre « dernier mot »…
Cependant, il faut aussi nous intéresser à ce qui se passe en dehors de l’école. Le système scolaire ne peut être considéré comme une sphère indépendante, qui poursuivrait une destinée autonome. Comme toute institution, l’Ecole est façonnée par le système de production dans lequel elle s’inscrit, et l’histoire du système scolaire a donc partie liée avec les évolutions de l’économie capitaliste. Avant d’entrer dans l’enceinte scolaire proprement dite, il est donc nécessaire de cerner les conditions socio-économiques et technologiques dans lesquelles l’Ecole s’est développée, et qui surdéterminent les formes structurelles qu’elle a prises et les fonctions fondamentales qu’elle remplit.
En matière de relation entre capitalisme et Ecole, l’idée la plus optimiste pourrait être résumée comme suit :
Le développement du capitalisme allant de pair avec les avancées technologiques, le besoin d’une main-d’œuvre qualifiée a crû, croît et croîtra continuellement, exigeant une éducation de plus en plus poussée du plus grand nombre.
Selon cette assertion, le développement du capitalisme entrainerait donc presque naturellement une élévation du niveau général d’éducation. Quoiqu’assez répandue, cette idée ne résiste pas à l’analyse historique.
En effet, dès ses origines remontant à la fin du XIXème siècle, le projet d’une « école primaire de masse » doit tout autant à la volonté de moraliser et de dociliser les classes populaires qu’au souhait de leur transmettre les rudiments de la lecture, de l’écriture, du calcul et des mesures (Grootaers, 1998 ; Hirtt & al., 2015). La concentration des ouvriers autour d’unités de production industrielle toujours plus grandes favorise leur organisation et fait en effet craindre (… et éprouver) à la bourgeoisie un renforcement de la contestation sociale. En témoignent par exemple ces déclarations de l’empereur allemand Guillaume II, qui entrevoit l’école comme un moyen d’ « instiller la crainte de Dieu et l’amour de la Patrie » et de « contrecarrer la propagation des idées socialistes et communistes » (cité par Hirtt & al., 2015, p. 42). Dès ses prémices, l’Ecole capitaliste n’apparait donc pas comme un projet purement désintéressé destiné à instruire les masses.
Élever le niveau… oui, mais de certains élèves surtout
Durant la première moitié du XXème siècle, sous l’effet des avancées des technologies industrielles, la demande d’une main-d’œuvre qualifiée va effectivement augmenter : le besoin se fait sentir d’un plus grand nombre d’ouvriers disposant de savoir-faire spécialisés, de même que se multiplient les emplois liés à l’administration publique et au commerce (Hirtt & al., 2015). Cette hausse des qualifications ne concerne toutefois qu’une minorité de travailleurs, la taylorisation du travail reposant principalement sur des ouvriers aux qualifications minimales. Comme l’indique Nico Hirtt (2022, p. 20), « il va donc falloir effectuer un tri parmi les enfants des classes populaires afin de choisir ceux qui jouiront d’une modeste ascension sociale en accédant aux emplois qualifiés. L’école primaire devient ainsi un instrument de sélection méritocratique » …et seule une fraction des élèves des catégories populaires accèderont à l’enseignement secondaire (technique ou professionnel).
Cette dynamique de sélection scolaire se poursuivra, mutatis mutandis, après la Seconde Guerre Mondiale. L’augmentation et la diversification des besoins en qualifications aura bien sûr pour effet la massification de l’enseignement secondaire… mais celle-ci interviendra dans le même temps que sa stratification sociale en filières : enseignement général regroupant principalement les enfants des classes supérieures, enseignement qualifiant pour la majorité des enfants des classes populaires (Hirtt, 2022).
« Tous les élèves ne doivent pas aller loin… »
Dans les dernières décennies, la libéralisation radicale du commerce international et le développement des technologies numériques entrainent une « bipolarisation » progressive du marché du travail (Verdugo 2017a). D’une part, la mondialisation libérale a pour corollaire la sous-traitance d’une partie croissante de la production industrielle aux pays à bas coûts, ce qui provoque chez nous une chute considérable du nombre d’emplois industriels nécessitant des qualifications intermédiaires (Verdugo, 2017a). D’autre part, l’explosion des technologies numériques autorise l’automatisation des tâches répétitives et comprime davantage encore la demande en travailleurs « moyennement qualifiés » (secrétaires, comptables, ouvriers qualifiés, etc.) (Hirtt, 2018b, 2022 ; Verdugo, 2017a). Comme le résume Verdugo (2017b, p. 47), « avec l’informatique, les firmes ont réduit leurs coûts de production en vidant leurs bureaux et usines des travailleurs intermédiaires pour les peupler d’ordinateurs ». La nouvelle division internationale du travail et l’essor des technologies numériques entrainent dans le même temps une multiplication des postes à haut niveau d’expertise (Verdugo, 2017a) et une croissance du nombre d’emplois à faible qualification qui ne peuvent être robotisés (Verdugo, 2017a ; Hirtt, 2018b, 2022). Cette bipolarisation des emplois fait écrire à l’OCDE en 2001 que « tous [les élèves] n’embrasseront pas une carrière dans le dynamique secteur de la ‘nouvelle économie’. En fait, la plupart ne le feront pas, de sorte que les programmes scolaires ne peuvent être conçus comme si tous devaient aller loin » (citée par Hirtt, 2018a, p. 58). Cette citation illustre le fait que même si, dans certains pays européens, la croissance des emplois à forte qualification excède la croissance des emplois à faible qualification, il n’en demeure pas moins que l’élévation du niveau de tous les élèves n’a pas été et n’est toujours au programme des milieux économiques.
Flexibilité et compétences
L’accélération du rythme des innovations technologiques et des restructurations industrielles — résultant essentiellement de l’essor des technologies numériques et de l’exacerbation de la compétition économique mondialisée — a rendu les besoins en qualifications de plus en plus imprévisibles et changeants (Hirtt, 2009 ; Verdugo, 2017a). En conséquence, le grand capital réclame des travailleurs toujours plus flexibles, polyvalents et capables de s’adapter aux fluctuations d’une carrière incertaine dans « l’économie de demain ». Aux yeux des grandes institutions économiques, ceci passe par une refondation des contenus d’enseignement, au sein desquels les compétences doivent désormais primer sur les connaissances (de Sélys & Hirtt, 1998 ; Laval & al., 2002, 2012). « Le monde moderne se moque bien de ce que vous savez », déclare ainsi sans ambages Andreas Schleicher, le directeur de l’éducation de l’OCDE (cité par Baumard, 2014). Ce que réclament les employeurs, ce sont des compétences mobilisables sur le marché de travail ; et au diable les savoirs… On peut encore lire dans une revue de l’OCDE consacrée à « l’enseignement de demain » que « les employeurs ont reconnu en elles [les compétences] des facteurs clés de dynamisme et de flexibilité » (Pont & Werquin, 2001, p. 17). Et les auteurs d’ajouter : “Une force de travail dotée de ces compétences est à même de s’adapter continuellement à la demande et à des moyens de production en constante évolution ».
A partir des années ’90, OCDE, Banque Mondiale, Commission européenne et lobbies du grand patronat (notamment à travers l’European Round Table of Industrialists) réclament des systèmes scolaires qu’ils se conforment à cette nouvelle exigence des marchés (Hirtt, 2002 ; Laval & al., 2002, 2012). Les gouvernements nationaux (ou régionaux) ne manqueront pas de mettre en œuvre cette nouvelle doctrine, espérant de la sorte assurer la compétitivité de leurs entreprises et favoriser l’employabilité des futurs travailleurs. Le déploiement de l’APC constitue de ce fait l’occasion d’un nouveau « rapprochement »[8] entre l’Ecole et le monde de l’entreprise (Hirtt, 2002, 2009 ; Laval & al., 2002, 2012). Ceci est d’ailleurs tout à fait revendiqué dans un rapport du Vlaamse Onderwijsraad (VLOR), où l’on peut lire que « la popularité croissante de la doctrine des compétences dans l’éducation doit surtout être attribuée à sa promesse de rapprocher l’un de l’autre l’enseignement et le marché du travail » (Mulder & al., 2008).
Pas de moyen pour l’Ecole émancipatrice
On observe donc que l’économie capitaliste n’exige une élévation des qualifications que dans la stricte proportion que réclament les évolutions du « marché du travail » ; elle n’a aucun besoin de faire accéder tous les élèves à un niveau élevé de connaissances. L’Ecole émancipatrice pour tous n’est pas son affaire, et elle est d’autant plus frileuse à lui allouer les moyens de sa réalisation (en termes d’encadrement notamment) que l’exacerbation de la compétition économique mondiale et les crises économiques intervenant après les Trente Glorieuses la poussent constamment à limiter les dépenses publiques[9]. Le système scolaire à deux vitesses, produisant au plus bas coût possible et en nombre adéquat des travailleurs diversement qualifiés, apparait dès lors comme parfaitement adapté aux desiderata du grand patronat. Aux yeux du grand capital, une production excédentaire de travailleurs hautement qualifiés génèrerait même des coûts éducatifs inutiles[10] et introduirait un « mismatch » entre les qualifications réelles des travailleurs et les besoins en qualifications des entreprises. Sous cet angle de vue, l’échec de la démocratisation scolaire peut donc être interprété comme la résultante logique d’un système économique qui considère que l’accès de tous à des savoirs ambitieux présenterait un « rapport coûts/bénéfices » défavorable.
« Si la question est de savoir si mes collègues des années précédentes sont de mauvais professeurs, alors je répondrais « rarement ». Si la question est de savoir si mes collègues des années précédentes n’avaient pas les conditions nécessaires pour bien former les élèves, je répondrais « souvent ». Un(e) enseignant(e) ayant participé à notre enquête ‘niveau’ |
« C’était la fin des Trente Glorieuses et je venais d’être diplômé, AESI français-histoire. En septembre 1981, je suis engagé dans une école technique et professionnelle. Un temps plein, immédiatement : 18 heures de cours, dont 10 en demi-groupes, les classes de français étant dédoublées pour favoriser l’apprentissage. Mon contrat affiche 1 heure de titulariat, 1 heure de conseil de classe et 1 heure de travail d’équipe. Faites le compte : 18 + 3 = 21 heures, soit un temps plein d’AESI (la plage allant alors de 21 à 23 heures). Bien réparties, mes journées ne font jamais plus de 5 heures. Les heures de fourche, fréquentes, permettent de converser avec des collègues. Tout cela est possible dans une éducation alors encore nationale, financée à hauteur de 7% du PIB. Les ennuis vont commencer l’année suivante avec les premières mesures d’austérité. » Philippe Schmetz, in Ecole Démocratique, n°98 |
Enfants-bolides, enfants-rois, écrans
Jusqu’à présent, nous n’avons analysé l’impact de l’économie capitaliste sur l’Ecole qu’à partir du versant de la production. Adoptons maintenant le point de vue de la consommation.
Après la Seconde Guerre Mondiale, on assiste à l’éclosion de ce que Clouscard (1981) appelle les « nouveaux marchés du désir », allant de pair avec l’essor des industries du loisir, de la mode et de l’audiovisuel. Ces nouveaux marchés, principalement destinés aux nouvelles couches moyennes[11], reposent sur de nouvelles marchandises « libidinales, ludiques et marginales » (Clouscard, 1981). Il n’est néanmoins pas si simple de vendre des articles de mode branchés, du chewing-gum, des cigarettes, des jeux, des parties de flipper ou des disques de rock ‘n’ roll aux rythmes endiablés à des populations encore affiliées à des normes de parcimonie, de pudeur, de retenue, ou toujours sous la coupe de normes morales strictes édictées par le conservatisme religieux. Une rupture radicale est nécessaire qui permette, pour reprendre une autre formule de Clouscard, de « passer d’une société de l’épargne à une société de l’éclate ». Ceci va notamment passer par la publicité et le cinéma, qui vont promouvoir le principe du plaisir immédiat contre les « valeurs traditionnelles », favoriser la libéralisation des mœurs, instaurer une idéologie permissive voire « transgressive »[12], notamment par la diffusion de l’American Way of Life[13]. « Envoyez les films [à l’Europe], les produits suivront » prophétisait ainsi le Président Roosevelt dès 1945. Cette idéologie du désir présente par ailleurs l’intérêt, pour les classes possédantes, de voir la petite-bourgeoisie intellectuelle « de gauche » et une partie les couches moyennes supérieures se concentrer sur la contestation sociétale (les libertés individuelles, le droit de « jouir sans entraves », les pédagogies non-directives, les spiritualités New Age…) et délaisser les luttes sociales (Monville, 2011).
Cette idéologie du désir qui met l’emphase sur les plaisirs immédiats et les libertés individuelles (« j’ai le droit ! ») aura bien sûr des conséquences sur les pratiques éducatives, et donc sur les enfants (Dupont & al., 2022). Dans les salles de classe, on rencontrera, davantage qu’auparavant, des élèves qui peinent à maîtriser leurs pulsions ou à persévérer dans l’effort et la rigueur, qui supportent difficilement la frustration, qui ont un rapport conflictuel aux autres et aux règles collectives. Faire classe est devenu plus difficile avec ces « enfants-bolides » dont les comportements ne sont pas propices aux apprentissages ni à l’établissement d’un climat serein ; la qualité des apprentissages s’en verra immanquablement affectée. Les écoles qui concentrent les élèves fragilisés sont mêmes parfois en peine de maintenir l’ordre intérieur. Ainsi, Fernand Oury, fondateur de la pédagogie institutionnelle qui avait autrefois dénoncé l’ « école caserne », écrit-il en 1983 : « Des règlements stupides tenaient lieu de loi : plus rien, la jungle. Les écoliers étaient serrés, tenus, contenus ; les voici libérés, abandonnés, paumés. Ils se répandent comme des œufs cassés […] Après la prison, le désert. Plus de repères, de limites reconnues et pas davantage de lois décidées en commun » (cité par Imbert, 2018, p. 226).
Notons par ailleurs que les enfants et les adolescents étant devenus l’une des cibles privilégiées de la publicité et de l’entertainment, ils sont constamment bombardés d’invitations à consommer frénétiquement les produits les plus addictifs de l’économie libérale. Et qu’il est de plus en plus difficile pour leurs parents de s’y opposer fermement. Les enseignants déploreront dès lors que le goût pour la lecture et les connaissances se détériore, celles-ci étant rudement concurrencées par un usage compulsif des écrans et autres jeux vidéo.
L’Ecole ne devrait pas être laissée seule face à ces problématiques qui concernent la société tout entière. Elle n’est néanmoins pas impuissante face à elles. Il est possible de mener un travail pédagogique sur le rapport aux autres, à la loi, aux savoirs, au plaisir. Un travail qui permette notamment de découvrir qu’il existe des plaisirs moins immédiats mais plus savoureux que les plaisirs consuméristes. Et qu’ils peuvent être trouvés dans la connaissance, la lecture, la pratique d’un instrument, la convivialité, l’engagement solidaire. Mais ce travail pédagogique ne peut être mené que si l’on donne à l’Ecole les moyens de le mener vraiment: ceci passerait nécessairement par un renforcement de l’encadrement, qui permettrait de réduire la taille des classes et de mettre sur pied l’ « Ecole ouverte » que nous appelons de nos vœux (Mottint & al., 2021).
Notes
- La généralisation prudente des conclusions françaises à notre enseignement belge (surtout francophone) parait acceptable pour deux raisons. D’une part, parce que les systèmes éducatifs français et belges n’ont pas été soumis à des facteurs socio-économiques, culturels et pédagogiques radicalement différents au cours des dernières décennies. D’autre part parce que les scores PISA belges et français ont suivi des trajectoires plus ou moins parallèles depuis 20 ans, avec même un « rattrapage » du retard français sur le score belge dans certains domaines. Rien ne porte donc à penser que notre niveau scolaire belge suive une courbe radicalement différente de celle du niveau scolaire français. ↑
- On estimait par exemple que ces élèves d’origine populaire seraient réfractaires à l’écoute de la parole du maitre… ↑
- Ce souci d’horizontalité était notamment porté par les « pédagogies non-directives », en vogue à l’époque (Snyders, 1973). ↑
- Comme le confirment par ailleurs bon nombre de recherches quantitatives. Pour une recherche récente, voir par exemple Oliver & al. (2021). Ou pour une synthèse : Mottint (2018) ↑
- L’apprentissage de la lecture a été particulièrement touché. A ce propos, voir Garcia & Oller (2015) et Krick & al. (2007). ↑
- A l’école primaire, une tâche de calcul pour les uns sera par exemple reconfigurée en une tâche de dénombrement « pour ceux qui n’y arrivent pas ». ↑
- L’approche par compétences, insistant sans cesse sur la nécessité de « mobiliser ses connaissances dans des situations inédites », dévalorise en effet toute démarche d’exercisation des savoir-faire qui ne mettrait pas en jeu une « situation nouvelle ». Or refaire dans un même contexte est nécessaire pour permettre une automatisation des savoir-faire sans placer les élèves dans une situation de « surcharge cognitive ». ↑
- « soumission » semble un terme plus exact… ↑
- La part du PIB allouée à l’éducation dans les économies occidentales va ainsi être peu à peu comprimée après le choc pétrolier de 1973. ↑
- Une légère surproduction de travailleurs hautement qualifiés rencontre toutefois l’intérêt du patronat dans la mesure où elle permet de mettre ces travailleurs en concurrence et dès lors de tirer leurs salaires vers le bas. ↑
- Dans un premier temps au moins, les classes populaires n’ont pas les moyens financiers d’accéder à ces nouveaux biens de consommation et leurs achats se portent presque exclusivement sur l’acquisition de biens d’équipement (voiture, machine à laver, etc.) (Clouscard, 2013). ↑
- Une transgression qui ne vaut bien entendu que pour le consommateur, et certainement pas pour le travailleur salarié. On aboutit, comme le formule Clouscard (1981) à une « société permissive pour le consommateur, mais toujours répressive pour le producteur ». ↑
- Par le biais notamment des accords Blum-Byrnes (1946) assurant une large diffusion des films américains en France. ↑
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