Si on remonte dans le temps, avant le décret inscriptions, les directions des écoles qui se voulaient élitistes pratiquaient une sélection à l’inscription, quelle que soit l’année (primaire, première secondaire…). Des parents se voyaient répondre que leur enfant ne serait pas à l’aise dans telle école parce qu’il ne correspondait pas au profil de l’enfant à inscrire : résultats scolaires antérieurs insuffisants, comportement « turbulent », difficultés d’intégration pouvaient ainsi être invoqués pour décourager certains parents. Souvent, on leur avançait comme argument qu’il n’y avait plus de places alors que pour d’autres, on trouvait encore des places. La liberté de choix de certains parents était limitée… par la liberté des autres. Privilèges et passe-droits étaient réservés à certaines familles.
En 2005, la ministre de l’Enseignement obligatoire, Marie Arena, signe le Contrat pour l’Ecole qui comporte plusieurs objectifs, dont la lutte contre les écoles ghettos. Afin de réguler les inscriptions, la ministre s’inspire du décret GOK, en œuvre en Flandre, qui impose une date unique d’inscription pour tous les établissements, avec un principe « premier arrivé, premier servi ». La situation ne sera guère meilleure pour les parents : on voit des parents camper sur le trottoir, payer des étudiants pour garder leur place dans la file… C’est l’indignation et, dans la foulée, les parents les plus démunis n’ont toujours aucune chance de voir leur enfant inscrit dans certains établissements. Évidemment, les parents veulent « le meilleur » pour leur enfant et notre système scolaire se traduit toujours par d’importants écarts entre les élèves les plus forts et les élèves les plus faibles, ne fréquentant pas les mêmes écoles.
Ceux qui ont en fait le plus contesté ce décret ne représentaient pas la majorité des familles concernées, mais certainement celles dont les privilèges étaient le plus mis en danger.
Formulaire unique et angoisse
Ensuite, on assistera à l’introduction du formulaire unique d’inscription, de critères établis afin de départager les élèves dans les écoles à « liste d’attente » ainsi que l’apparition de quotas d’élèves issus de la commune de l’établissement et provenant d’écoles défavorisées. Ce système entraine que, dans les régions où la concurrence entre écoles est rude, chaque année des parents ne sont pas confirmés dans leur choix d’école ou se retrouvent encore, début septembre, sans place pour leur enfant.
Des manoeuvres d’inscription de leur enfant dans une école éloignée du domicile sont mises en place afin d’éviter les écoles « ghetto de pauvres » de leur quartier. Mais pour cela il s’agit d’être bien informé et de connaître les codes complexes du système scolaire. Et malheureusement, ce système semble opaque pour bien des parents. Ainsi, pour certains, l’enfant commencera sa scolarité dans le secondaire dans une école qui n’a pas l’approbation des parents et dont ils se méfient. Le rapport famille-école ne bénéficie donc pas de sérénité et de confiance.
L’angoisse des parents est multiple : angoisse de ne pas savoir où leur enfant sera inscrit, de ne pas avoir de place ou de se retrouver dans une école qui ne correspond pas à leurs attentes. Pour les jeunes, il y a la déception de ne pas retrouver de copains à la rentrée, de ne pas se retrouver dans l’école de leur choix et, parfois, la fatigue et la peur de devoir effectuer de longs trajets pour regagner son école durant tout le secondaire.
Déplacement du problème
Le choix qui était effectué en fin d’école primaire se trouvant donc limité et canalisé par décret, beaucoup de parents attendent à présent la fin du premier cycle et tentent de changer leur enfant d’école en fin de deuxième année du secondaire. Mais les freins à l’inscriptions restent les mêmes que lorsqu’ils se sont informés dans les écoles deux années auparavant.
Certaines directions continuent de choisir leurs élèves et les redoublements ou les exclusions d’élèves sans motif réellement grave y participent. La première dissuasion utilisée par les directions est le prix d’une année scolaire : frais importants demandés, voyages scolaires obligatoires, livres neufs exigés. C’est en général sur des critères économiques que des parents sont priés de s’adresser ailleurs. Ensuite, on a vu des directions avancer des exigences de résultats scolaires : « Votre enfant est trop faible, il va rater son année, il n’aura les le niveau, nos classes sont trop fortes, trop nombreuses pour pouvoir lui apporter un supplément d’aide ». Enfin certains iront jusqu’à prétendre à des parents d’origine étrangère que leur enfant ne se sentira pas à l’aise dans le milieu « belgo-belge » de leur établissement. Souvent (au faciès? Au nom de famille ?) on expliquera aux parents qu’il n’y a plus de place dans l’école.
Les plus démunis ne contestent pas. Ils ont trop souvent un profond sentiment de manque de légitimité face à une autorité et une administration toute puissantes.
Faire valoir ses droits reste compliqué et il est difficile pour des parents de savoir s’il reste effectivement des places. Les écoles ne jouent pas toutes la transparence. Ainsi, les associations d’aide aux parents et aux jeunes relèvent souvent des infractions de la part des écoles, particulièrement lorsqu’il est question d’inscrire un jeune exclu d’une autre école. Faire motiver par écrit la décision d’un établissement ne va pas de soi pour certains parents et, lorsqu’ils sont informés et conscients de leurs droits, les faire valoir au prix de la tranquillité de leur enfant ne leur semble pas une bonne idée. En plus du sentiment de n’être pas légitime, comment avoir envie de travailler avec une école qui dès le départ manifeste le rejet de votre enfant ?
L’avenir et l’épanouissement de bien des jeunes se joue sur le découragement.
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