Les lecteurs de l’Ecole démocratique connaissent bien l’étude américaine STAR, sur l’impact pédagogique du nombre d’élèves par classe dans les premières années de scolarité. Trois chercheurs suédois, Peter Fredriksson, Björn Öckert et Hessel Oosterbeek viennent à leur tour de publier une étude particulièrement intéressante concernant l’effet de la taille des classes dans les trois dernières années de l’enseignement primaire (4e, 5e et 6e année d’enseignement obligatoire en Suède). Cette étude démontre que cet effet est important et durable puisqu’ils ont même pu en mesurer les conséquences sur les salaires des ex-élèves, à l’âge de 27-42 ans.
Les élèves sous étude appartiennent aux cohortes nées en Suède dans les années 1967, 1972, 1977 et 1982. La démarche originale de l’étude est basée sur une double caractéristique de l’enseignement suédois de l’époque : premièrement l’attribution automatique de l’école en fonction du lieu de résidence, deuxièmement la règle du dédoublement automatique à 30 élèves par classe. En effet, le nombre de classes ouvertes dans chaque école, pour une année d’étude donnée, était égale au nombre d’élèves divisé par 30 en arrondissant le résultat vers l’unité supérieure. Par exemple, pour 73 élèves, l’école avait droit à 3 classes car 73/30=2,43 que l’on arrondit à 3. Ce qui donne, dans ce cas-ci, deux classes de 24 et une classe de 25. D’autre part, beaucoup de districts suédois ne comptent qu’une seule école primaire. Dans ce cas, en connaissant le lieu où habitait une personne (son district) et le nombre total d’enfants du même âge dans ce district, on peut en déduire une estimation raisonnable de la taille des classes qu’il a fréquentées.
En fait les auteurs de l’étude ont étudié comment évoluaient certaines variables mesurant l’efficience de l’enseignement — tests de compétences à l’âge de 13 ou 16 ans, durée de scolarisation, salaire gagné à l’âge adulte — en fonction du nombre d’élèves du même âge dans le district où une personne avait été scolarisée. On observe alors que les gains engrangés grâce à l’éducation diminuent progressivement quand le nombre d’élèves du district augmente, puis grimpe brutalement lorsqu’on passe le seuil de 30 élèves (dédoublement de classe) pour descendre de nouveau progressivement jusqu’au seuil suivant (60 élèves) et ainsi de suite.
Au terme de leur analyse ils aboutissent aux observations suivantes. Une diminution du nombre moyen d’élèves par classe de 7 unités au cours des trois dernières années d’enseignement primaire entraîne :
– une amélioration des résultats scolaires à l’âge de 16 ans équivalent à 16,1% d’un écart type.
– une augmentation de la durée moyenne de scolarisation égale à un tiers d’année (ce qui correspondrait par exemple à une augmentation du nombre d’universitaires égale à 7% d’une classe d’âge : c’est énorme !)
– une augmentation de 4,4% du salaire moyen entre l’âge de 27 et de 42 ans.
Les auteurs de cette étude sont des économistes qui écrivent pour des économistes. Et en tant que tels, ils s’intéressaient davantage au bilan coût/bénéfice du nombre d’élèves par classe qu’aux bienfaits éducatifs. Ça ne serait sans doute pas notre approche prioritaire. Mais il est tout de même intéressant de noter que, selon leurs calculs, l’investissement public consenti en réduisant de 5 le nombre d’élèves par classe aurait (en termes de salaires) un rendement de 17,8%.