Pourquoi donc étudier la biologie à l’école ? En quoi cette discipline peut-elle contribuer à la formation du citoyen de demain ? Un article initialement publié dans L’École démocratique, n°51, septembre 2012 (pp. 11-15).
La biologie a pour objet l’étude des êtres vivants sous tous ses aspects. Par conséquent, elle se décline en un grand nombre de sous-disciplines. Certaines d’entre elles sont liées à la nature des êtres étudiés : les ornithologues étudient les oiseaux, les entomologistes les insectes, les botanistes les plantes, les primatologues les primates… Cette petite liste peut être grandement allongée. Par ailleurs, il y a des sous-disciplines qui sont liées à des points de vue spécifiques : en anatomie, on étudie la structure du corps. En physiologie le fonctionnement des organes, en écologie les liens entre les êtres vivants et leur environnement. La cytologie étudie la composition et les propriétés des cellules à partir desquelles tous les êtres vivants sont constitués. La théorie de l’évolution s’occupe de l’histoire des êtres vivants et recherche les mécanismes et les événements qui ont déterminé cette histoire.
On ne trouvera jamais un biologiste qui maîtrise toutes ces sous-disciplines. On ne doit donc pas s’attendre non plus à ce que les élèves du secondaire soient confrontés à toutes ces branches de la biologie. Lesquelles alors et pourquoi ? Nous voyons trois critères pour traiter une discipline déterminée de la biologie dans l’enseignement secondaire. Certaines branches sont d’un grand intérêt parce qu’elles jouent un rôle important dans la compréhension de débats de société fondamentaux. D’autres apportent une meilleure compréhension de certains aspects de la vie individuelle et cette compréhension peut contribuer à la qualité de vie de la personne concernée. Et enfin il y a un certain nombre d’activités, comme la préservation de la nature, pour lesquelles beaucoup de gens ont un intérêt spontané.
Ecologie
La connaissance de l’écologie est nécessaire pour comprendre la portée de nombreux problèmes qui se posent au monde. Le problème par excellence est évidemment le changement climatique qui menace de bouleverser fortement les conditions de vie sur Terre. La climatologie est entretemps devenue une science en soi. Science dans laquelle l’écologie joue un rôle important : quelles sont les conséquences de l’augmentation de température pour les différents écosystèmes ? Est-ce que les variations d’écosystèmes, par exemple la disparition d’une forêt tropicale, peuvent avoir un effet sur l’augmentation de température ? Quelle influence aura le changement de température sur la distribution des plantes et des animaux ? Par ailleurs, il y a encore toute une série d’autres choses qui sont reliées aux problèmes écologiques. L’influence humaine sur la Terre produit une diminution de la biodiversité. Est-ce seulement un problème pour les amoureux de la nature qui ne verront plus leurs oiseaux ou leurs papillons préférés ou y a-t-il d’autres conséquences ? La dispersion de matériaux pollués et de matières synthétiques dans la nature est telle qu’il n’y a plus de lieux « intacts » sur la planète. Quelles conséquences cela finira-t-il par avoir sur les écosystèmes et sur l’Homme ?
Génétique
La génétique est une branche de la biologie plutôt récente. En 1865, Mendel avait déjà formulé ses célèbres lois de l’hérédité. Mais la communauté scientifique de l’époque ne les attendait manifestement pas et les résultats de Mendel sont allés directement au tiroir où ils restèrent jusqu’en 1900. Durant le premier demi siècle de son existence, la génétique s’appuyait principalement sur les résultats des expériences de croisement. En 1953, la structure de l’ADN a été découverte par Watson et Crick, ce qui donna le coup d’envoi à la génétique moléculaire. Depuis lors, celle-ci a pris un énorme essor et a conduit vers les années 80 du siècle dernier à la biotechnologie moderne (on peut parler d’une « ancienne biotechnologie » dont l’objet était l’utilisation de moisissures et de levures dans la production de fromage, bière et vin. Plus récemment, il y a eu la production d’antibiotiques à partir de moisissures, mais ça date tout de même des alentours de 1930).
Aussi bien au niveau de la génétique qu’à celui de la biotechnologie génétique, de nouvelles applications furent développées à un grand rythme. Souvent celles-ci sont devenues le sujet de débats de société. Celui qui vient le plus directement à l’esprit est sans doute la controverse sur l’utilisation des OGM (organismes génétiquement modifiés). Dans ces discussions, des arguments politiques, économiques et scientifiques sont entremêlés. Il est important que l’argumentation scientifique ne soit pas laissée à ceux qui ont un intérêt dans leur production. Donc il faut que l’instruction scolaire apporte les éléments de compréhension nécessaires à un large public afin que celui-ci soit suffisamment armé pour rentrer dans le débat et prendre position.
Plus tard, il y a eu beaucoup de recherches à propos des bases génétiques de diverses maladies. Dans un futur proche, on sera en état d’établir un profil de risque pour certaines maladies sur base d’une recherche ADN. Mais les gens veulent-ils toujours être renseignés sur leur profil de risque ? Et tout ça peut-il être transmis à des instances comme les assurances et les mutuelles ? Ce sont des débats difficiles qui doivent pouvoir être menés dans les cercles les plus larges possibles. Et avec une connaissance scientifique suffisante.
Un autre débat dans lequel la génétique est centrale et qui refait régulièrement surface est celui entre « l’inné et l’acquis ». Dans quelle mesure une personne donnée est-elle le résultat de la combinaison de gènes qui a eu lieu lors de la conception et dans quelle mesure son environnement a-t-il encore eu de l’influence plus tard ? Le problème se pose aussi pour l’évaluation du potentiel d’un élève. Dans quelle mesure ses capacités d’étude sont-elles génétiquement déterminées et dans quelle mesure une approche pédagogique correcte peut-elle amener une progression ? La génétique mendelienne de la période initiale avait un caractère gravement dogmatique (« un caractère est causé par un gène »). L’épigénétique qui a été développée durant la dernière décennie érige au contraire que l’influence du milieu sur l’activité d’un gène peut se perpétuer parfois sur plusieurs générations.
Evolution
Une bonne compréhension de l’évolution biologique est à la base d’importantes idées philosophiques. A travers le travail de Darwin, l’idée d’évolution est devenue générale. Auparavant, l’image du monde en Occident était statique : le monde ressemblait à ce qu’il était quand Dieu l’avait créé et il n’y aurait jamais de changement. Au début du 19ème siècle, les philosophes de la nature décrivaient encore comment l’ordre de celle-ci était un reflet de la création divine. Quand Darwin a suivi, dans ses jeunes années, une formation de prêtre anglican, le travail de William Paley (« Natural Theology ») y était une matière obligatoire. Maintenant, nous savons que la nature, la Terre, la société, le système solaire, l’Univers sont en transformation permanents. Nous pouvons cadrer l’origine de l’humanité dans l’ensemble de l’évolution biologique. Après la catastrophe qui a fait disparaître les dinosaures de la surface de la Terre, il y a eu beaucoup de niches écologiques à l’intérieur desquelles des espèces de singes ont prospéré. Ils donnèrent naissance à des singes, des anthropoïdes et enfin une série d’hominidés. L’Homme actuel est le seul hominidé qui a continué à exister jusqu’aujourd’hui.
La théorie de l’évolution est aussi un excellent exemple pour montrer aux élèves comment se construit une théorie scientifique. La théorie formule la meilleure interprétation et la meilleure synthèse possibles des connaissances du moment. De nouveaux faits et observations permettent de perfectionner la vision des choses et éventuellement de la modifier. Les différents épisodes qu’a connus la théorie de l’évolution existante en donnent une belle illustration : un certain nombre de précurseurs, dont Lamarck est le plus connu, lancèrent l’idée d’évolution. Darwin développe le concept à travers la sélection naturelle et l’amène au niveau d’une théorie scientifique. Les néo-darwiniens élargissent la notion via la combinaison de la théorie de Darwin avec les connaissances de génétique. Mais plus tard, des discussions continuent d’avoir lieu et par exemple Stephen Jay Gould plaide pour une sérieuse adaptation de la compréhension de la formation de nouvelles espèces.
Qualité de vie
Quand nous parlons de la connaissance biologique qui peut améliorer la qualité de vie, nous pensons par exemple aux connaissances sur la reproduction humaine. Des recherches montrent qu’il y a encore beaucoup d’ignorance des élèves sur les questions de fertilité et de grossesse. Des cours donnés avec une approche correcte continuent donc d’avoir leur place. Les techniques de procréation assistée doivent certainement aussi entrer en ligne de compte. De plus en plus de naissances ont lieu après une intervention qui a pour but d’initier une grossesse. Une bonne connaissance de la procréation humaine permet de comprendre quelles sont les causes de l’infertilité et de quelle manière on peut y remédier.
Tôt ou tard les gens sont confrontés à toutes sortes de maladies chez eux-mêmes ou leurs proches. Evidemment, l’objectif de l’école secondaire n’est pas du tout de former des médecins. Néanmoins, une bonne connaissance de la physiologie humaine permet de comprendre un nombre important de maladies auxquelles on a affaire. Cela devient alors plus facile d’entrer en dialogue avec le médecin traitant ou d’interpréter l’information trouvée sur internet.
Pour terminer, l’environnement naturel est une source de détente et de plaisir pour beaucoup de gens. Et souvent une connaissance suffisante permet de mieux en profiter. Nous ne plaidons pas pour que l’enseignement secondaire conduise les gens à une formation complète d’ornithologues ou de botanistes. Mais nous trouvons intéressant de permettre à des élèves, lors d’une excursion ou d’un atelier, d’expérimenter l’une ou l’autre de ces possibilités. On peut alors, s’ils le souhaitent, les mettre en contact avec les nombreuses associations existantes où les volontaires enthousiastes sont toujours les bienvenus.
Cet article fait partie du dossier «Pourquoi étudier les sciences»