Le multi-âge était le thème de l’après-midi syndicale organisée par le SNUipp de Guéret (Creuse). Vaste et complexe thème. Dans la matinée, Nico Hirtt décortiquait comment l’école était en étroite interdépendance avec une société basée sur la finance et le capital. Sur le plan strictement réduit aux apprentissages, l’école est également soumise à une finalité, une mécanique et une logique qui aveuglent ceux-là mêmes qui en subissent les méfaits ou qui n’arrivent plus à s’y comporter. Résumé ci-dessous de l’intervention de Bernard Collot.
Les classes multi-âge et en particulier les classes uniques ont toujours été révolutionnaires, à l’insu de leur plein gré ! C’est probablement une des raisons pour laquelle tous les ministères s’acharnent à les faire disparaître. J’entends par révolutionnaire ce qui induit nécessairement un retournement complet des modes de pensées, des conceptions de l’acte éducatif, de la transmission des savoirs comme de l’acquisition des compétences et par voie de conséquence une refonte radicale du système éducatif, de sa finalité… et encore par voie de conséquence de l’organisation sociétale et de la finalité de cette dernière.
Il faut rappeler brièvement le contexte dans lequel elles ont toujours été situées et qui les a rendues révolutionnaires, involontairement pour beaucoup, consciemment pour les quelques-unes que j’ai appelées écoles du 3ème type.
L’école publique a été créée par Guizot sous la monarchie constitutionnelle avec la finalité affichée de formater de bons sujets et de bons catholiques. Après avoir soutenu un temps l’enseignement mutuel (essentiellement des adolescents et des adultes) Guizot le supprime parce qu’il réussissait trop bien à alphabétiser des ouvriers devenant ensuite bien trop subversifs. Il calque donc l’école publique sur le modèle des frères de l’école chrétienne, inspiré lui-même du ratio studorium des jésuites d’Ignace de Loyola au XVIème siècle, tout en éliminant les parties destinées à armer la réflexion de l’élite que les jésuites formaient comme par exemple avec la disputatio.
Pour l’école publique cette fois généralisée, Jules Ferry reprend le schéma des frères de l’école chrétienne, avec cette fois comme finalité la formation de bons républicains mais aussi le souci d’élévation intellectuelle de la population.
Il faut situer les débuts de l’école obligatoire dans le rationalisme cartésien du XIXème siècle qui, avec le développement de l’ère industrielle, a donné le taylorisme puis le fordisme. L’approche analytique très résumée dans « la méthode » de Descartes :
- Diviser chacune des difficultés afin de mieux les examiner et les résoudre.
- Établir un ordre de pensées, en commençant par les objets les plus simples jusqu’aux plus complexes et divers, et ainsi de les retenir toutes et en ordre.
Appliqué à l’industrie, cela a donné les chaînes de production de Ford. Il faut dire qu’il s’agissait de passer alors à une production de masse, et Ford disait que ses ouvriers s’impliqueraient d’autant mieux qu’ils pourraient s’offrir ce qu’ils produisaient. Jules Ferry lui aussi devait réaliser une sorte de production de masse, c’est-à-dire faire que toute une population apprenne à lire, compter…et aussi tous les comportements républicains alors que la masse était encore en partie analphabète. On ne peut nier que sur ce plan l’école en ses débuts a parfaitement réussi (jusqu’à d’ailleurs préparer, en même temps que son homologue allemande, la boucherie de 14-18).
Décliné dans l’école cela donne le découpage des matières, le découpage de chaque matière, le découpage des âges, le découpage du temps annuel, du temps quotidien, c’est-à-dire une véritable chaîne industrielle, matérialisée d’ailleurs dans l’architecture scolaire avec ses cases successives le long de couloirs.
Il faut noter que pour qu’une chaîne industrielle fonctionne il lui faut un objet auquel elle doit aboutir et dont on puisse fragmenter et ordonner la production dans un programme. Cet objet cela a été d’abord le certificat d’études primaire, puis aujourd’hui le bac.
Le problème c’est que dans la chaîne scolaire, ce ne sont pas des objets qui y passent mais des sujets. Ceci induit tous les problèmes auxquels se heurte l’école aujourd’hui. Un exemple très concret : le redoublement. Pour que l’objet-élève puisse passer dans le maillon suivant, il faut que l’OS-enseignant ait convenablement greffé la partie du programme qui lui est attribuée. Si ce n’est fait, le même objet élève va fortement embarrasser l’OS suivant qui lui doit poursuivre la greffe avec sa propre partie du programme. Nous avons alors dans la chaîne une pièce défectueuse. Il est avéré que la laisser dans le maillon où l’opération s’est mal passée ne la répare pas (les mêmes opérations produisant les mêmes effets). Comme il n’est pas possible de ralentir la chaîne, comme dans l’industrie il faut créer des voies de recyclage (en essayant de leur donner une valeur) qui ne soient pas tout à fait des rebus. Ce schéma est certes caricatural (dans l’appellation OS pour les enseignants… encore que !) mais c’est pour montrer que le système éducatif est conçu mécaniquement.
Sur le plan scientifique, c’est parce que l’approche analytique qui avait été féconde butait sur des impasses qu’on est passé dans le paradigme systémique de la complexité dont La méthode cette fois d’Edgar Morin rend compte.
Dans cette conception toujours la même du système éducatif, il est rationnellement impossible de penser qu’avec plusieurs niveaux en face de lui, donc plusieurs programmes à distribuer simultanément, un prof puisse être aussi efficient que son homologue ayant à opérer le greffage d’un seul programme à des élèves tous théoriquement d’un même niveau.
Or les travaux de Françoise Oeuvrard en 1990, corroborés ensuite, ont démontré à la surprise générale que les résultats des classes uniques étaient supérieurs à la moyenne nationale. On n’a jamais évoqué une des causes parce qu’elle paraissait trop paradoxale et irrationnelle : dans ces classes l’emprise du maître sur tous les élèves était nécessairement beaucoup moins forte !
Dans l’immense majorité des classes uniques, les enseignants qui y sont restés suffisamment longtemps ont dû trouver des pratiques, des moyens, des outils, une organisation qui leur permettaient de ne plus être condamnés à passer des nuits à faire des préparations pour chaque niveau, des exercices pour que ceux à qui ils ne faisaient pas de leçons ne troublent pas la classe… C’est dans la pédagogie Freinet ou les pédagogies actives qu’ils ont trouvé tout ou partie des éléments qui leur permettaient d’envisager autrement la classe : plans de travail, fichiers autocorrectifs, correspondance, texte libre, journal scolaire, organisation coopérative, etc.
À partir de cette base, quelques-uns sont allés beaucoup plus loin : en éliminant peu à peu les contraintes qu’ils s’étaient données et que tout le monde pensait indispensables, ils sont arrivée à une école sans horaires, sans emploi du temps, sans leçons, sans programme, sans cahiers, basée uniquement sur tous les projets quels qu’ils soient des enfants, ouverte en permanence aux parents et aux adultes. Ce que j’ai appelé une école du 3ème type. Ce qui fait qu’elles ont pu perdurer tant que l’administration n’avait pas réussi à les éradiquer, c’est que sortis de ces classes tous les enfants suivaient au moins aussi bien que les autres au collège. Toutes les classes uniques suivant les contextes, le milieu, les enseignants et le temps qu’ils y restaient, ne sont pas arrivées jusque là, mais pratiquement toutes présentaient un visage qui n’avait plus rien à voir avec les autres écoles. Dans les premiers temps de la lutte contre leur suppression (à partir de 1989) les médias avaient fait de nombreux reportages sur des classes uniques et un nombre surprenant de parents s’étaient mis à chercher où il y avait une classe unique pour déménager et en faire profiter leurs enfants.
Qu’est-ce que toutes ces classes uniques et en particulier celles arrivées à une école du 3ème type nous ont appris au-delà de ce qu’avaient déjà révélé les pédagogies Freinet et actives ?
– Essentiellement que tous les langages (oraux, écrits, mathématiques, scientifiques…) se construisent dans l’infinité d’interactions avec l’infinité d’informations produites par l’environnement dans lequel l’enfant se situe et dans lequel il évolue. C’est également dans toutes les interrelations rendues possibles que ces langages qui sont des réseaux neuronaux s’ajustent aux langues utilisées (langue orale, langue écrite, langue mathématique…). Il est impossible de déterminer quelles sont les interactions qui vont être provocatrices de la création des réseaux neuronaux qui permettent d’interpréter ces informations, de les transformer en représentations qui créent à leur tour les différents mondes élaborés par le social-historique de nos sociétés (monde du verbal oral, monde de l’écrit, monde du langage mathématique, monde du langage scientifique…). Il est également impossible de déterminer comment chaque cerveau va opérer, quand il va le faire. Tout ceci est corroboré aujourd’hui par les avancées de la neurobiologie. L’exemple le plus remarquable est la construction du langage le plus complexe qu’un petit humain ait à faire, l’apprentissage de la parole. Il n’y a à notre connaissance aucune raison pour que les autres langages ne se construisent pas dans les mêmes conditions. C’est ainsi que lorsqu’un petit rentrait dans nos classes uniques il voyait des enfants et même des adultes qui à divers degrés lisaient, écrivaient, mathématisaient, expérimentaient,… non pas dans des exercices factices mais dans mille occasions provoquées par la vie et la culture qui s’était instaurée dans ce qui constituait une véritable entité sociale. Exactement comme lorsqu’à sa naissance il débarquait dans une entité sociale (la famille) où on parlait, où on lui parlait et où l’utilisation du langage oral devenait naturellement nécessaire pour participer à la vie de cette entité.
C’est la première raison de l’étonnante efficience du multi-âge, voire de son étonnante facilité, même quand des classes uniques gardent encore une partie artificielle et imposée des apprentissages.
– La disposition du temps. Le multi-âge permet de s’octroyer le temps. Le temps cognitif pour chacun et différent pour chacun. Le temps pour l’enseignant puisqu’il n’a qu’une seule échéance : que les enfants suivent ensuite comme les autres en 6ème1C’est cette contrainte qui nous a fait nous pencher beaucoup plus que les écoles de type Sudbury sur l’environnement provocateur de l’école, sur sa structure dissipative qui favorise au maximum toutes les interrelations, sur son aménagement en ateliers permanents qui incitent à l’utilisation des différents langages dans n’importe quel projet.. Lorsqu’on arrive à une école du 3ème type où tous les projets des enfants, quels qu’ils soient, peuvent se réaliser dans les moments où ils surgissent, c’est leur activité qui régule leur temps et non plus l’école. Tous les problèmes de rythmes disparaissent puisqu’il ne s’agit plus d’adapter le rythme de ce que fait faire l’école aux rythmes des enfants dont les sinusoïdes sont toutes différentes et toutes fluctuantes.
C’est le temps aussi qui permet que se constitue une véritable entité sociale qui crée sa propre culture, ses habitus au fur et à mesure de son histoire. Chaque enfant entre dans une histoire collective (son social-historique) mais contribue aussi à l’évolution de cette histoire. L’intégration ne consiste pas à se conformer à ce qui existe mais à pouvoir d’abord y participer en même temps que d’être pris en compte par le groupe social qui se modifie nécessairement pour ce faire. D’autre part on sait aussi aujourd’hui qu’aucun apprentissage ne peut se situer hors des histoires personnelles comme hors des histoires des groupes dans lesquelles ils se réalisent.
– La disposition d’espace. C’est une donnée essentielle. Toutes les classes uniques disposaient d’espace du fait qu’elles étaient devenues classes uniques de par la disparition des autres classes. Il est insensé qu’on ne voie pas que l’on condamne les enfants pendant la partie la plus active de leur construction psychologique, affective, physiologique, cognitive et sociale à vivre entassés exactement comme dans les élevages en stabulation, qui plus est dans des structures de taille parfois démentielles. Il est évident que les concentrations auxquelles se livrent depuis des années tous les gouvernements sont effroyablement irresponsables (tout comme les concentrations politiques, territoriales, industrielles, économiques, agricoles…).
– Proximité. Autre donnée incontournable. La construction des enfants s’effectue dans l’extension progressive de leurs cercles de compréhension, d’interdépendances, d’interrelations et d’exploration. Du ventre de la maman au berceau, puis sur le tapis de la chambre, puis dans la cuisine, la maison, le voisinage… Ils sont les centres de leurs propres cercles mais de la façon dont ils peuvent les étendre dépend leur état sécure. On sait aujourd’hui qu’aucune construction cognitive, psychologique ou sociale ne peut se faire dans un état insécure (d’où l’importance de l’affect). L’école, autre espace social d’investigation, doit se situer dans la proximité des familles, un espace repérable à l’avance, en osmose avec les autres espaces de vie. Françoise Oeuvrard avait bien constaté dans ses travaux que contre toute attente les résultats des RPI étaient eux en dessous de la moyenne nationale (résultats que le ministère lui avait demandé de censurer). Cela s’explique très bien en partie du fait de la rupture de la continuité des espaces de vie des enfants. Les classes uniques, du fait d’une proximité connue et disponible, peuvent profiter de tout leur environnement, l’école devenant le village lui-même avec ses habitants qui deviennent sollicitables… et qui aiment être sollicités.
D’autre part la proximité permet l’appartenance de l’école à une communauté (village ou quartier). L’école est non seulement un lieu de rencontres, de re-connaissances, mais elle peut aussi être un espace éducatif qui avec ses moyens et ses outils peut être utilisé par tous, a un intérêt pour tous et tous sont attachés à ce qu’elle ait les moyens dont eux aussi bénéficieront. Elle provoque des transformations des comportements sociaux ; la citoyenneté et la démocratie prennent une valeur qui n’est plus de l’ordre intellectuel ou idéologique, elles se vivent s’expérimentent au bénéfice de chacun. Cela a été constaté en particulier lorsque l’école arrive à être du 3ème type. Il faut un village pour élever des enfants dit un proverbe africain mais il faut des enfants pour élever un village.
– La liberté. Au bout de la logique éducative enclenchée par les pédagogies Freinet et actives, il y a la liberté totale d’être et de faire. Si on pose que c’est dans les interactions et les interrelations dans un environnement donné que se construisent les langages, qu’on ne sait quand et comment cela se passe (ce qui n’est plus une hypothèse), il faut que les enfants aient la possibilité d’être tels ils sont et de faire librement ce que leurs besoins, leurs envies, leurs curiosités, les événements de leur propre vie, de leur affect, l’environnement lui-même, les incitent à faire (ou ne pas faire !).
Mais il s’agit d’être et de faire parmi les autres avec lesquels chacun est en interdépendance. On peut comme dans les pédagogies coopératives donner en préalable le cadre et les modalités pour qu’une coopération puisse être effective. Un cadre coopératif classique est suffisant quand il doit répondre à une certaine demande extrinsèque (par exemple faire acquérir les programmes autrement). Lorsqu’il s’agit de rendre possible la demande intrinsèque de chaque enfant nous entrons alors dans ce qui est l’auto-organisation (beaucoup plus que l’autogestion). Il ne s’agit plus alors d’un cadre que l’on donne mais d’une structure dissipative qui permet la régulation de tous les imprévisibles qui l’alimentent ou la dérangent. C’est une des caractéristiques qui distingue les systèmes fermé des systèmes ouverts que sont tous les systèmes vivants. Dans les quelques classes uniques arrivées au bout de la logique enclenchée, la clef de voute de cette structure était la réunion quotidienne. Un espace-temps où d’abord le groupe pouvait se ressentir comme existant physiquement, où pouvait s’instaurer la confiance et le respect mutuel des uns et des autres, une reconnaissance indispensable pour que se libère l’expression (l’affect). Puis c’était le carrefour de toutes les informations portées ou apportées (un poisson par exemple !) par chacun, produites dans l’activité de la classe ou dans l’activité ailleurs, produites par d’autres (dans le réseau d’écoles par exemple). Par l’intermédiaire du langage oral et des interrelations dans la réunion déjà des informations se transformaient (le, poisson qui devient tanche !), certaines en provoquaient d’autres (moi aussi je suis allé à la pêche !), pouvaient faire naître des projets inattendus (un poème sur la cruauté des pêcheurs !)… C’est de là que découlait l’auto-organisation individuelle et collective qui allait rendre possible. Les ateliers permanents étaient ce qui permettait ensuite à chacun de réaliser ses projets ou qui les provoquaient. Pour reprendre l’exemple du poisson, celui-ci pouvait aussi bien se retrouver à l’atelier math avec un enfant ou plusieurs et être transformé en information mathématique parce que l’un voulait comparer la prise avec celle de son papa, à l’atelier science pour voir comment c’était fait un poisson et être transformée en croquis par le langage scientifique, à l’atelier écrit parce que l’un voulait raconter la partie de pêche à un copain lointain… ou rejoindre la poubelle.
C’est au cours de la réunion que s’étudiaient les dysfonctionnements, c’est-à-dire ce qui empêchait la liberté des « faire ». Ce n’étaient pas les comportements ou les dérogations à des règles qui étaient jugés mais était analysée la cause des comportements et comment le fonctionnement pouvait la résorber. Donc pas de sanctions ; s’il s’avérait nécessaire d’instaurer des règles, celles-ci n’étaient que provisoires : on ne se comporte pas pour être conforme à des règles mais pour pouvoir faire parmi les autres. Le dysfonctionnement est en lui-même une sanction naturelle que personne n’a envie de voir perdurer.
Pour moi, une réelle socialisation ne peut se construire sans la liberté puisque c’est elle qui justifie qu’on prenne conscience des interdépendances dans lesquelles on doit l’exercer, qui fait prendre conscience de l’autre.
– Il est évident que si quelques classes uniques ont pu aller jusqu’à ce niveau, disons libertaire, sans l’avoir conçu à l’avance, c’est aussi parce qu’elles étaient en amont du système éducatif, ne gênant pas de collègues, plus ou moins délaissées par l’administration, dans une autonomie quasi clandestine. Mais elles ont toujours créé une réticence aussi bien chez les parents que chez les enseignants parce qu’elles heurtent toutes les représentations, pour ne pas dire toutes les croyances, sur la transmission des connaissances même lorsqu’on l’a remplacée par l’acquisition de compétences. Nous nous somme tous plus ou moins structurés dans et par l’école, dans le paradigme scolaire. Changer ses propres représentations revient aussi à se déstructurer psychologiquement pour se restructurer autrement, cela ne va pas sans difficultés, sans angoisses, sans craintes, ce d’autant qu’il faut le faire tout en étant dans un système scolaire et sociétal qui n’est pas fait pour cela et que l’on va forcément déranger. Comme l’explique Castoriadis nous sommes devenus hétéronomes, incapables d’imaginer que le monde dans lequel nous vivons n’est qu’un monde imaginé qui peut s’imaginer autrement quand il devient néfaste. Nous préférons la certitude de l’absurdité du présent à l’incertitude d’une autre voie (exemple de la Grèce).
Il y a aussi la transformation radicale du rôle des enseignants. Le pouvoir qu’ils pensent avoir directement sur les enfants pour les conduire et les aider dans ce qu’ils doivent acquérir (pouvoir sur les enfants) doit se transformer en un pouvoir sur l’environnement, l’aménagement de cet environnement, la structure d’une entité qu’ils ont alors à piloter. Il faut qu’ils passent à une vision globale et systémique où une multitude de paramètres sont à prendre en compte. Il faut qu’ils agissent sur les conditions qui favorisent les apprentissages beaucoup plus que sur les apprentissages eux-mêmes. Ils n’ont plus les béquilles pensées comme sécuritaires de la didactique, des méthodes, des programmes et évaluations, voire même de la pédagogie, qui à l’inverse deviennent des freins. C’est un autre métier, auquel ils n’ont pas été formés et dont on ne sait pas encore quelle autre formation peut être mise en place en dehors de la co-formation entre pairs (ce qui a été d’ailleurs notre cas dans les innombrables échanges qui ont eu lieu pendant des années entre classes uniques).
Les classes uniques ont bien été de tout temps révolutionnaires ! Probablement trop révolutionnaires pour être regardées comme telles. Prendre en compte ce qu’elles mettaient au jour aurait nécessité un bouleversement de toute la conception, de toute l’architecture de l’énorme machine qu’est le système éducatif, sans parler de sa finalité. Il n’y en aura plus qui puissent témoigner et servir de point d’appui, à moins que…
1 C’est cette contrainte qui nous a fait nous pencher beaucoup plus que les écoles de type Sudbury sur l’environnement provocateur de l’école, sur sa structure dissipative qui favorise au maximum toutes les interrelations, sur son aménagement en ateliers permanents qui incitent à l’utilisation des différents langages dans n’importe quel projet.
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