Études inutiles et suppression des allocations de chômage

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Étienne de Callataÿ, « chief économist » de la banque Degroof, expert reconnu et très présent sur la scène médiatique, propose de supprimer les allocations de chômage des jeunes qui auraient choisi des études « inutiles ».

En effet, selon lui, il est intolérable de constater qu’un « gamin qui n’a pas eu la chance de faire des études » se voit exclu du chômage s’il n’accepte pas n’importe quel « boulot », alors qu’un sociologue accepte « un emploi qui ne demanderait pas de qualifications » 1http://www.lalibre.be/actu/belgique/article/803561/breves.html. Il serait donc absurde que la société ait « investi pour rien dans sa formation ».

Allant au bout de son raisonnement, Étienne de Callataÿ ajoute qu’« il n’est pas juste que la collectivité, en ce compris des gens qui ne gagnent pas bien leur vie, voit ses impôts financer des formations qui ne serviront à rien ». Notre brillant économiste déplore également qu’ « un tas de gens choisissent de ne pas se former dans les filières en pénurie mais bien dans celles où il y a surabondance » et propose donc que « les filières en pénurie fassent l’objet d’un minerval réduit et celles en sureffectif d’un minerval majoré ».

Mais de quelles filières parle-t-il ? Qui sont ces « parasites » profitant de la société ? Notre expert cite en exemple les philosophes, les sociologues et les journalistes.

Ainsi que le dénonce Jean De Munck, professeur à l’UCL, Étienne de Callataÿ voudrait que l’université soit désormais transformée en « entreprise de formation de bons petits soldats de l’utilitarisme prêts à mourir pour le marché de l’emploi » 2Jean De Munck, Les marchés doivent-ils fixer les choix d’enseignement ? dans La Libre Belgique, 21/03/2013..

Au nom de cette employabilité, l’école, désormais à la botte du néo-libéralisme, ne formerait donc plus des citoyens critiques mais du « capital humain » rentable sur le marché du travail. Par conséquent, si les bénéfices d’une éducation universitaire peuvent être ressentis par la société en général, l’état pourrait prendre en charge le coût de la formation. Mais si ce n’est pas le cas, c’est à l’individu de supporter les frais d’inscription. On comprend donc que le choix des études, même s’il reste libre, risque d’être fortement contraint par ces considérations financières. Cette dette éventuelle serait donc « un instrument de contrôle des comportements par le jeu des incitations et des désincitations financières, un moyen de guider les choix d’orientation vers les secteurs où il y a des emplois et surtout des emplois bien rémunérés » 3Christian Laval, La nouvelle école capitaliste, Éditions La Découverte, Paris, 2012, pp. 173-174..

Au-delà de cet argument économique, il est important de déceler la logique de sape à l’encontre des facultés de Philosophie et Lettres, d’une part et de Sciences Humaines et Sociales, d’autre part, car ce sont bien là les cibles d’Étienne de Callataÿ. Ces filières ne sont sans doute pas rentables financièrement mais elles devraient permettre aux individus de s’émanciper, d’analyser la société et de la transformer dans un intérêt collectif et non dans une logique purement capitaliste. Ce regard critique sur la société, apporté par les historiens, les sociologues, les journalistes,… est très certainement un danger pour tous les adeptes de la société néo-libérale.
Mais pouvait-on attendre un raisonnement objectif et neutre de la part de M. de Callataÿ, sachant que, sans jamais que cela soit mentionné, notre expert médiatique attitré fait partie d’Itinera 4L’Itinera Institute se donne pour mission d’« identifier, défendre et construire les chemins de réformes qui garantissent une croissance économique et une protection sociale durables en Belgique et dans ses régions. », un groupe de réflexion soutenu par des entreprises privées, groupe que l’on peut comparer à un lobby libéral

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