La méritocratie semble bien être l’un des objectifs du nouveau contrat social.
Que ce soit à droite ou à gauche, l’idée du mérite, à partir des années 80, est venue s’imposer comme instrument de l’escalade (dans la hiérarchie) sociale et de sa légitimation scientifique.
Ce n’est plus le sang, ce n’est plus la classe, ce n’est plus la richesse, …c’est le mérite qui devient l’instrument de l’organisation et de la stratification sociale.
Comme chaque mot, «méritocratie» signifie quelque chose qui n’est pas neutre.
En vérité, le mérite est (va) mesuré et l’école promeut la sélection basée sur l’ « évaluation objective » (voir: Evaluation (emprise de l’…) sur ce même lexique).
La méthodologie soutenue par les évaluations, et fondée sur les évaluations, transforme graduellement le système scolaire. L’instruction n’est plus donnée égale pour tout le monde, mais elle sera différenciée selon les «rythmes de développement personnel» des élèves.
De l’éducation égale pour tous, on passe à l’éducation selon le potentiel de chacun.
Ainsi, le mérite est établi et stratifié avec des mesures objectives.
D’une certaine façon, l’origine historique et sociale de cette pensée moderne est pré-illuministe: tous les individus ne sont pas égaux.
Bien loin d’être un outil d’émancipation et de démocratie, la méritocratie ne fait que clouer les citoyens sur leurs disparités et cloue les étudiants sur « ses propres » et « spontanés » rythmes de développement.
La méritocratie ne supprime pas les inégalités, elle les met en place.
La méritocratie se propage, scientiste, mystifiant l’iniquité du système social.
C ‘est un terme abusif, parce qu’en vérité ce n’est pas le mérite qui est récompensé, mais la productivité.
Mérite = valeur, qualité, action louable, honneur, vertu.
Il s’agit donc d’une falsification (manipulation) du droit à l’éducation à des fins autoritaires et soumise à l’économie de marché.
Enfin, l’idée qu’avec la « prime au mérite » vous avez à promouvoir l’émancipation et l’ascension sociale des citoyens, TOUS les citoyens, indépendamment de leur origine, et en particulier leurs origines de classe, elle est tout à fait hallucinatoire, un miroir aux alouettes. Pourquoi?
Mais parce que les positions de départ sont toujours socialement déterminées,
parce que les instruments culturels disponibles pour les étudiants sont toujours socialement déterminés, parce que les dépenses culturelles que les familles peuvent se permettre sont socialement déterminées…
Et ainsi de suite.
Ça sent le roussi.
(Lecture recommandée: Michael Young, The Rise of Meritocracy)