Formation en alternance : les vrais enjeux derrière les discours sirupeux

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En 1983, quand fut instaurée chez nous la formation en alternance, l’on pouvait encore nourrir quelque illusion sur la nécessité de proposer aux jeunes en rupture d’école un cadre pour aller au bout d’une scolarité rendue obligatoire jusqu’à 18 ans. Aujourd’hui, aucun doute n’est plus permis sur ses réels enjeux.
Un excellent article, signé Guéric Bosmans, fait le point sur la question. Parfaitement limpide, synthétique, bien documenté et joliment illustré par Stiki et Titom, il rappelle l’origine de l’enseignement en alternance : une demande du monde de l’entreprise au niveau européen, vite adoptée par les instances européennes, que l’on sait indéfectiblement néolibérales. Cette formule est en plein essor et s’étend désormais à l’enseignement supérieur. L’enjeu ? Réduire l’ambition de l’éducation aux seuls besoins des entreprises et de leur patronat, la formation pratique sur le lieu du travail et sous le contrôle direct des employeurs garantissant l’existence de main d’œuvre adéquatement formée. Ce qui permet aussi d’inculquer les comportements exigés du futur travailleur (discipline, rythme de travail, flexibilité, soumission à l’autorité, esprit d’entreprise). A mille lieues d’une école démocratique, nourrissant l’esprit critique et solidaire. Nous sommes de toute évidence dans un des avatars du « nouvel ordre éducatif mondial », où l’éducation n’est conçue que comme un « investissement productif en vue d’un rendement individuel ». Où l’entreprise est érigée en idéal normatif ! La CF et ses Régions constitutives n’échappent évidemment pas au mouvement : pour preuves, la Déclaration de politique communautaire et le Plan Marshall 2.Vert. G. Bosmans s’attache enfin à démonter les arguments avancés pour étendre l’alternance au supérieur : les pseudo pénuries de travailleurs qualifiés (bien moins évidentes qu’il y parait), la pseudo plus-value pédagogique de cette forme d’enseignement (qu’aucune étude sérieuse n’étaye). Plus honteuse encore, la justification du « levier social » : l’offre de filières supérieures en alternance permettrait à des jeunes d’origine modeste d’accéder à un niveau d’études inaccessible dans les formes traditionnelles. Voilà donc une démocratisation du supérieur à deux vitesses : « plein exercice pour les fils de bourgeois et alternance pour les fils de prolétaires » ! Dernières questions : quelle sera la formation générale d’ingénieurs formés dans l’entreprise ? S’ils sont affectés à la production, n’y aura-t-il pas concurrence avec d’autres salariés, et dérégulation des statuts ?

PhS