La mutualité Partenamut annonce qu’elle offre à ses « clients » une réduction de 10% sur certaines prestations de l’entreprise de soutien scolaire Cogito. Sur le site de Partenamut on nous rappelle opportunément que «Cogito SA domine largement le marché belge du soutien scolaire et universitaire».
La réduction «offerte aux clients Partenamut» porte sur «les coachings», les «préceptorats», les «blocus assistés» et «weekends d’étude» ainsi que «le produit “méthode & matières »».
Ceci appelle plusieurs commentaires.
1) Nous avions toujours cru que la mutualité était un système d’entraide mutuelle. Depuis quand les adhérents sont-ils des «clients» ?
2) Quand Partenamut dit «offrir» cette réduction, elle ne vous offre évidemment rien du tout puisqu’elle utilise à cette fin l’argent de vos cotisations sociales. Par contre, elle offre bel et bien (avec l’argent de vos cotisations sociales) des clients (des vrais cette fois) à une entreprise qui fait son beurre grâce à l’échec scolaire de masse et grâce à l’angoisse des parents et des étudiants.
3) Les tarifs pratiqués par Cogito sont exorbitants : 795 euros par mois pour un préceptorat de 16 heures, 420 euros pour 10 h de cours particuliers, 100 euros pour une journée de formation collective en « méthode de travail »… Même avec 10% de réduction, seuls les clients aisés de Partenamut pourront payer cela. En d’autres mots, les cotisations sociales des plus pauvres serviront à offrir un service aux classes moyennes et supérieures.
4) Les savoirs scolaires et le savoir-faire pédagogique des enseignants sont réduits ici à de vulgaires marchandises : on vous vend le « produit méthode & matières » comme on vous refile une marque de savon ou un vol chez Ryanair.
5) Les enseignants qui travaillent pour Cogito sont les cyclistes Uber de l’éducation : un statut d’indépendant, pas de sécurité sociale, pas de cotisations sociales (un comble qu’une mutualité soutienne ça !) et seulement la moitié du prix payé par les parents va à l’enseignant…
6) La Fédération Wallonie Bruxelles est le champion international de l’échec scolaire (près de 50% d’élèves en retard à 15 ans) et du marché scolaire, où l’on va à l’école non pour apprendre quelque chose et devenir quelqu’un mais pour fréquenter le « bon » établissement qui ouvrira les « bonnes » portes pour une « bonne » carrière (en espérant bien sûr que les autres fassent le mauvais choix). Face à cette réalité, on peut réagir en luttant pour une école démocratique ou en favorisant le chacun pour soi et la compétition scolaire à outrance. Rien d’étonnant que les vautours de Cogito cherchent à faire leur profit en misant sur la deuxième piste. Mais il est écœurant de voir une mutualité, un produit historique de la solidarité ouvrière, jouer le jeu de l’individualisme égoïste. Alors qu’il existe des centaines d’écoles de devoir et d’autres initiatives bénévoles de grande qualité qu’il eut été possible de soutenir.
Conclusion : quand le savoir se transforme en marchandise, c’est comme pour l’amour : l’enseignant se transforme en prostituée, exploitée par un souteneur (Cogito) avec l’aide de son rabatteur (Partenamut).
Juste une précision pour le point 2). Ce n’est pas avec l’argent des cotisations sociales que la mutualité finance cet avantage, mais via les cotisations de l’assurance complémentaire. Les cotisations sociales servent à financer l’assurance obligatoire, c’est-à-dire l’assurance de base fournie par le système de sécurité sociale belge, mais dont les remboursements se font via les mutualités, qui ne sont que de simples intermédiaires.
La plupart des mutualités proposent en plus une assurance complémentaire (à l’exception notable de la Caami https://www.caami-hziv.fgov.be/fr), à laquelle il est maintenant obligatoire de souscrire. Tous les avantages différenciés de chaque mutualité tombent dans cette assurance complémentaire.
À noter que même s’il est obligatoire de souscrire à l’assurance complémentaire pour s’affilier à une mutualité, une mutualité ne pourra jamais exclure un de ses affiliés de l’assurance obligatoire. Donc ne pas payer ses cotisations d’assurance complémentaire n’a comme seule conséquence de ne pas bénéficier de l’assurance complémentaire! Mais dans ce cas, autant s’affilier à la Caami 🙂