Ce lundi 26 janvier, la ministre de l’Education en Fédération Wallonie-Bruxelles, Joëlle Milquet (CDH), a officiellement présenté son projet de « Pacte pour un enseignement d’excellence ». La ministre nous avait reçu à ce sujet, début janvier, et avait annoncé qu’il s’agissait, dans son esprit, de répondre positivement à la demande d’une « refondation de l’école » lancée il y a un an par la Plateforme de lutte contre l’échec scolaire, dont fait partie notre association. Nous avons analysé soigneusement le document de présentation de ce Pacte, que nous ont transmis les services du ministère. C’est le résultat de cette analyse que nous livrons ici. En annexe, nous reproduisons notre programme de réforme de l’enseignement, qui constitue en quelque sorte notre catalogue de propositions pour ce « Pacte d’excellence ».
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Il faut bien l’avouer d’emblée, le document proposé est loin de nous combler de joie. Avant de présenter les objectifs et la procédure du Pacte, le ministère commence par établir le bilan des forces et faiblesses de notre système éducatif.
« Un besoin de qualité et d’équité »
Le texte s’attarde assez longuement sur les résultats de nos élèves aux tests PISA et aux évaluations externes pour juger que les « savoirs et compétences » sont « en progrès, mais encore insuffisamment maîtrisés par un trop grand nombre ». Nous sommes plutôt sceptiques quant à ces progrès et à leur mesure, mais passons sur ce point, ce n’est pas l’essentiel. (p9)
Le document regrette également que les « bonnes pratiques pédagogiques » ne soient pas assez diffusées. C’est sans doute vrai mais quand on en vient à énumérer quelles seraient ces « bonnes pratiques » nous nous interrogeons : « différenciation », « individualisation », « plan individuel d’apprentissage », « pédagogies inversées » (on étudie la théorie chez soi, on exerce les compétences à l’école)… autant de pratiques qui tendent à briser la classe, l’école, comme lieu d’apprentissage collectif. Nous ne répéterons jamais assez qu’il faut être prudent avant de généraliser de telles expériences. Leur succès apparent, lorsqu’elles sont portées par des équipes pédagogiques très motivées, qui s’y investissent à fond et le font souvent dans des contextes particulièrement favorables, ne prouve nullement qu’elles pourraient être généralisées, du moins pas sans danger pour les élèves des milieux socio-économiques les plus pauvres, ceux qui n’ont que l’école pour apprendre. (p7)
Le texte du ministère regrette évidemment « un taux de décrochage anormalement élevé » et « un taux d’échec et de redoublement trop important ». Nous partageons cet avis, bien sûr, mais ce n’est pas vraiment nouveau.
La relative (et malheureusement unique) bonne surprise du document vient des deux pages consacrées aux inégalités et au manque d’équité dans l’enseignement. Le seul fait que ces pages existent constitue déjà une bonne nouvelle. Après une Déclaration de Politique Communautaire où le sujet avait été quasiment évincé, après plusieurs interviews de Joëlle Milquet dans la presse écrite ou radiodiffusée, où elle évitait systématiquement cette question, nous pouvons enfin lire que :
« La corrélation entre l’indice socio-économique et les résultats des élèves est particulièrement élevée en FWB (tout comme d’ailleurs pour l’enseignement en Communauté flamande et en France). Notre système scolaire ne joue donc pas son rôle d’ascenseur social. » (p12)
C’est bien le moins que l’on puisse dire ! Pour notre part, nous estimerons plutôt que l’école joue parfaitement son rôle dans la reproduction intergénérationnelle de la division sociale. Néanmoins, le sentiment positif l’emporte. Surtout lorsque le document reprend ce triple constat que l’Aped et d’autres répètent depuis des années :
« Les rapports de différentes organisations internationales démontrent que les systèmes les plus égalitaires et inclusifs partagent plusieurs caractéristiques:
_ • un faible degré de sélection : les inégalités sont moins importantes là où le tronc commun est plus long et le redoublement et l’orientation précoce en filières évités,
_ • l’importante hétérogénéité des profils d’élèves dans les classes et au sein des établissements scolaires et une faible compétition entre les établissements scolaires. » (p13)
« Des études universitaires démontrent également qu’il convient de continuer à lutter contre la situation de quasi marché scolaire établi non intentionnellement en Belgique, car la composition du public des établissements scolaires a un effet direct sur l’efficacité des performances des élèves. » (p13)
La mention du quasi-marché scolaire parmi les causes de l’inégalité de notre enseignement est sans doute une première de la part d’un ministère CDH et nous devons saluer ce courage. Nous avouerons cependant être un peu perplexes à la lecture du « non intentionnellement » que l’on a jugé utile d’accoler au marché scolaire. Serait-ce donc un fait du hasard, une malheureuse bévue, si nous avons des réseaux concurrents et l’obligation pour les parents de trouver eux-mêmes une école ? Si tel est l’avis de la ministre, nous en serions ravis, car cet accident pourra donc être rapidement réparé. Mais un léger doute nous assaille…
Malgré ces phrases encourageantes, le document du ministère témoigne d’une certaine incompréhension du problème de la ségrégation et de son impact sur l’inégalité socio-culturelle des performances scolaires. On peut par exemple lire ceci :
« Beaucoup d’écoles atteignent dès à présent des niveaux tout à fait satisfaisants. Ainsi, le score moyen de plus de 50 % des écoles ayant participé à PISA en 2012 atteint des niveaux qualifiés de « Bon », « Très Bon » ou même « Excellent ». (p8)
Or, chacun sait que ces prétendues « bonnes écoles » le sont d’abord par la composition homogène du public qui les fréquentent. En d’autres mots, elles sont « bonnes » surtout parce que d’autres écoles sont « moins bonnes » ou « mauvaises ». On ne peut pas dire : « dommage qu’il y ait de l’inégalité et de la ségrégation ; mais heureusement, à côté des ‘mauvaises’ écoles il y en a aussi de très bonnes ». Car l’existence de ‘bonnes’ et ‘moins bonnes’ écoles est justement le résultat de cette ségrégation que l’on déplore par ailleurs.
Les auteurs du texte le savent d’ailleurs fort bien puisqu’ils laissent tomber, un peu plus loin, que « ces disparités sont expliquées principalement par des effets de composition scolaire ». Malheureusement c’est pour tenter de le nuancer tout de suite :
« A indice socio-économique donné, la dispersion des résultats PISA des écoles est particulièrement élevée en FWB Il s’avère que certaines écoles font beaucoup mieux que d’autres avec des publics pourtant similaires : ces écoles appliquent déjà certaines « bonnes pratiques » qui pourraient inspirer l’ensemble du système. » (p8).
On relèvera deux erreurs récurrentes. La première est de croire que la ségrégation engendrée par le marché scolaire serait seulement socio-culturelle. En réalité, elle est tout autant « académique ». Dans les « bonnes écoles » on ne trouve pas que des riches, mais aussi les élèves les plus capables des classes populaires et des familles issues de l’immigration. La deuxième erreur est d’imaginer que les « bonnes pratiques » seules pourraient constituer une solution profonde et durable au problème de l’iniquité. Si nous ne contestons pas que ces pratiques sont importantes, on ne peut pas non plus nier l’action déterminante des diverses structures ségrégatives déjà mentionnées.
« Un besoin de modernité »
L’un des objectifs annoncés par le Pacte est de repenser « la place de l’école dans la société du XXIe siècle ». A priori, on ne peut que s’en réjouir, tant il est rare de voir posée cette question fondamentale du sens et des missions de l’école. Cependant, ce que le texte préparatoire en dit ne manque pas de nous surprendre :
« Nous nous devons de préciser ce que nous voulons mettre dans la tête, le cœur, les mains des jeunes de 18 ans, issus d’une société de plus en plus multiculturelle, à la fois pour en faire des citoyens épanouis, intégrés, lucides, curieux, critiques, responsabilisés, capables de s’adapter, d’innover, de décoder le monde dans lequel ils vivront, mais aussi pour en faire des acteurs qui travailleront, porteront des projets et créeront dans une société qui mise de plus en plus sur l’intelligence, la mobilité, l’adaptabilité, la créativité et l’autonomie de ses citoyens. » (p 16-17)
Nous applaudissons des deux mains à la première partie de ce projet : former des citoyens critiques. Le problème, c’est que cet objectif est diamétralement opposé à la deuxième partie du texte cité : tout ce qui suit la mention « mais aussi ». Nous n’avons pas vu, nous, cette société qui miserait sur l’intelligence et la créativité. Encore moins sur l’esprit critique. En revanche nous avons bien entendu le patronat réclamer de la mobilité et de l’adaptabilité. Et pour ce faire, demander qu’on remplace les savoirs « inutiles » par des « compétences » jugées plus efficaces face à la demande de flexibilité des travailleurs. Le Pacte prétendrait-il marier l’eau et le feu ?
Notre inquiétude grandit encore en lisant, toujours dans le constat, ce genre d’affirmations :
« Le savoir est partout, disponible sur la Toile, accessible à tous dans les smartphones. La transition numérique est plus qu’en marche et avec elle la transmission de savoirs via de nouveaux canaux immatériels ouverts. Cependant l’école, son organisation, ses cours, ses règles, ses pratiques sont encore, sous plusieurs aspects, restés figés dans un passé qui la handicape. »
Il faudra tout de même qu’un jour on en finisse avec cette idée-là. Ce qui est disponible « partout, sur la Toile », ce n’est pas du savoir, c’est de l’information. Le savoir, lui, implique une démarche intellectuelle de compréhension, faite d’abstraction, de théorisation, d’analyse, de synthèse… Cela ne se trouve pas « sur la toile », mais cela se construit dans une interaction entre l’apprenant et l’enseignant. On peut certes réfléchir aux formes de l’école, mais il est extrêmement dangereux d’affirmer que son rôle ne serait plus, demain, de transmettre des savoirs.
« Un besoin d’efficacité »
Selon le document ministériel, notre enseignement manque d’efficacité parce que sa qualité et son équité sont insuffisants en regard des moyens qui lui sont accordés. A la page 17 ces dépenses sont exprimées en % du PIB francophone et le document observe que ce taux est plus élevé que la moyenne OCDE ou européenne. Ce n’est pas inexact, mais l’indicateur en question pêche par deux défauts : primo il ne nous dit rien sur les moyens réellement disponibles, par élève ; secundo, le concept de « PIB francophone » est extrêmement douteux (comment répartit-on le PIB de Bruxelles par exemple).
Les dépenses en pour-cent du PIB sont un bon indicateur pour observer l’évolution des moyens à l’intérieur d’un pays. Mais ce n’est pas le meilleur outil pour comparer les pays entre eux. Il est beaucoup plus judicieux d’observer ce que coûte réellement (en euros) chaque élève d’un pays. A ce sujet, l’introduction du document affirme que nos « dépenses publiques par élève » seraient « supérieures à la moyenne européenne » (p6). Qu’en-est-il ?
Le graphique ci-dessous indique les dépenses publiques totales, par élève ou étudiant (tous niveaux d’enseignement confondus), pour les pays européens.1 Eurostat, [http://ec.europa.eu/eurostat/web/education-and-training/data/database. Année 2012. Données pour la Grèce non disponibles.
On observe tout d’abord que les pays qui dépensent beaucoup moins que la Belgique sont, pour l’essentiel, les pays les plus pauvres, de l’Est et du Sud de l’Europe : Roumanie, Bulgarie, Croatie, Pologne, Slovaquie, Hongrie, République tchèque, Portugal, Espagne. En revanche, si l’on compare la Belgique aux pays qui lui sont comparables sur le plan du niveau de richesse et qui lui sont proches géographiquement, alors seuls la France, le Royaume Uni, l’Islande et l’Italie dépensent moins que nous. En revanche, nos dépenses d’enseignement sont inférieures à celles de la Finlande, des Pays-Bas, de l’Allemagne, d’ l’Irlande ; nettement inférieures à celles de la Suède, de l’Autriche, du Danemark, de la Suisse et de la Norvège. <img|left>
Encore s’agit-il là de données concernant l’ensemble de la Belgique. Or, il se trouve que les dépenses par élève sont considérablement plus élevées en Flandre qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles : 19,3% d’écart pour l’enseignement fondamental, 16,7% dans le secondaire.2Cahiers de Recherches du CERPE n°73
On notera aussi que les pays qui dépensent le plus pour leur enseignement sont précisément ceux qui obtiennent les meilleurs résultats, notamment sur le plan de l’équité. C’est particulièrement le cas de la Norvège.
« L’excellence comme urgence »
A la question : ‘pourquoi est-il si important d’améliorer l’enseignement ?’, le document préparatoire répond (p 18-19) :
Après les deux premiers points, qui constituent sans doute l’introduction « politiquement correcte », le texte en arrive à l’essentiel puisque le troisième point a droit à une pleine page de développement. On y retrouve plusieurs mythes courants :
_ Mythe n°1 : « Notre marché du travail est demandeur de qualifications croissantes et d’innovations constantes. ». Ce n’est pas vrai : notre marché du travail est en voie de polarisation entre des emplois très hautement qualifiés (études universitaires) et des emplois à très faible niveau de qualification dans le secteur des services. La DARES (service d’étude du Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle en France) note : « la tertiarisation de l’économie ira aussi de pair avec une modification des structures de qualifications. Globalement, on peut parler de polarisation des qualifications, les familles professionnelles qui créeront le plus d’emplois étant celles de cadres et celles d’employés peu qualifiés».3 Chardon, O., Estrade, M.-A., France. Les métiers en 2015. Centre d’analyse stratégique, Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (2007). (Paris: la Documentation française), p. 41.
_ Mythe n°2 : « Un enseignement de qualité permet d’accroitre le nombre d’emplois ». Faut-il rappeler que les emplois vacants représentent entre 1,0 et 1,4% du marché du travail ? Alors que le chômage s’établit à 10-15% selon le mode de calcul. Donc même en supposant que tous les emplois vacants seraient comblés par une meilleure qualification (ce qui est évidemment excessivement optimiste) ; même en supposant que tous ces emplois comblés n’auraient aucune incidence secondaire sur d’autres emplois (dix restos qui recrutent, ne nous feront pas manger plus, ce sont donc des ventes en moins et des emplois supprimés ailleurs) ; même dans toutes les hypothèses les plus optimistes, l’amélioration de la formation ne pourra jamais éliminer davantage qu’un dixième du taux de chômage.
_ Mythe n°3 : « Combler l’écart de performance entre l’enseignement obligatoire de la FWB et celui de la Flandre générerait à terme une croissance additionnelle de l’ordre de 0.7 % par an du Produit Intérieur Brut par habitant de l’ensemble Wallonie- Bruxelles ». Cette affirmation repose en fait sur des études4 Hanushek, E.A., and Woessmann, L. (2009). Do Better Schools Lead to More Growth? Cognitive Skills, Economic Outcomes, and Causation (National Bureau of Economic Research).
extrêmement controversées, où la corrélation (réelle) entre niveau d’éducation d’un pays et PIB/habitant est transformée en une équation linéaire dont on décrète arbitrairement que le niveau d’éducation serait la variable indépendante et le PIB/habitant la variable dépendante. En d’autres mots on interprète abusivement une corrélation comme une relation causale. Cette conception, chère aux partisans de la théorie du « capital humain » n’a guère de fondement sérieux.
Aussi, lorsque le texte conclut sur cette affirmation :
« un réel consensus se dessine entre les différentes forces vives sur l’importance de l’enseignement dans le processus de déploiement socio-économique. La majeure partie des décideurs et des acteurs clés s’accordent sur le fait qu’un enseignement obligatoire performant est fondamental pour assurer la prospérité future en Wallonie et à Bruxelles »
…nous nous voyons obligés de conclure que nous sommes en désaccord profond avec la « majeure partie des décideurs et des axcteurs-clé ». Ce qui n’empêche pourtant pas le ministère de se féliciter que « la Plate-forme de « Lutte contre l’échec scolaire » appelle également à une refondation de l’école ». (p20) Sans doute avons-nous de cette refondation une vision quelque peu différente de celle de la ministre.
Les objectifs du Pacte
Après ces constats, le document en arrive aux objectifs du Pacte. Nous citons intégralement et soulignons les mots essentiels :
Renforcer la qualité de l’offre d’enseignement pour chaque élève
– principalement en améliorant la formation initiale et continuée, l’accompagnement, le soutien et les outils pédagogiques des acteurs de l’enseignement et parallèlement leur autonomie et leur responsabilisation, en redéfinissant les différentes fonctions des enseignants, leur carrière et leur fin de carrière ;
– en renforçant les initiatives et les méthodes en vue d’augmenter les performances de chaque élève et l’accompagnement personnalisé, d’harmoniser les transitions et de lutter contre l’échec scolaire, contre le redoublement et contre l’iniquité de notre système ;
– ensuite en adaptant nos savoirs, compétences et pratiques pédagogiques aux besoins de la société du 21e siècle, en intégrant la révolution numérique, en organisant une plus grande adéquation et un décloisonnement plus important principalement pour l’enseignement qualifiant avec le monde socio-économique, en renforçant l’apprentissage des langues.
Améliorer l’efficacité de la gouvernance
– en améliorant et modernisant le pilotage pédagogique de l’enseignement par l’administration et les établissements et en déployant la culture de l’évaluation ;
– en optimalisant, simplifiant et modernisant l’organisation de l’enseignement et des établissements, en renforçant les partenariats, l’efficacité de la gestion des écoles, la diminution de leurs coûts de fonctionnement, en densifiant la formation, l’accompagnement, le soutien au management, l’autonomie et la responsabilisation des responsables d’établissements.
Tout ceci nous inquiète au plus haut point.
Commençons par le plus important, le 3e point. Nous sommes grandement demandeurs d’une réflexion sur les missions de l’école, sur les « savoirs, compétences et pratiques pédagogiques » que réclame la « société du 21e siècle ». Parce que cette société, si elle se veut démocratique, a besoin de citoyens capables d’appréhender des problèmes nouveaux, d’une extrême complexité : l’environnement, la croissance économique, les inégalités nord-sud, l’épuisement des ressources, la gestion de l’énergie, les tensions religieuses et ethniques, la mobilité, les services publics, la fiscalité, les soins de santé, etc. Que peut faire l’école pour rendre les futurs citoyens responsables, critiques, capables de penser le monde avec leur propre tête (et pas celle du directeur de l’information de RTL-RTBF) et de le transformer par l’action collective ? Voilà, pour nous, le sens du défi « adapter l’école à la société du 21e siècle ». Voilà le questionnement qui doit guider notre réflexion sur le socle de culture commune, sur la place des cours philosophiques, sur la formation polytechnique… Malheureusement, madame Milquet semble l’entendre fort différemment, puisqu’il s’agit, pour elle, d’ « intégrer la révolution numérique » et d’assurer « l’adéquation de l’enseignement avec le monde socio-économique ». Quelle tristesse ! Dans le même ordre d’idées, le fait que « les services de l’OCDE » et la Commission européenne « seront associés » au processus du Pacte, n’est certainement pas de nature à nous rassurer. (p48)
Notre deuxième grande inquiétude porte sur la lutte contre les inégalités sociales à l’école. Dans la partie relative au constat, nous nous étions réjouis de lire que, pour le ministère, les causes de l’iniquité résidaient dans la sélection précoce et les marchés scolaires. Nous aurions donc pu espérer que l’un des objectifs du pacte serait de mettre au point cette profonde réforme des structures qui doit nécessairement accompagner la « refondation » de l’école : l’école commune, sans filières, de 5 à 16 ans, une séparation nette entre cette école commune et le secondaire supérieur, l’école ouverte, la fin du marché scolaire par une procédure d’inscription moderne, la fin des réseaux concurrents, etc… Or ici, on ne parle plus que de « renforcer les initiatives et méthodes en vue (…) de lutter (…) contre l’iniquité de notre système ». Qui plus est, Madame Milquet s’en va répétant qu’il n’est pas question d’aller vers de « grandes réformes structurelles ». Le texte dit d’ailleurs : « le Pacte (…) propose avant tout de remettre la pédagogie au centre du processus et non les systèmes » (p53).
Le grahique ci-dessus5 PISA 2012 sans fard et sans voile, Pourquoi les systèmes éducatifs de Belgique et de France sont-ils les champions de l’inégalité sociale, Aped, janvier 2014 montre pourtant que les différences entre pays européens sur le plan de l’équité des systèmes éducatifs sont corrélés à raison de 67% aux facteurs structurels générateurs de ségrégation. On est en donc en droit de se demander si le Pacte ne ferme pas d’emblée la porte principale avant même que ne commence le débat.
Troisième sujet d’inquiétude, le discours final sur le « management, l’autonomie et la responsabilisation ». Voilà qui sent à plein nez la stratégie libérale classique, qui consiste à utiliser la carotte de la « liberté » pour mieux nous diviser et nous faire gérer nous-mêmes une austérité que nous refuserions si on nous l’imposait.
Ce qui nous conduit finalement à notre quatrième inquiétude. Elle ne porte pas sur l’un des points mentionnés ci-dessus, mais sur celui qui justement n’y figure pas, sur cet immense vide laissé là et qui suscitera les questions de tous les acteurs de l’école : avec quels moyens ? Nous avons déjà détruit ce grand mensonge d’un enseignement francophone belge qui serait plus dépensier que celui d’autres pays ou régions. Mais la question essentielle n’est même pas là, dans ces comparaisons internationales. Quelqu’un peut-il sérieusement croire qu’on luttera contre l’échec scolaire, le redoublement, la dévalorisation de la fonction enseignante, le déficit de matériel pédagogique,… sans investir dans l’école ? Certes, le redoublement en secondaire coûte cher. Mais imagine-t-on qu’on le combattra sans commencer par donner à l’école fondamentale les moyens de la réussite de tous ?
Conclusion
Tout ce qui précède nous incite à la plus grande prudence. Les quelques éléments positifs du constat initial sont largement contrebalancés par le carcan, selon nous inacceptable, des « objectifs » du Pacte. Et toute la procédure en cinq phases semble conçue pour ne pas sortir de ce sentier étroit.
En avril 2007, l’Appel pour une école démocratique avait rendu public un projet de réforme de l’enseignement obligatoire en Belgique. Il était l’oeuvre de professeurs engagés, élaboré à partir d’une vision politique lucide, d’une analyse soigneuse de la littérature scientifique et de notre expérience d’enseignants de terrain. Ce projet d’ « école commune » est certes très ambitieux. Mais ses grandes lignes sont absolument incontournables si l’on veut réellement aller vers une école démocratique et émancipatrice. Il ne peut s’inscrire dans le cadre étriqué que nous propose actuellement le Pacte d’excellence. Par certains aspects il est même diamétralement opposé à l’orientation du Pacte.
Madame Milquet, le CDH et le PS, veulent des résultats dans un an ; le MR, par la voix de madame Bertiaux, lui rétorque6 Le Soir, 27 janvier 2015
qu’on peut prendre les mesures les plus importantes sans attendre. Mais nous, qui vivons depuis trois décennies la débâcle scolaire provoquée par les mesures d’austérité des uns et les mauvaises réformes des autres, nous sommes moins pressés. Nous ne voulons plus d’un n-ième décret mal ficelé, d’une tantième somme de « mesurettes » sans vision. En dépit de la gravité de la situation, ou peut-être justement en raison de cette gravité, nous voulons que l’on prenne le temps. Le temps d’une réflexion politiquement aboutie et scientifiquement fondée pour penser les réformes. Le temps d’un profond travail pédagogique en direction des enseignants et des parents afin de pouvoir réussir ces réformes avec l’appui le plus large possible. Le temps, enfin, d’une mise en oeuvre cohérente, commençant dans l’enseignement maternel et s’étendant progressivement vers les années suivantes.
Ce n’est pas du tout la direction que propose le Pacte et nous sommes donc extrêmement sceptiques et inquiets. Néanmoins, nous constatons que la première phase (de fin janvier à mi-avril) reste, heureusement, assez ouverte. Il s’agit de constituer deux groupes de travail :
-*Groupe de travail 1 : « Etat des lieux de la situation actuelle de l’enseignement. »
-*Groupe de travail 2 : « Réflexion sur le sens les valeurs, les objectifs et missions de l’école au 21e siècle. »
Malgré les nombreuses réserves exprimées ici, nous estimons qu’il est de notre devoir de participer à cette phase initiale (directement ou en proposant des éléments à la réflexion). En effet, s’il devait y avoir le moindre espoir de voir le groupe 1 influer de façon sensible sur l’ouverture du pacte à de véritables réformes structurelles ; s’il devait y avoir le moindre espoir de voir le groupe 2 proposer une vision de l’école allant dans le sens d’une citoyenneté critique et tournant résolument le dos à l’utilitarisme économique de la Commission européenne ou de l’OCDE, eh bien il serait dommage de ne pas tenter cette chance.
Cependant, si, au terme de cette procédure initiale, l’orientation devait rester celle qui caractérise actuellement les documents du ministère, alors nous n’aurions malheureusement plus guère de raison de poursuivre notre collaboration à ce projet.
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Appel pour une école démocratique
_ Le 28 janvier 2015
Programme pour une école démocratique en Belgique
Adopté en avril 2007
_ par le Conseil général de l’Aped
Des constats qui heurtent de front notre vision de l’école
A nos yeux, l’école obligatoire peut être un formidable levier pour changer le monde, pour le rendre plus juste, elle est un instrument d’émancipation collective. Il s’agit, comme disait Célestin Freinet d’ « aider à la naissance d’un homme qui saura lutter pour une société dont la liberté, la justice, la fraternité et le travail désaliéné seront les fondements, une société d’où aura été bannie l’exploitation de l’homme par l’homme. »
L’école doit aussi être un lieu d’émancipation individuelle, d’éducation et de socialisation. Chaque enfant doit y développer ses talents tout en devenant un être sociable (et vice-versa).
Nous avons l’intime conviction que, mis à part le très faible pourcentage d’enfants souffrant de handicaps mentaux particuliers, tous sont capables d’accéder aux savoirs et aux compétences de l’enseignement général et polytechnique de base que nous prônons. Moyennant, bien sûr, une réforme progressive de l’école.
Tous capables, pas tous les mêmes, bien sûr.
Ce qui précède suppose que l’école respecte les droits de l’enfant, les droits de l’élève. Le droit d’apprendre, le droit aux explications, à l’aide, à l’écoute, mais aussi celui de vivre, de s’exprimer, de jouer, d’avoir du temps pour soi, sans être soumis à un stress permanent ; le droit d’être assis sur des bancs confortables, dans des locaux agréables, d’avoir des repas convenables, etc.
L’école actuelle n’atteint aucun de ces objectifs. Bien au contraire.
Non seulement, elle ne « sort » pas beaucoup de citoyens aptes à comprendre le monde et à s’y engager, mais aussi, pire, c’est l’idée inverse qui s’y impose: les jeunes devraient, paraît-il, accepter le monde tel qu’il est et apprendre à s’y adapter. Accepter l’inégalité toujours plus scandaleuse entre une minorité de nantis et une majorité de populations réduites à survivre ? Accepter des conditions de travail de plus en plus dérégulées ? Accepter le saccage de l’environnement ? Tolérer l’intolérable ? A nos yeux, l’école ne peut être complice d’un tel désastre.
Si nous centrons notre attention sur les enfants des milieux populaires, force est de constater que l’inégalité sociale dont ils sont victimes se prolonge et se renforce à l’école. Et vice-versa. Un. Dès l’enseignement maternel, il en est ainsi, dans chaque classe, entre les classes au sein d’un même établissement, ou encore entre différentes écoles. Deux. Dans le secondaire, la ségrégation est structurellement organisée et amplifiée par les filières (général, technique, professionnel). Trois. Cette injustice est renforcée par le libéralisme de notre système scolaire (son organisation en quasi-marché et la concurrence entre écoles et réseaux). En d’autres termes, ce sont les tares du capitalisme qui se voient appliquées et reproduites par l’école. Quatre. Il y a aussi ces pratiques pédagogiques qui font la part belle à un rapport au savoir typique des classes sociales et/ou intellectuelles aisées. Cinq. Trop d’enfants d’origine populaire sont orientés vers l’enseignement spécial. Six. On parle de plus en plus de jeunes réputés « non scolarisables ». Sept. Les enseignants sont trop peu nombreux et manquent de temps pour permettre à tous les jeunes de réussir et d’intégrer dans leur vie et leur pratique ce qu’ils ont appris à l’école.
Chez un nombre non négligeable d’enfants, l’échec scolaire ou le redoublement (ou la crainte de l’échec et du redoublement) provoquent une réelle souffrance. La pression de l’évaluation, la pression à la « réussite scolaire », est parfois excessive. Trop d’élèves viennent à l’école avec des pieds de plomb, s’interrogent sur le sens de ce qu’ils viennent y faire, manquent de « motivation ». La taille moyenne des établissements, en augmentation constante depuis vingt ans, n’arrange rien : les écoles-mammouths deviennent des écoles-casernes. Et les enseignants, particulièrement dans les écoles où se concentrent les difficultés, voient leur métier devenir de plus en plus pénible. Une lourdeur amplifiée par des programmes trop souvent incohérents, illisibles et –paradoxalement- peu ambitieux (surtout dans le qualifiant). Il n’est pas inutile de noter combien la souffrance des élèves participe de celle des professeurs … et inversement.
Pour clore ce réquisitoire, soulignons le coût social – et financier – de tous ces jeunes qui décrochent d’un système scolaire aussi catastrophique !
Mais restons-en là des constats négatifs. D’autres publications de l’Aped les ont suffisamment détaillés. Tâchons plutôt d’imaginer une autre école possible.
1.Une école de base commune de 6 à 15 ans
Après un enseignement maternel distinct, obligatoire à partir de 3 ans, avec des objectifs clairement définis – acquisition de la langue parlée, spatialisation et autonomie -, nous proposons une seule structure d’enseignement de base commune, de 6 à 15 ans. Donc, la rupture entre « primaire » et « secondaire » disparaît. Concrètement, cette réforme se matérialise par la multiplication de petites entités scolaires. Dans cette école commune, les enfants passent progressivement d’un instituteur unique à des maîtres spécialisés par branche. De 16 à 18/19 ans, les jeunes fréquentent des lycées préparatoires à l’enseignement supérieur ou des lycées qualifiants. Mais, dans tous les cas, un socle commun de formation générale y est organisé. Une formation générale exigeante, évaluée en termes d’acquis.
La mise en œuvre de l’école commune devra se réaliser progressivement, soit en dix ans. En effet, il est impossible de supprimer la sélection au début du secondaire du jour au lendemain : en l’état actuel, les écarts de niveaux au sortir du primaire sont trop importants. Par contre, dès maintenant, il faut renforcer la formation générale dans les premiers degrés de l’enseignement qualifiant. Enfin, précisons que l’école commune ne signifie évidemment pas la disparition d’un enseignement spécialisé pour les enfants et les jeunes souffrant de handicaps particuliers.
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2.Une formation générale et polytechnique pour tous
Nous voulons que tous atteignent les compétences et savoirs de base (math, lecture, langues étrangères), que tous acquièrent une culture commune de haut niveau (histoire, géographie, sciences, littérature, arts, philosophie, etc.), que tous soient initiés aux technologies de la production et de la vie quotidienne (TIC, santé, électricité domestique, agriculture, industrie, …), que tous reçoivent une éducation physique et une formation sportive. Nous sommes attachés enfin à une découverte et à une valorisation de l’acte productif, pas seulement les divers métiers de la sphère économique, mais aussi l’activité associative, le jardinage, etc. Bref, autre chose que regarder la télé. Cette formation générale et polytechnique pour tous entre 6 et 15 ans implique bien l’abandon de toute spécialisation professionnelle avant l’âge de 16 ans.
3.Affectation des élèves aux écoles
Pour éviter les écoles « ghettos », autrement dit pour garantir une mixité sociale dans chaque établissement, une école est attribuée à chaque élève dès la première année et pour une durée de 10 ans, sauf accident ou déménagement. Cette affectation se fait selon le domicile et le revenu. Ce système nécessite un découpage géographique du territoire en zones socialement mixtes. Jusqu’à une date avancée (le 15 août par exemple), les écoles doivent admettre en priorité les élèves qui leur sont affectés. En d’autres mots, jusqu’à cette date, on a la garantie d’avoir une place dans cet établissement. Le nombre de places dans chaque école est déterminé selon ses capacités d’accueil et ne peut être dépassé. Après la date butoir (du 15 août par exemple), les inscriptions redeviennent libres, mais selon la disponibilité de places. Ce système implique évidemment la suppression des examens de passage. Des dérogations motivées sont possibles, sur avis de l’équipe éducative de l’établissement et/ou du PMS.
4.Fusion des réseaux
C’est la fonction même d’associations comme la nôtre de poser ce genre de question et d’oser fixer des objectifs que la majorité considère encore comme « tabous ». La fusion est le prix à payer si l’on veut l’avènement d’une école vraiment démocratique. Alors, osons.
L’école commune sera celle d’un seul réseau, forcément public. Elle impliquera un immense chamboulement dans l’affectation des enseignants et des bâtiments scolaires. Toutes les structures actuelles se verront modifier, aucun établissement ne subsistant dans sa forme actuelle.
Les bâtiments du réseau libre, s’ils appartiennent à une asbl, seront mis sous statut public. Loués, les anciens contrats emphytéotiques seront reconduits au nom de l’Etat et aux mêmes conditions. La suppression du caractère confessionnel nous semble également souhaitable pour éviter la montée des communautarismes religieux.
5.Un encadrement suffisant pour zéro décrochage
L’idée-clé : qu’un groupe/classe progresse ensemble, surtout dans les premières années de l’école commune. Les enfants sont 15 par classe dans les trois premières années (de 6 à 9 ans), maximum 20 au-delà de ces années primordiales. L’essentiel du travail se passe dans cette classe, mais il faut imaginer diverses stratégies pour soutenir les élèves qui en ont besoin, dès qu’ils en ont besoin : étude dirigée après les cours, rattrapage collectif et/ou individuel – peut-être dirigé par des enseignants spécialisés -, cours de langue accéléré pour les élèves issus de l’immigration, guidances individualisées, mise à disposition de tous les élèves d’un centre de documentation dans chaque école.
6.Une école ouverte
Si nous voulons réconcilier les enfants des milieux populaires avec l’école, celle-ci doit devenir leur principal lieu de vie, où l’on prépare et partage des repas, des jeux, des soirées cinéma ou d’autres activités culturelles, sportives ou techniques. Le soir, le week-end et pendant les congés. C’est là que s’exerce la citoyenneté : l’instruction et l’éducation sont intimement liées à la vie sociale et à la pratique productive. On y développe les valeurs de coopération, de solidarité, de créativité, l’amour des sciences, des techniques, des arts, de l’activité physique, de la nature, etc. L’école commune s’ouvre sur les autres lieux d’éducation : les associations citoyennes et culturelles, les mouvements de jeunesse, les clubs de sport, les festivités locales … L’école peut s’ouvrir aussi à la participation des parents dans des projets. En effet, libérée de la logique concurrentielle liée au quasi-marché scolaire actuel, la relation parents-école n’est plus commerciale, mais citoyenne, bâtie sur une base démocratique autrement intéressante. Il va de soi que, si l’on ne veut pas qu’elle se réalise au détriment des apprentissages, l’école ouverte signifie passer plus de temps à l’école, disposer d’un encadrement supplémentaire et réduire la taille des établissements.
7.Retrouver un équilibre dans les pratiques
Pour ce qui est des pratiques pédagogiques, nous voulons surtout éviter les écueils du dogmatisme (une seule méthode serait privilégiée) et du relativisme (toutes les méthodes se vaudraient). Nous préconisons une large autonomie pédagogique pour les enseignants, à condition que les objectifs d’apprentissage soient strictement définis et contrôlés.
Nous observons néanmoins que certaines pratiques « marchent » mieux que d’autres, permettent mieux d’atteindre les objectifs fixés, et/ou sont plus respectueuses du rapport au savoir des enfants d’origine populaire. Les sciences pédagogiques ont à cet égard une grande importance, comme la connaissance des différents caractères psychologiques des enfants. Il faut également privilégier les pédagogies qui donnent du sens aux apprentissages, celles qui assurent l’accès à la compréhension et pas uniquement à la mémorisation ou au savoir-faire. C’est sans doute en intégrant dans nos pratiques des approches variées que nous améliorerons notre enseignement sans tomber dans les pièges de la différenciation.
Nous ne voulons pas imposer à toute force ces pratiques, mais bien les valoriser et les diffuser (sites internet, livres, formations). Faciliter et favoriser les échanges prend ici tout son sens, car trop d’enseignants réalisent les mêmes outils, emploient la même documentation chacun dans leur coin.
Nous n’insisterons jamais assez sur la nécessité d’une formation des enseignants – initiale et continuée – solide et en cohérence avec les quelques principes que nous venons d’énoncer.
N.B. Aujourd’hui, on voit se multiplier des aventures pédagogiques aux forts relents de marketing (immersion linguistique, premier degré différencié …). Gageons que libérée des logiques concurrentielles entre écoles, l’innovation connaîtra moins d’errements.
8.Une évaluation centralisée pour mieux piloter l’école
Notre système scolaire manque cruellement de données statistiques. Nous préconisons des épreuves centralisées régulières. Non pour juger les élèves (ces épreuves ne seraient pas certificatives), mais pour évaluer les niveaux des acquis, les pratiques pédagogiques et le système dans son entièreté. L’analyse de ces données guiderait les établissements et les enseignants. De plus, dans une école commune où ne sévira plus la concurrence, l’information pourra être communiquée aux élèves et à leurs parents.
9.Des programmes rigoureux, lisibles et cohérents
Les programmes devront exposer clairement et par le détail les connaissances, les savoir-faire, les attitudes et les niveaux de maîtrise attendus des élèves. Ils devront insister sur les savoirs-clés, ceux qu’il faut réactiver régulièrement. En appui des programmes, les enseignants doivent disposer gratuitement de manuels, référentiels, recueils de documents, matériel audio-visuel, logiciels, listes de sites internet … Sans imposer de méthodes, les programmes pourront en recommander.
10.Refinancer l’école à hauteur de 7% du PIB
Pour financer notre projet, assurer une authentique gratuité de l’école et de ses activités annexes, il faudra que l’Etat consacre de nouveau 7% de son PIB à l’enseignement (comme à la fin des années ‘70). Sans doute plus durant la période de transition (10 ans), mais on pourra en récupérer progressivement une partie sur le coût de l’échec scolaire, des filières, des options et des réseaux, et grâce à une utilisation plus rationnelle des infrastructures.
Ce refinancement ne peut se faire que via une révision de la loi de financement des communautés ou via un retour de l’école dans le giron fédéral. Il se fera par une contribution des grandes fortunes, et certainement pas au détriment d’autres besoins de la société (notamment des autres services publics).
Ultime mise au point
Les dix points de ce programme constituent un tout indissociable, sans quoi le libéralisme scolaire et ses inégalités reviendraient en force.
L’école commune, ses épreuves centralisées et sa pédagogie de la réussite ne peuvent se mettre en place sans les préalables suivants : la fin de la concurrence entre écoles, la révision des programmes, l’injection de moyens et, surtout, la réduction des inégalités de résultats dans les premières années d’enseignement. La formation initiale et continue des enseignants doit aussi faire l’objet d’un soin tout particulier.
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