Les élections du printemps dernier ont donné un coup d’arrêt à la politique d’agression et de casse systématique de l’Ecole mise en œuvre sous les gouvernements de Sarkozy. Et la promesse de « refondation de notre école » du nouveau gouvernement, appuyée par celle du rétablissement d’une partie importante des emplois supprimés, est aujourd’hui vécue comme une véritable bouffée d’oxygène par tous ceux qui sont attachés à l’école publique.
Mais l’échec scolaire n’a pas commencé avec Sarkozy, et le mouvement de démocratisation initié dans les années 60 est bloqué depuis plus de deux décennies. Le taux de scolarisation des 15/18 ans est en régression. Les ségrégations, les difficultés à enseigner et le délitement du service public par la compétition font toujours partie du quotidien des personnels et des familles. Pire, le carcan budgétaire imposé par le Traité européen sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG) risque de ruiner toute possibilité de transformer l’Ecole.
Pour construire l’égalité scolaire sur le principe de la réussite de tous et toutes, il ne suffira pas de détricoter quelques pseudo-réformes de la droite ni d’adapter le système aux canons de la Doxa éducative du moment. La crise de l’Ecole est profonde, systémique.
Un véritable projet de refondation de l’ensemble du système éducatif suppose, comme nous l’avons défendu au cours de la campagne présidentielle et législative, de repenser une scolarité non ségrégative pour tous les élèves sans distinction d’origine, de statut social ou de territoire, ; de créer l’égalité dans les conditions d’accès à la culture la plus ambitieuse pour tous, sur un temps d’obligation scolaire porté de 3 à 18 ans; ce qui signifie aller à l’opposé du « socle commun de connaissances et de compétences » et d’une l’école à plusieurs vitesses.
Les replâtrages et l’ajustement aux injonctions de l’Europe libérale n’ont que trop duré. L’urgence, c’est de répondre aux aspirations à une école démocratique !
Nous ne pouvons que nous réjouir de l’idée d’un retour à la concertation avec les personnels, les familles, la population dans son ensemble. Mais qu’en sera-t-il vraiment des résultats de cette concertation sur « la refondation de l’école » ?
Les thématiques choisies, engagent une orientation qui ne prend pas en compte les propositions nouvelles et ambitieuses des syndicalistes, des militants associatifs ou des chercheurs. Pour exemples il n’est pas envisagé d’abroger les dispositifs de mise en concurrence. La référence au socle commun légué par Fillon est extrêmement insistante dans les documents de lancement de la concertation, adossée à l’idée d’une éducation à l’orientation et à l’insertion professionnelle (pour certains), elle s’éloigne d’un projet d’une école égalitaire. Bref, tout cela augure mal d’un débat ouvert et pluraliste et de réponses ambitieuses.-
La réussite scolaire, c’est pour tous
La réussite pour tous exige une réflexion globale sur le système éducatif, de la maternelle à la terminale car le caractère cumulatif des inégalités tout au long de la scolarité est désormais connu.
Si la proposition de plus de professeurs par élèves à l’école primaire est à encourager, elle ne doit pas servir des logiques d’individualisation.
Or on ne peut que s’étonner de la reprise du thème de l’aide personnalisée créée par Xavier Darcos et qui a fait l’objet de nombreuses critiques quant à son inefficacité et à ses effets pervers.
Une école de l’égalité dénonce l’idéologie des aptitudes, des talents, mérites et compétences, inscrite dans la filiation des thèses du handicap socio-culturel, profondément régressives, stigmatisantes et récusées par la neurobiologie. Il n’y aura pas de refondation de l’école sans affirmation de la capacité de tous les élèves à entrer dans les mêmes apprentissages.
Face aux urgences , dégager des priorités
La lecture des thématiques retenues pour la concertation étonne par leur étendue et leur absence de hiérarchisation. De nombreux thèmes méritent attention comme celui du décrochage scolaire ou du service public de l’orientation. D’autres ne font pas la démonstration de leur urgence comme celui des rythmes scolaires. Une approche plus sériée doit mettre nettement l’accent sur la question centrale à l’école, eu égard aux échecs massifs: la scolarisation des élèves issus des milieux populaires en précisant les moyens envisagés pour y parvenir. Le morcellement des questions abordées ne permet pas une réponse à la hauteur d’une loi d’orientation. La question du climat scolaire, et de l’absentéisme, de la ségrégation scolaire ne peut trouver réponse qu’en empêchant la concentration des difficultés dans les mêmes établissements, et en interrogeant les logiques d’un système scolaire socialement ségrégatif. C’est dans le refus de la naturalisation des différences socio-culturelles que des réponses seront apportées à des comportements déviants.
L’autonomie des établissements scolaires tourne le dos à une meilleure efficacité de l’école : elle est la clé de voûte du libéralisme éducatif et de la concurrence scolaire. La situation dramatique des universités l’atteste.
Si l’assouplissement de la carte scolaire est à juste titre dénoncé, les contours de la reconstruction d’une nouvelle sectorisation doivent en urgence être mis en débat Le dispositif ECLAIR, mis en place par la droite et qui a profondément déstabilisé les établissements en éducation prioritaire, doit être remis en cause. Il ne suffit pas pour soutenir les établissements les plus en difficulté de stabiliser des équipes (sans préciser les moyens d’atteindre cet objectif), ni d’encourager de manière générale les innovations, mais bien plutôt d’interroger la nature des problèmes rencontrés pour débattre de réponses efficientes, au-delà des dispositifs. En effet si des changements de structure sont nécessaires, la question des pratiques demeure brûlante et nécessite d’être clarifiée dans le cadre de la formation des enseignants.
L’égalité entre filles et garçons est toujours d’actualité. De façon insidieuse, l’école renforce les stéréotypes de genre et les enseignants comme les familles en sont peu conscients. Les manuels renforcent le plus souvent cette vision de la société. Or c’est à l’école, et dès le plus jeune âge, que s’apprend l’égalité entre les sexes. Basée sur le respect de l’autre, c’est une prévention des comportements et violences sexistes. L’orientation ne doit plus être sexuée mais doit assurer aux filles et garçons la même liberté de choix.
C’est pourquoi nous réaffirmons les douze propositions que nous avions énoncées lors de la campagne électorale. Pour nous un certain nombre d’axes de rupture sont incontournables :
Le premier est celui d’un service public national d’éducation, soustrait à la concurrence et à la compétition, assurant à tous et partout l’effectivité d’un droit à l’éducation et à la réussite. Cela implique d’abandonner la libéralisation de la carte scolaire et de construire démocratiquement un découpage des secteurs assurant une vraie mixité sociale. L’autre impératif est d’abandonner les dispositifs ÉCLAIR pour revenir à une politique d’éducation prioritaire territorialisée sur des critères sociaux. Enfin les moyens doivent aller prioritairement au service public.
Le second est d’affirmer clairement l’objectif d’une scolarité obligatoire de 3 à 18 ans et de s’en donner les moyens, d’une part en construisant une culture commune ambitieuse offerte à tous, d’autre part en développant des pratiques pédagogiques démocratiques et solidaires qui permettent la prise en charge de tous. C’est possible, cela existe.
Le troisième axe est d’instaurer une formation des enseignants articulant formation dans la ou les disciplines à enseigner et formation professionnelle, l’une et l’autre devant être de haut niveau, en lien avec la recherche et reconnues par un master. Cela nécessite du temps et une progressivité, incompatibles avec une formation concentrée en dernière année. Pour le permettre et pour faciliter l’accès de jeunes issus des milieux populaires à l’enseignement un véritable pré-recrutement est un impératif.
Tout cela implique un investissement dans le service public d’éducation et donc une politique budgétaire ambitieuse contradictoire avec toute forme d’austérité imposée.