TSCG : le PS choisit son camp. Et ce n’est pas le nôtre !

Facebooktwittermail

Ce jeudi 20 juin à la Chambre des Députés, comme précédemment au Sénat, comme un seul homme, au garde à vous et le doigt sur la couture du pantalon, les mandataires PS ont ratifié le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG). Un pacte budgétaire qui va nous plonger durablement dans une austérité que rien ne justifie. Ce faisant, les socialistes, de plus en plus bleus, choisissent ostensiblement leur camp. Et ce n’est pas celui du progrès social.

Signé le 1er mars 2012 par 25 des 27 Etats de l’Union européenne, le TSCG doit ensuite être ratifié par les Etats signataires. Les gouvernements s’engagent ainsi à tenir leurs budgets à l’équilibre. Avec une marge de manœuvre extrêmement étroite ! Le déficit structurel ne pourra jamais excéder les 0,5% du PIB et la dette de l’Etat 60% du PIB. Les Etats doivent inscrire cette « règle d’or » dans leur Constitution et mettre en place un mécanisme automatique de correction « qui ne sera pas soumis à la délibération parlementaire ». Nous n’irons pas ici plus loin dans le détail de ce texte scélérat. D’autres, plus qualifiés que nous, l’ont déjà fait [[Huit dispositions principales, par Raoul Marc Jennar, juin 2012, http://www.monde-diplomatique.fr/2012/06/JENNAR/47853]]. Vous trouverez des liens utiles en bas de page.

Un déni de démocratie aux conséquences dramatiques

Ce TSCG est une horreur sur le plan démocratique : sans la moindre consultation populaire, au mépris des protestations syndicales et citoyennes, la souveraineté budgétaire (du moins ce qu’il en restait) va passer de chacun des Etats à l’Europe. Alors que cette souveraineté est le plus puissant levier de toute politique sociale. Une horreur sur le plan social, assurément : l’extrême dureté du « pacte » frappera comme toujours les populations les plus précaires (et précarisera une part importante de la classe moyenne).

Que le MR vote ce genre de truc n’étonnera personne. En somme, il est en cohérence avec sa ligne idéologique. Le parti des requins vote requins. Que le CdH fasse de même n’étonnera que ceux qui croyaient encore que cet humanisme-là était autre chose qu’un vernis. ECOLO risque bien d’en étonner plus d’un : votant contre au fédéral – il n’y fait pas partie de la majorité -, il se préparerait à voter pour au niveau régional…

Mais le PS, alors là, le PS ! Il est clairement aux antipodes de ce pour quoi ses électeurs l’ont amené au pouvoir. « Parce que la politique, cela devrait être le fait d’hommes et de femmes libres votant en âme et conscience sur base du programme sur lequel ils ont été élus. Parce que l’on ne peut être de gauche et voter le TSCG, un traité qui va imposer l’austérité à perpétuité à notre pays et à toute l’Europe. Parce que poser la question de l’endettement d’un pays sans poser celle de ses ressources, de l’incroyable hold-up sur les finances publiques que la fiscalité actuelle permet, de l’impasse que constitue la logique de la compétitivité et de la mise en concurrence des travailleurs au niveau mondial est intolérable. Parce que ne pas constater le drame absolu que constitue déjà aujourd’hui à travers toute l’Europe (singulièrement en Grèce, en Espagne, au Portugal,…) la politique austéritaire est un aveuglement dogmatique coupable. Parce qu’ils sont NOS élus et non ceux de leur parti, ou d’un Premier Ministre. Parce que quand, sous la pression de ce dernier, ils renoncent (sans UNE exception côté socialiste) à exprimer un vote de gauche et valident sans broncher un texte d’inspiration ultra-libérale, ils assassinent l’idée même de démocratie. » [[Pierre Eyben, Le choix de l’austérité, Détail des votes de « gauche » à la Chambre ce 20 juin 2013 concernant le TSCG, http://pierre.eyben.be/article459.html]]

Le projet d’une Ecole démocratique reporté aux calendes grecques

Entre autres conséquences du corset qui risque bien de nous être imposé, il y a l’enterrement de tout espoir de voir l’avènement d’un enseignement démocratique dans les années à venir. Tôt ou tard, les entités fédérées – dont la Communauté française – devront cracher au bassinet. Elles le font déjà, d’ailleurs (les dernières négociations sectorielles n’ont rien donné de bon). Et ne parlons pas des investissements financiers nécessaires à une réelle démocratisation de l’Ecole. De ceux que nous revendiquons depuis des lustres en vue d’une Ecole commune. Quelques exemples (liste non exhaustive).

Enterrée la réduction de la taille des classes à 15 élèves maximum dans le fondamental. Enterrée la gratuité totale effective de l’enseignement obligatoire. Enterré l’investissement dans la formation initiale et continuée des enseignants. Enterrées les heures/professeurs pour la concertation, le travail d’équipe, les conseils de classe, le titulariat… Enterrés les moyens d’organiser des remédiations efficaces. Enterrée la création d’autant de classes-passerelles qu’il en faut pour les primo-arrivants. Enterrés les bibliothécaires dont chaque établissement aurait besoin pour faire vivre un centre de documentation. Enterrée l’idée de rendre nos écoles plus confortables (un plan de rénovation et d’isolation thermique de tous les bâtiments scolaires, par exemple). Enterrée l’Ecole ouverte, parce qu’elle nécessite l’engagement de personnels pour encadrer les activités parascolaires. Enterrés les subsides d’équipements liés à un projet d’enseignement polytechnique pour tous. Enterré le retour du Supérieur à un financement à la hauteur de ses ambitions. Etc. Etc. Etc.

Ça, c’est pour la misère interne du système scolaire. Mais il y a aussi la misère sociale. De plus en plus de familles vont plonger dans la précarité (on en est déjà à plus de 15 % sous le seuil de pauvreté en Belgique; un enfant sur quatre en Wallonie vit sous ce seuil). Cela aura un impact non négligeable sur les élèves, qui ne laissent pas leurs soucis familiaux et sociaux au vestiaire de l’école !

Et pourtant, les moyens existent

« Aujourd’hui, deux chiffres augmentent en Europe. Le taux de suicides et la vente de Ferrari. Ce n’est pas l’austérité qui nous fera sortir de cette crise, mais une juste répartition des richesses », notait Felipe Van Keirsbilck, de la CNE.

Rappelons qu’en Belgique, un impôt d’un petit pourcent sur les seules fortunes de plus d’un million d’euros rapporterait chaque année 6 milliards [[sur la base de calcul actuelle]], selon la CSC. Rappelons aussi qu’à l’échelle mondiale, le nombre de milliardaires en dollars est plus élevé aujourd’hui qu’au début de la crise… et que leur fortune cumulée a augmenté. La planète n’a jamais été aussi riche. C’est bien la répartition de cette richesse qui est LE choix politique majeur. Nous mesurerons l’engagement démocratique des uns et des autres à cette aune-là. Force est de constater que les ténors du PS ne sont absolument pas fiables en la matière !

« Nous devons tenir tête à la Commission européenne[…], sinon, nous allons glisser vers une Europe ultra-libérale », qui nous « prépare une récession de 15 ans ». Dixit Paul Magnette, le sémillant président du PS [[cité dans Le droit de l’employé, mensuel de la CNE, 06/13]]. Mais c’était en janvier 2013… Le 23 mai de la même année, au Sénat, il votait dans le sens contraire.

Pour en savoir plus

Argumentaire de la FGTB (document pdf en pièce jointe)

Raoul-Marc Jennar, « Règle d’or » et mécanisme de stabilité. Deux traités pour un coup d’Etat européen, http://www.monde-diplomatique.fr/2012/06/JENNAR/47850

Hugues Le Paige, Le traité budgétaire ou le déni démocratique, http://www.rtbf.be/info/chroniques/detail_le-traite-budgetaire-ou-le-deni-democratique-hugues-le-paige?id=8017252&chroniqueurId=5037693