L’Ecole belge, championne des inégalités et de la ségrégation

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Enquête internationale après enquête internationale, nos systèmes scolaires belges apparaissent comme particulièrement inégalitaires. Les résultats de nos élèves francophones et néerlandophones à l’enquête PISA-2018[1] confirment une nouvelle fois cet état de fait. L’étude réalisée par Nico Hirtt (2020) sur base de ces données montre en effet l’écart de performances scolaires abyssal qui sépare les 25% d’élèves les plus riches des 25% d’élèves les plus pauvres (cf. graphique n°1).

Graphique n°1 – Différences de scores PISA entre les quartiles socio-économiques extrêmes
toutes disciplines confondues (Hirtt, 2020, p. 2).

Dans l’enseignement flamand (VLG[2] sur ce graphique et les suivants) comme dans l’enseignement francophone (FWB[3]), cet écart avoisine les 110 points, ce qui équivaut à un différentiel d’acquis scolaires de près de 3 années[4] ! Comme le montre le graphique n°1, l’enseignement flamand comme l’enseignement francophone figurent à cette aune parmi les pires élèves de l’ex-Europe des 15, bien loin des performances en termes d’équité affichées par la Norvège par exemple.

En vue de mesurer plus rigoureusement l’iniquité scolaire, Nico Hirtt (2020) a construit un indice composite d’inégalité sociale scolaire combinant (1) l’ampleur des écarts entre élèves en fonction de la variation de leur indice socio-économique[5] et (2) la dépendance entre origine sociale et score PISA[6]. La comparaison intra-européenne (cf. graphique n°2) obtenue sur base de cet indice plus robuste est tout aussi accablante pour nos systèmes scolaires belges : sur les 28 pays européens comparés, seule la Hongrie fait pire que l’enseignement flamand, tandis que l’enseignement francophone pointe au 5ème rang des systèmes éducatifs les plus inéquitables d’Europe.

Graphique n°2 – Indice d’inégalité sociale scolaire (Hirtt, 2020, p. 5).
L’indice est construit de telle manière que la valeur moyenne européenne est égale à 1.

Que l’on considère l’ampleur des inégalités scolaires ou leur dépendance aux caractéristiques sociales des élèves, le constat est donc implacable : nos systèmes éducatifs belges offrent bien peu d’espoir aux élèves des catégories populaires d’atteindre des performances scolaires de haut niveau.

S’il est un autre domaine dans lequel notre enseignement belge se distingue par ses piètres performances, c’est celui de la mixité scolaire : nos systèmes scolaires francophone et flamand apparaissent en effet parmi les systèmes scolaires les plus ségrégués d’Europe. Comme l’illustre le graphique n°3, une proportion particulièrement importante de nos élèves francophones et néerlandophones fréquentent des écoles-ghettos, c’est-à-dire des établissements scolaires concentrant les uns des élèves « riches », les autres des élèves « pauvres ».

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Graphique n°3 — Part d’élèves fréquentant des écoles-ghettos
calculée à partir des données PISA-2015 (Hirtt, 2017)

La comparaison avec la Norvège, qui fait figure de modèle européen en termes de mixité et d’équité scolaire, est là encore édifiante. Alors que les indices socio-économiques des élèves belges et norvégiens sont similaires en termes de moyenne et de dispersion, on remarque à l’appui du graphique n°4 que la dispersion est tout autre à l’échelle des établissements scolaires. Ainsi, le nuage de points norvégien — où chaque point représente un établissement scolaire — est nettement plus concentré sur l’axe horizontal, les écoles ségréguées étant très peu nombreuses (aucun établissement scolaire norvégien n’affiche par exemple un indice socio-économique moyen inférieur à -0.4). Les établissements scolaires belges sont en revanche nettement plus polarisés socialement, puisque le nuage de points s’étire plus largement — sur la gauche de l’axe horizontal notamment — laissant apparaitre une proportion bien plus importante d’écoles ghettoïsées.

Une image contenant graphique Description générée automatiquement

Graphique n°4 – Ségrégation sociale et inégalités observées au niveau
des établissements scolaires belges et norvégiens (Hirtt, 2020, p. 6)

On voit tout aussi nettement sur ce graphique n°4 que cette plus forte ghettoïsation des établissements scolaires s’accompagne d’une plus importante dispersion des scores moyens des établissements scolaires. Il y a donc clairement une « école à plusieurs vitesses » en Belgique, puisque les établissements scolaires concentrant les élèves les plus pauvres affichent un score moyen jusqu’à 300 points inférieur aux écoles rassemblant les élèves issus de l’élite socio-économique du pays.

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Références

Hirtt, N. (2017). Réseaux, inscriptions, filières, financement : les mécanismes de l’inégalité scolaire. En ligne sur le site de l’Aped : https://www.skolo.org/2017/06/22/reseaux-inscriptions-filieres-financement-mecanismes-de-linegalite-scolaire/

Hirtt, N. (2020). L’inégalité scolaire ultime vestige de la Belgique unitaire ? Une analyse statistique des causes de l’inégalité scolaire dans l’enseignement flamand et francophone belge, à partir des données de l’enquête PISA 2018. En ligne sur le site de l’Aped : https://www.skolo.org/CM/wp-content/uploads/2020/02/PISA-2018-FR.pdf

 

Notes

  1. Le programme PISA, développé par l’OCDE, évalue principalement les acquis en mathématiques, sciences et lecture des jeunes de 15 ans issus de plus de 80 pays.
  2. VLG : Vlaamse Gemeenschap
  3. FWB : Fédération Wallonie-Bruxelles
  4. Dans l’étude PISA, un écart de 40 points équivaut approximativement à un différentiel d’acquis correspondant à une année scolaire.
  5. Plus exactement le gain de score PISA pour une variation unitaire de l’indice ESCS.
  6. Plus exactement le coefficient de détermination statistique entre origine sociale et score PISA.