Travail collaboratif, marche forcée ?

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Hervé Narainsamy et Roman Wittebroodt enseignent dans le secondaire. Le 15 mai dernier, ils publiaient dans La Libre une carte blanche cosignée par un collectif du monde enseignant : « Le travail collaboratif ou la négation du labeur enseignant ». Nous leur avons demandé de contribuer à notre dossier par leur témoignage. Le travail collaboratif se pare de toutes les vertus: participation, collaboration, horizontalité… mais qu’en est-il réellement ? Voici le fruit de leur réflexion.

« L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique  » [1]

Un article initialement publié dans L’École démocratique, n°98, juin 2024 (pp. 8-12).

Excellence et racisme de l’intelligence

Le Pacte pour un Enseignement d’excellence se targue de gouvernance, comme c’était d’ailleurs déjà le cas en 2004, sous la Ministre Arena, avec le Contrat stratégique pour l’apprentissage (qui mutera en un Contrat pour l’école) : « Le Contrat pour l’école est original à au moins deux titres : d’une part, il assume une vision globale de l’enseignement obligatoire, en s’appuyant sur des outils existant pour certains depuis de nombreuses années, mais en les inscrivant pour la première fois dans une stratégie d’ensemble ; d’autre part, il s’est voulu exemplatif d’un nouveau mode de gestion publique où sont impliqués, dès le départ, puis au cours des évaluations postérieures, les acteurs de terrain : fédérations d’employeurs de l’enseignement ou du secteur privé, organisations représentatives des travailleurs interprofessionnelles ou propres à l’enseignement, mais aussi associations de parents et d’étudiants, sans oublier celles et ceux qui se sont exprimés à titre individuel. »

Lorsqu’au tournant des années 2016 et 2017 le projet de Pacte pour un Enseignement d’excellence fut soumis aux enseignants, via leurs organisations syndicales, il était déjà difficile de ne pas entendre un « non » massif[2], confirmé par le succès fulgurant de la page Facebook « Non au Pacte d’excellence » et de l’asbl 1Pact[3]… Les ardents défenseurs de cette réforme ne virent pourtant dans ce refus que la manifestation de fonctionnaires grincheux et/ou craintifs, auto-centrés et incapables d’imaginer un changement qui pourrait compromettre leur petit confort.

Les enseignants redoutent-ils l’avenir ? Oui, sans doute. Peut-être à raison… Dans l’Homme révolté, Camus ne posait-il pas cette question essentielle : « Si la fin justifie les moyens, qui justifiera la fin ? ». Problème très actuel de nos démocraties. La gouvernance permet-elle de vraiment discuter de la fin[4]? Si les enseignants rechignent, n’est-ce pas en partie parce qu’à l’instar d’autres citoyens, ils se sentent dépossédés de la réflexion de la fin, du ou des sens possibles de l’enseignement ?

Bref, croire ou faire croire qu’une majorité d’enseignants ont dit « non » au Pacte par simple frilosité est une forme de racisme de l’intelligence. Une sorte de racisme de classe. « Les » enseignants n’auraient rien compris; les gouvernants et leurs experts, eux, maîtriseraient les données du problème. Pas si sûr.

Le Travail Collaboratif : symptôme du néo-management

Malgré le « non » du corps enseignant, le Pacte pour un Enseignement d’excellence s’est implanté, vaille que vaille, coûte que coûte. Le Pacte impose aux acteurs de l’école de se fixer des objectifs de résultats. Travaillant en « cellule », les enseignants fournissent une prestation hors des heures de cours, développent en groupe un projet (ex. cellule bulletin, bien-être des élèves, lecture, remédiation, etc.). A peine une cellule vient-elle à bout d’un « objectif » que ses membres sont renvoyés vers de nouveaux projets, quittant une cellule pour une autre. Aux engagements attendus s’ajoutent donc les réunions pour ces contrats d’objectifs[5]. Le travail collaboratif vient ainsi compléter la toile de l’Excellence.

Cette façon de procéder n’est pas apparue ex nihilo. Le travail collaboratif est un néologisme emprunté au secteur privé. Dès les années 90, on réorganise l’enseignement sur le modèle du monde de l’entreprise, avec l’approche par compétences[6]. Désormais, la notion d’excellence a pris le relais[7]. C’est à la fin du siècle dernier, avec le déploiement des techniques de communication et d’information, que le travail collaboratif voit le jour. Cette révolution ouvre de nouveaux horizons et promesses de travail en réseau, donc d’efficience et de productivité.

Henry Mintzberg ou Marie-France Blanquet, deux spécialistes des sciences du travail, ont montré que la spécificité du travail collaboratif par rapport au travail coopératif est que le premier demande un engament des collaborateurs dans la totalité du projet – alors que, dans le second, il y a une division du travail dans laquelle chacun ou chaque groupe est avant tout responsable de sa tâche :

« L’objet de la collaboration est de créer une vision partagée et des stratégies articulées pour faire émerger des intérêts communs dépassant les limites de chaque projet particulier »[8].

A l’origine, l’idéal du travail collaboratif va de pair avec celui d’adhocratie, terme qui apparaît dès les années 60. Celui-ci désigne un système souple et non formel. Cette nouvelle manière d’envisager le fonctionnement en entreprise cherche à favoriser l’intelligence collective, la créativité, l’innovation. Plus intéressant, « la hiérarchie n’a pas de place dans ce système d’organisation puisque chacun des experts est placé sur un pied d’égalité. C’est leur union qui permet un résultat innovant et un fonctionnement moderne ».

Outre toutes les connotations positives qu’elle charrie avec elle, il s’agit de se rappeler que l’adhocratie est bien un outil qui cherche à rendre l’entreprise plus flexible, s’adaptant à la complexité des projets, des nouveaux objectifs et des marchés… Ainsi en va-t-il, au départ, du travail collaboratif.

A quelles conditions ce vœu pieux est-il réellement applicable ? Spécialiste du travail collaboratif dans le monde de l’entreprise, le sociologue Jean-Pierre Durand[9] offre un point de vue assez tranché : pour des activités gratuites (ex. encyclopédies en ligne), dans des associations ou des entreprises auto-gérées, il peut être une façon de procéder réaliste et effective. Mais dès lors qu’on dépasse ce cadre pour tomber dans des entreprises de taille plus importante, les tensions se font sentir. Parce que les objectifs sont écrits d’avance par l’employeur, le donneur d’ordre, la « tête de réseau ». Tout travail, y compris collaboratif, y est donc en situation de subordination. Le travail est défini et orienté par le patron. La promesse d’autonomie du travail collaboratif laisse place à la pression et l’esprit collectif est finalement soumis à un programme et à des horizons qui ne lui appartiennent pas.

L’intelligence collective est ainsi récupérée pour obtenir une « contrainte douce »[10] et une servitude volontaire. La pression et l’évaluation ne viennent plus seulement d’en haut mais passent désormais par les collaborateurs. La collectivité sort de l’intelligence partagée pour servir de relais à la hiérarchie. Paradoxe s’il en est, dans toute entreprise qui n’est pas auto-gérée mais prétendrait favoriser le travail collaboratif, la solidarité se voit défaite de l’intérieur par la mise en tension mutuelle des pairs. La « collectivisation » du pouvoir optimise la pression managériale par le contrôle social. Au vu de ce constat, il est légitime de se demander dans quelle mesure ces outils du management sont pertinents et révolutionnaires pour notre système scolaire en faillite.

Au programme de la contre-productivité

Le travail collaboratif en cellule d’objectif est présenté comme un moyen d’unifier les enseignants. L’expérience montre parfois le contraire. Pour ne citer que deux exemples : une « cellule horaire » dont les membres sont incapables de se mettre d’accord sur un nouveau type d’organisation des cours suivant les tronc communs, au point de briser l’entente mutuelle entre collègues. Et dans un autre cas, un projet de ¼ heure lecture, maladroitement présenté – c’est-à-dire sans validation des heures concernées par les représentants des professeurs –, finit par recevoir l’opposition d’une partie des collègues voyant qu’on empiète sur leurs heures de cours ou de pause. Ceux qui se sont alors investis dans le projet – qu’on leur a imposé – éprouvent l’amer sentiment d’une absence de reconnaissance par leurs pairs du travail fourni, alors que là n’était pas le réel problème. Bref, ce remède miracle qu’on nous vend pour mettre un terme aux conflits entre collègues s’avère toxique pour un certain nombre d’entre eux.

A cela, s’ajoute un constat : la liberté pédagogique[11] se dilue et laisse place à une uniformisation des cadences de travail et à une obligation de résultats. L’école demeure un lieu strictement hiérarchisé. Les professeurs restent de simples exécutants et les réunions en « cellules d’objectifs » sont toujours téléguidées par les finalités de têtes de réseau. Effet collatéral : l’implication accrue des plus motivés parmi les professeurs finit par éclipser les autres et exacerbe un phénomène de comparaison. Or, tout enseignant investi le sait, aux prescrits légaux viennent s’ajouter toutes sortes de prestations fantômes (non rémunérées) pour faire tourner l’école. Titulariats, programmation de voyages scolaires, suivi de travaux ou de stages, remédiations, autant d’activités bénévoles qu’assurent les enseignants.

Bien sûr, il y a des tire-au-flanc, comme partout, mais, n’en déplaise à ceux qui aiment caricaturer l’enseignant, on voit beaucoup de professeurs écrasés par leur charge de travail, livrés à eux-mêmes dans les difficultés concrètes du terrain : classes surpeuplées, infrastructures délabrées ou obsolètes, programmes et ressources pédagogiques déconnectés des réalités. On nous fait croire alors que le travail collaboratif stimulerait la motivation du corps enseignant. Or l’investissement forcé des acteurs dans un cadre général qui ne leur parle pas, dans des méthodes en décalage parfois complet avec les urgences et les besoins concrets du terrain génère désaffection cognitive, émotionnelle et physique.

L’esprit du management par projet et le prétexte du collectif permettent des économies structurelles (de personnels, de médiations, de formations adéquates) – en contournant les questions qui fâchent (taille des classes, écoles ghettos, infrastructures inadéquates voire insalubres). L’injonction nouvelle qui se dissimule derrière le projet collectif joyeux : faire plus avec moins.

« L’air du temps » oblige, il s’agit d’« optimiser » davantage l’investissement des enseignants. Et pour ce faire : changer les cours, changer les intitulés, changer les pratiques. Sans pour autant changer les infrastructures, la taille des classes, le nombre des éducateurs, le calcul aussi obscur qu’improbable des heures NTPP. Surtout, ne pas changer, hors l’Ecole, les dérèglements qui nourrissent les inégalités. Surtout, ne pas lutter de front contre la précarisation accélérée des « classes moyennes », le déclassement implacable des plus pauvres et l’ubérisation sociale.

Et si le travail collaboratif, tout comme la notion de Pacte et même d’Excellence, n’étaient au fond que des trompe-l’oeil, des cache-misère[12] ? Il faut ne jamais avoir mis les pieds dans les écoles précarisées, par exemple, pour penser que « les enseignants » ne savent ou ne veulent pas « s’adapter » aux nécessités, qu’ils ne savent pas ou ne veulent pas faire équipe, « échanger les bonnes pratiques ». En fait, ils le font même souvent plus – beaucoup plus : ils pratiquent l’empathie et les encouragements mutuels. Et ce, gratuitement. Sans « contrat » ni évaluation. L’accompagnement individualisé sans temps ni salaire supplémentaires. Non pas toujours par « amour du métier » mais au moins par fibre humaine. On appelle tout cela la solidarité. La particularité de celle-ci est de n’obéir à aucun objectif de résultats ou de comptes à rendre…

Certes, il est des milieux scolaires – plus favorisés – qui autorisent des évolutions « maîtrisées », en douceur. Ce sont les écoles à « indice socio-économique fort », une minorité. Les autres se débattent avec leurs multiples déficits : financiers, matériels, humains. Alors parfois, certains enseignants se recroquevillent sur eux-mêmes, quand ils sont fatigués, quand ils ont trop donné.

La peur institutionnelle, envers et contre tout

Le constat des charges supplémentaires que fait peser le Pacte sur les enseignants ne doit pas nous enfermer dans un misérabilisme niais. La pierre n’est pas à lancer exclusivement sur les instances dirigeantes. Rendus responsables des nombreux projets, les enseignants sont également responsables de leur inertie. Prompte à se plaindre, une partie du corps pédagogique est incapable de dépasser la protestation stérile de la salle des profs. Certains se montrent frileux à dénoncer publiquement les pressions que fait peser le Pacte d’excellence, ou à formuler des revendications légitimes (ex. la demande d’un audit ou une action syndicale).

Dans la lutte pour ses droits, l’enseignant brille souvent par son absence. Pour ne pas s’exposer, il lui arrive d’adopter des attitudes d’évitement : ça louvoie quand ça ne fait pas l’autruche, tandis que ceux qui aboient ne mordent pas forcément la main qui les nourrit… Certains ont toutefois l’honnêteté d’admettre leur peur de représailles suite à une action ou revendication publique. Nominations, attributions, horaires, demande de détachement : les leviers de contraintes sont nombreux et connus même des primo enseignants. C’est toutefois un fait troublant et nouveau pour des enseignants censés transmettre aux jeunes l’esprit critique et la liberté d’expression que de les voir se censurer. Que se passe-t-il quand les vecteurs de la citoyenneté ne sont plus en mesure d’appliquer à eux-mêmes les valeurs qu’ils ont pour rôle d’incarner et de défendre ?

Le Pacte d’excellence n’y est pas pour rien dans cette… défaillance pédagogique. En offrant aux instances dirigeantes un arsenal de contrôle (carnet d’heures collaboratives prestées, évaluation des objectifs atteints, évaluation des enseignants), il précarise le statut enseignant. Infantilisés une fois encore, les voilà réduits au rôle de fonctionnaires embrigadés. Et pour préserver leur petit confort, nombreux sont ceux qui en oublient toute logique de solidarité.

Outre un individualisme qui contrecarre l’authentique et précieuse collaboration enseignante, cette abstention met en lumière une peur institutionnelle qui confirme la reproduction dans le milieu scolaire des mécanismes de pressions managériales au travers du travail collaboratif. Quand, par exemple, une collègue s’interdit de rejoindre les signataires d’une carte blanche sur le travail collaboratif par peur d’être « épinglée » par sa direction et les collègues de son groupe de projet, cela en dit long sur la tension qui peut exister. Le travail collaboratif aurait voulu détricoter tout esprit d’unité collégiale qu’il ne s’y serait pas mieux pris. L’effet délétère de coercition au sein des cellules ou des branches se dit du bout des lèvres chez certains enseignants. La détresse est étouffée…

Le plus inquiétant reste la crainte de représailles hiérarchiques. Elle se manifeste le plus souvent par la peur de la perte d’ « avantages ». Fantasmes ou réalités, les intentions retorses que prêtent certains aux directions ont un effet dissuasif puissant sur une partie des personnels concernés – au départ souvent mal informés. L’autocensure des professeurs les soumet entièrement aux nouvelles exigences de travail. La dépendance à des avantages peut devenir un moyen de pression indicible, une peur instrumentale. Et, là où la confiance en ses pairs et ses supérieurs est remplacée par une défiance, rien de bon ne peut émerger.

Perte de sens

Faut-il le rappeler, l’une des plumes à avoir rédigé le Pacte d’Excellence n’est autre que le fameux bureau de consultance McKinsey, qui a depuis lors fait beaucoup parler de lui. Walt Bogdanich et Michael Forsythe, dans leur ouvrage Mc Kinsey. Pour le meilleur et pour le pire, ont dévoilé la face sombre de l’entreprise à qui, chez nous, fut confiée l’écriture des mots directeurs de l’enseignement. N’avons-nous pas laissé à la finance cynique le soin de dicter les mots – aliénés et aliénants – censés porter notre métier ? « Quand on perd le sens des mots, écrit Roland Gori, on perd le monde commun[13] » Perdre nos mots, ne plus les chercher, ne plus les trouver, c’est perdre ce qui fait le cœur de l’enseignement.

Toujours selon Roland Gori, nous vivons dans une société de « densification normative » (La fabrique des imposteurs). Du corps à l’esprit, en passant par le mode de vie, la société est normée et systématisée sur le modèle de l’entreprise. L’innovation et la créativité aussi se voient réglementées par le privé, comme si, par manque d’imagination, ce contrôle permanent était le Catholicon indépassable pour redonner à la société l’énergie qui lui manque, qui lui glisse des mains. L’école n’échappe pas à cet esprit du temps.

Si ce qui caractérise l’enseignement doit être le sens partagé et le sens transmis, si l’objectif est d’émanciper la jeunesse et de l’outiller afin que les générations à venir ne soient pas des machines ou des robots mais des individus autonomes et épanouis, si l’enseignement doit être un des leviers d’humanité, un ferment de démocratie, notre réflexion se veut alors une autorisation, pour ceux qui ont charge d’âme, comme on dit, à penser, à faire preuve d’esprit critique, et donc à résister, chacun selon sa force, là où le vide des mots et le creux des bonnes pratiques conduisent en silence vers des impasses.

La collaboration, l’intelligence collective, la nécessité de faire communauté autour d’un sens partagé ou de sortir de pratiques pédagogiques éculées, le besoin de solidarité, tout cela est vital pour notre métier. Mais la démarche proposée par le travail collaboratif ne crée qu’un effet fédérateur artificiel, creux.

Shakespeare écrivait : « Nous sommes faits de nos rêves ». Et si le travail collaboratif avec tout son arrière-fond managérial révélait tout simplement un manque de rêve(s) et donc un manque de liberté ? Et si, sous le couvert d’une pseudo-confiance renouvelée dans les acteurs de terrain, on ne tentait pas plutôt de contrôler la défiance à l’égard de leur investissement ? Et si, sous le couvert d’une autonomie collective, on ne construisait pas, en fait, un domptage de l’enseignement, une marche douce mais forcée vers les nouvelles économies absconses[14] ?

Tous les acteurs de l’école en sont bien conscients : l’implication de tous a permis de lier un contrôle renforcé des enseignants avec des économies d’échelle. Mais c’est un jeu à somme nulle. Car la motivation des débuts s’estompe et l’accumulation de charges des enseignants souffle sur les braises du mécontentement.

Hervé Narainsamy
Roman Wittebroodt

 

Notes

  1. Education for Europeans. Towards the Learning Society. Cité dans : LAVAL, C., Le paradigme européen de la connaissance 
  2. CGSP Enseignement : « Non mais… » au Pacte pour un Enseignement d’Excellence
  3. Enquête janvier 2019 
  4. Sur les grandeurs et misères du concept de « gouvernance », lire le très bon article de J. PITSEYS, Le concept de gouvernance 
  5. « Le mode d’euphémisation le plus répandu aujourd’hui est évidemment la scientifisation apparente du discours. Si le discours scientifique est invoqué pour justifier le racisme de l’intelligence, ce n’est pas seulement parce que la science représente la forme dominante du discours légitime; c’est aussi et surtout parce qu’un pouvoir qui se croit fondé sur la science, un pouvoir de type technocratique, demande naturellement à la science de fonder le pouvoir; c’est parce que l’intelligence est ce qui légitime à gouverner lorsque le gouvernement se prétend fondé sur la science et sur la compétence «scientifique» des gouvernants (…) ». (P. BOURDIEU, dans Questions de sociologie
  6. Voir N. HIRTT, Approche par compétences : l’économie du savoir
  7. N. AUBERT et V. DE GAUJELAC, Le coût de l’excellence, Paris, Seuil 1991, introduction, p. III. Nicole Aubert est professeure de Sciences humaines à l’Ecole supérieure de commerce de Paris. Vincent de Gaujelac est entre autres membre fondateur de l’Institut International de Sociologie clinique.
  8. D. CHRISLIP, cité dans : C. GANGLOFF-ZIEGLER, « Les freins au travail collaboratif »Marché et organisations, 2009/3 (N° 10), p. 95-112. DOI : 10.3917/maorg.010.0095.
  9. J.-P. DURAND, « Le travail collaboratif : des illusions à d’éventuels possibles », Marché et organisations, 2009/3 (N° 10), p. 15-28. DOI : 10.3917/maorg.010.0015.
  10. L’expression est de J.-P. Durand.
  11. Qui n’est ni le droit de faire ce qu’on veut ou seulement ce qui nous plaît, ni le rempart contre toute remise en question nécessaire, ni le décret d’un droit à la désolidarisation. Lire à ce sujet : SNES-FSU: La liberté pédagogique, une notion en débat
  12. J. LE MAZIER, « À bas l’excellence ! », Vacarme, 2012/4 (N° 61), p. 159-170. DOI : 10.3917/vaca.061.0159.
  13. R. GORI, p. 35
  14. N. HIRTT, Eduquer et former, sous la dictature du marché du travail, dans L’Ecole démocratique, n°55, septembre 2013.

 

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