Drieu Godefridi, businessman du cours particulier (Cogito), tête de gondole de la N-VA en Wallonie

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Les médias faisaient grand bruit, il y a quelques semaines, de la présentation par la N-VA de sa nouvelle recrue wallonne. Désigné tête de liste pour le Brabant Wallon par les nationalistes flamands, Drieu Godefridi était présenté comme un ultra-conservateur à tendance climatosceptique, situé à « la droite de la droite » du champ politique. Ce philosophe de formation est par ailleurs à la tête de Cogito, une entreprise ayant porté les cours particuliers au rang d’industrie (très) lucrative.

À droite toute !

Co-fondateur d’un think tank libéral (l’Institut Hayek) et autrefois proche du MR, Drieu Godefridi a progressivement rompu avec les libéraux francophones, trop tièdes à son goût, pour se rapprocher en leur temps de la Liste Destexhe et surtout du Parti Populaire de Mischaël Modrikamen. On a depuis lors pu lire sous sa plume les éloges de Trump, de Bolsonaro ou de Zemmour, dont il dira qu’il est « un homme remarquable, intelligent, lettré, racé, fin, courageux et tenace » (Dupont, 2024). Plus récemment, regrettant la mollesse (!) de Macron à Davos, c’est au nouveau Président libertarien de l’Argentine Javier Milei que la nouvelle recrue de la N-VA tressait des couronnes, se réjouissant de voir « du Thatcher et du Reagan dans cet énergique lutin joyeux » (Atlantico, 2024). Un lutin, Milei ? Nous n’avons pas les compétences pour nous prononcer sur ce point, mais nous pouvons en revanche affirmer avec certitude que son programme renferme des idées pas franchement joyeuses : privatisations massives, détricotage du droit du travail, libéralisation du logement, du commerce d’organes et du port d’armes, réductions massives des dépenses publiques en matière de santé et d’éducation (le bien-nommé « plan tronçonneuse »…), et pléthore d’autres mesures ultralibérales qui, deux mois seulement après l’accession du lutin au pouvoir, ont fait exploser le taux de pauvreté en Argentine (Página/12, 2024).

Cogito ergo €€€

Mais Godefridi n’est pas qu’un « leader d’opinion » droitier. Il est également à la tête de Cogito, une entreprise active en Belgique et en Suisse dans la commercialisation de cours particuliers, de coaching scolaire et d’autres stages et « week-ends d’étude » destinés à préparer les écoliers et les étudiants du supérieur aux examens[i].  Cogito propose par ailleurs une offre de « soutien en ligne », lui permettant d’attirer des clients français ou luxembourgeois. L’appât du gain ne connait pas de frontières… Evidemment, cette « aide à la réussite » n’est pas à portée de toutes les bourses. Quel étudiant du supérieur pourra par exemple s’offrir le « Pack 40 heures » à 1.880 €, le « blocus assisté » (de 5 jours, non-résidentiel) à 975 €, ou encore le séminaire « méthodologie de travail » (2h30 facturées 250 €) ?[ii] Quel parent d’élève du primaire ou du secondaire pourra débourser 1.260 € pour les 30 heures de soutien de la « formule Platon » ? Ou les 835 € nécessaires pour s’offrir un stage de 5 jours ? Ou même les 318 € permettant l’accès à un plus modeste week-end d’étude ?[iii] Il y a fort à parier que la thèse que notre Docteur en philosophie a soutenue à la Sorbonne ne portait pas sur l’équité scolaire… En bonne gardienne des intérêts des classes aisées, la N-VA ne s’encombre quant à elle pas de telles considérations démocratiques, déplorant avec Wouter Duyck « une idée d’égalité néfaste » à la qualité de l’enseignement (N-VA, 2024).

Trop de dépenses publiques pour l’éducation ! Des enseignants qui travaillent trop peu !

On notera par ailleurs qu’en bon libéral, Godefridi déplore la part de dépenses publiques consacrée à l’enseignement francophone belge. Que des parents se saignent pour s’offrir les services de Cogito, notre businessman du cours particulier n’y trouve rien à redire. En revanche, il s’insurge que « les Wallons se saignent pour assurer les prestations sociales de leurs enseignants », voyant dans ces « droits acquis » et ces « avantages sociaux » les prémices d’une « Wallonie communiste » (Godefridi, 2023). « Aucun pays (…) ne permet à ses enseignants de travailler aussi peu qu’en Wallonie », tonne-t-il encore. Rassurons le lutin Godefridi: pour l’heure, ce sont davantage les recommandations du management néolibéral que l’on entend dans les couloirs des écoles que le refrain de l’Internationale…

Suivi individuel, petits groupes ? Oui… mais pour les enfants de bonnes familles seulement

Ce double standard en matière d’enseignement public/privé peut également s’observer à travers les posts publicitaires que Cogito diffuse sur les réseaux sociaux. Cogito explique ainsi à ses clients potentiels « qu’une préparation efficace à l’examen d’entrée en médecine est nécessairement individuelle, et strictement » (Facebook, 14 juillet 2022). De même, Cogito ne cesse de mettre en avant la plus-value pédagogique du travail en petits groupes. On s’étonne dès lors que Monsieur Godefridi, lorsqu’il enfile son costume de candidat N-VA, ne plaide pas a minima pour une réduction de la taille des classes pour tous les élèves de l’enseignement obligatoire… Estimerait-il que les meilleures conditions d’apprentissage doivent être strictement réservées aux enfants de familles bourgeoises, seules capables de s’offrir les normes d’encadrement avantageuses chèrement vendues par les entreprises privées du soutien scolaire ?

Godefridi et Cogito, modèles de l’éducation ultralibérale

Mépris pour les « enseignants-fonctionnaires oisifs ». Mise en avant de « coachs » et de « formateurs » privés « dynamiques ». Contraction des dépenses publiques d’éducation. Développement d’une offre privée de soutien scolaire, uniquement accessible aux nantis. Les ingrédients de la recette Godefridi-Cogito pour assurer la réussite scolaire sont garantis « 100% libéraux », et sans la moindre trace d’équité. Gages de profit pour les entrepreneurs du soutien scolaire, ces ingrédients renforcent simultanément les avantages de la bourgeoisie dans la compétition scolaire. A l’horizon de ce projet libéral, on voit poindre une école publique encore davantage au rabais pour les classes populaires, tandis que les  familles riches pourront s’offrir sur le marché privé de l’éducation les conditions de l’excellence scolaire.

Dans le cadre de la guerre qu’elle mène contre l’avènement d’une Ecole ambitieuse pour tous, la N-VA ne s’est pas trompée en recrutant le soldat Godefridi…

 

Références

Atlantico (2024, 19 janvier). Macron/Milei: le match des discous à Davos pour ceux qui ont (vraiment) envie d’audace et de régénération: entretien avec Alexandre Delaigue et Drieu Godefridi. En ligne sur le site d’Atlantico, consulté le 6 mai 2024.

Dupont, K. (2024, 21 mars). 10 choses à savoir sur Drieu Godefridi, la tête de liste N-VA en Wallonie. En ligne sur le site du magazine Moustique, consulté le 6 mai 2024.

Godefridi, D. (2023, 12 mars). Wallonia 2024 : finally the real communism? En ligne sur le site de Medium, consulté le 6 mai 2024.

N-VA (2024). Nos priorités. En ligne sur le site de la N-VA, consulté le 6 mai 2024.

Página/12 (2024, 6 mai). Saltó la pobreza en apenas 2 meses de Milei: llegó al 57,4 por ciento. En ligne sur le site de Página/12, consulté le 6 mai 2024.

Notes

[i] Parmi la gamme des produits vendus par COGITO, à côté des traditionnels cours particuliers et du  coaching en « méthode de travail », on trouve ainsi, et de manière non-exhaustive, des « blocus assistés », des stages et des week-ends résidentiels permettant de préparer le CEB, le CE1D, le CESS ou encore l’examen d’entrée en médecine.

[ii] Cf. conditions générale ‘enseignement supérieur’ de COGITO : https://www.cogitobelgium.com/wp-content/uploads/2022/07/CG-SUP-2022.pdf

[iii] Cf. conditions générales ‘secondaire et primaire’ de COGITO : https://www.cogitobelgium.com/wp-content/uploads/2021/09/CG-SEC-09.2021.2.pdf