« Abo Ikoyo est une jeune Belgo-Congolaise de 17 ans. Elle n’a jamais connu son père, disparu à l’Est de la RDC à l’aube des années 2000. Alors, quand la prof propose un parcours sur les traces du passé colonial, elle replonge dans l’histoire méconnue de sa famille : la résistance acharnée d’un aïeul et d’un peuple contre les horreurs de l’époque léopoldienne, l’apartheid et le racisme du colonialisme ordinaire, le pillage des ressources, un arrière-grand-père chauffeur personnel de Patrice Lumumba, une guerre dévastatrice pour le coltan et autres minerais du sang. Abo sait désormais d’où vient sa rage, son père n’est plus mort pour rien : elle entend le cri du chef Kouba qui lui demande de « raconter au monde entier ce qui s’est passé là-bas. Elle ne se taira plus. »
Mieux vaut tard que jamais : c’est sans modération que nous vous recommandons l’usage d’un bien bel outil pédagogique, conçu par Jean-Pierre Griez. Ce petit bijou d’animation de 32 minutes, fruit de cinq années de travail, s’adresse aux élèves à partir de la 5ème année secondaire. Il s’agit d’un support précieux pour les enseignants qui doivent aborder l’histoire du Congo avec leurs élèves. Et d’une leçon de rattrapage pour les adultes qui ont grandi dans un pays trop longtemps frappé d’amnésie. Il donne plus largement à voir comment fonctionne le système économique à l’échelle planétaire.
Les marionnettes donnent vie au récit. Une façon à la fois originale et émouvante de prendre le recul nécessaire pour aborder un sujet grave qui invite à la réflexion.
Les souvenirs d’Abo Ikoyo remontent en effet à l’époque coloniale, celles des mains coupées et des expéditions punitives. Jean-Pierre Griez nous rappelle ainsi le sombre épisode des grottes de Tshamakélé. En 1899, le chef des sanga, Mulumé Niama, et 127 de ses hommes y trouvent refuge après avoir résisté à une attaque de l’armée belge. Les colons assiègent les grottes pendant plusieurs semaines. Finalement, ils en bloquent toutes les issues avant d’y bouter le feu. Pris au piège, Mulumé Niama et ses hommes périssent dans le massacre. Jean-Pierre Griez raconte qu’il a eu un jour la curiosité de faire des recherches sur le Commandant Lemaire, un personnage honoré dans sa commune, Cuesmes, où une statue et une rue lui rendent hommage. « Je passais régulièrement devant l’ancienne maison communale de Cuesmes où il y a un buste d’un monsieur qui s’appelle le Commandant Lemaire, ce buste avait été offert par le Cercle colonial de Cuesmes. Cela m’a intrigué et j’ai découvert que ce monsieur était un véritable criminel de guerre, responsable d’un grand nombre de massacres au Congo, du temps de Léopold II. On le sait aussi de façon très précise parce qu’à la fin de sa vie, il a regretté les actes qu’il a commis et il les a énumérés de façon très précise. Parmi ces actes, il y a ce massacre de Tshamakele. »
Le racisme, l’apartheid, les exactions, l’assassinat de Lumumba… Abo Ikoyo remonte le fil de l’histoire avec l’exploitation des richesses du Congo en toile de fond. Petit à petit, le spectateur découvre que les choses n’ont pas tellement changé. Le caoutchouc hier, le coltan aujourd’hui : les richesses du Congo font toujours l’objet de convoitises néocoloniales, pour le plus grand malheur de ses habitants.
« Ce qui était important pour moi, c’était d’aborder les événements historiques pour comprendre ce qui se passe maintenant, explique le réalisateur. Hier, le Congo subissait la guerre pour le caoutchouc. Aujourd’hui, c’est pour des minerais très précieux comme le coltan, qui sert à fabriquer nos smartphones et nos tablettes. Des multinationales européennes sont impliquées. D’ailleurs, le lobby Business Europe bloque toujours le projet de traçabilité des minerais. »
Ainsi, « Caoutchouc rouge, rouge coltan » ne se contente pas d’ouvrir une page de l’histoire. Ce qui n’est déjà pas une mince affaire tant la Belgique peine encore à ouvrir les yeux sur son passé colonial. Le film dessine aussi les contours d’un modèle économique basé sur l’exploitation et la course au profit maximum. Un modèle économique qui a traversé le temps et qui explique bien des drames.
Notons enfin qu’un dossier est également à disposition des enseignants qui souhaiteraient diffuser le film dans leur école. En 88 pages bien illustrées, vous disposerez d’un récit synthétique de l’histoire de la colonisation du Congo jusqu’à nos jours et des principales sources d’information disponibles. De quoi être armé pour travailler en classe, avant et après la projection.
Ce document, coproduction du Village du Monde, du Cepag et du Gsara, devrait figurer en bonne place dans toutes les médiathèques d’écoles. Il est disponible sous forme de DVD + dossier de l’enseignant, pour une somme modique.