Le problème de la pénurie est particulièrement préoccupant en Communauté française et, même s’il est difficile à quantifier car la situation est forcément très mouvante, tout indique qu’il est en train de s’aggraver. En effet, alors qu’auparavant le problème se faisait surtout sentir en hiver, quand il devenait difficile de trouver des remplaçants aux professeurs absents pour maladie, aujourd’hui, c’est dès le début de l’année scolaire qu’on ne parvient pas à remplir les cadres. Déjà en septembre, certains cours ne sont pas assurés, particulièrement en langues. Et aucune branche n’est épargnée.
Un article initialement publié dans L’École démocratique, n°95, septembre 2023 (pp. 12-13).
Voilà une réalité grave en soi, puisqu’elle porte atteinte au droit à l’enseignement dont devrait bénéficier chaque enfant. Mais, à y regarder de plus près, la pénurie ne touche pas toutes les populations scolaires de manière identique. En effet, ce sont surtout les écoles fréquentées par les milieux populaires qui peinent à recruter. Par conséquent, les enfants défavorisés, ceux qui n’ont pas d’alternative à l’école pour apprendre, se voient privés de nombreux cours et de remédiations pourtant bien nécessaires.
Personne ne prétendra qu’il existe une recette miracle pour lutter contre la pénurie. Le problème est généralisé et toute l’Europe est concernée. Toute l’Europe ? Non, car il existe un pays d’irréductibles finnois qui résiste encore et toujours à ce fléau. On a dit beaucoup de choses sur l’enseignement en Finlande. Au point d’en agacer certains qui en avaient marre d’être systématiquement comparés à ce pays scandinave qui caracolait en tête des classements PISA. Tant pour ses niveaux moyens que pour sa lutte contre les inégalités. Autant rassurer ceux-là tout de suite. La Finlande n’est plus le modèle qu’il fut. Des mesures de libéralisation, certes modérées, conduisent inévitablement l’enseignement de ce pays au déclin, même si beaucoup, dont la Belgique, seraient heureux d’atteindre encore leurs résultats actuels. Il y a cependant bien un domaine où la Finlande continue de se singulariser positivement. C’est celui de l’absence de pénurie d’enseignants. Au pays des mille lacs, le recrutement ne cause pas de cheveux blancs à ceux qui en ont la charge. Alors oui, ça vaut tout de même la peine de se demander quelle est la différence entre la Finlande et tous les autres sur ce plan-là.
Il y a quelques années, un rapport du Sénat français, qui y avait envoyé des membres en mission, permettait de comprendre à quel point le métier d’enseignant est valorisé dans ce pays. Il insistait particulièrement sur le respect des enseignants. Le système éducatif finlandais est régulièrement évalué. De diverses manières. Que ce soit au niveau global ou en examinant certaines écoles. Mais cette évaluation ne débouche jamais sur une pression et une responsabilisation individuelles. Voici ce que décrit l’auteur d’un article pourtant critique sur certains aspects de l’enseignement finlandais : « plusieurs systèmes occidentaux mettent l’accent sur (…) un principe de responsabilisation de chacun face aux résultats des élèves. En Finlande, c’est différent (…) on y met plutôt l’accent sur (…) la confiance envers les enseignants, grâce à un système de suivi réalisé par les directions d’école. Evidemment, chacun des professionnels à pied d’oeuvre auprès des élèves est, de facto, responsable du résultat des élèves, mais ils ne sont pas tenus responsables (…) les résultats obtenus par les élèves servent de base à une discussion de nature réflexive sur les approches pédagogiques déployées et l’aide à apporter aux élèves en difficulté ».
Bref, tout le contraire de ce qui se passe chez nous. Malgré l’opposition ferme des professeurs et de leurs représentants, la majorité vient de voter cet été un texte qui instaure le principe de nouvelles sanctions. Tout le contraire de ce qu’il faut faire si on veut lutter contre la pénurie.