La grève et la manifestation du 5 mai avaient très largement dépassé les espérances des directions syndicales. Trêve de fin d’année et vacances bien méritées derrière nous, le constat reste le même : ça va mal, très mal, et la situation va encore s’aggraver. Faut-il nous y résigner ? Que non ! L’heure est (re)venue de nous mobiliser. Car nous pouvons changer le cours des choses.
Météo maussade
Depuis trente ans, l’enseignement subit une météo aussi pourrie que cet été. Excepté les quelques timides éclaircies des micro refinancements, le ciel de l’Ecole est plombé :
– classes surchargées,
– mauvais rapport des jeunes au savoir et au travail scolaire,
– « incivilités » et violences, guerre d’usure permanente,
– classes ghettos littéralement ingérables,
– absentéisme et décrochage alarmants,
– réforme du premier degré secondaire aux effets pervers,
– catastrophe scolaire (inégalités record),
– misère matérielle des écoles,
– débuts de carrière relevant du parcours du combattant,
– hold-up sur les DPPR,
– salaires mis sous pression,
– alourdissement de la part administrative du travail des enseignants,
– difficultés dues à l’approche par compétences,
– contrôle de type managérial de plus en plus contraignant,
– appels toujours plus pressants au bénévolat,
– concurrences entre écoles, entre 36 formes de formations,
– misère des cours généraux dans le qualifiant,
– etc.
Sentiment d’impuissance, démotivation et fatigue nous gagnent. Les jeunes fuient le métier. La pénurie s’étend même à des cours comme le français…
D’où vient ce temps pourri ?
Plus ou moins directement, tout ce dont nous souffrons est la conséquence du triomphe du néolibéralisme. Aux années ’50, ’60 et ’70, les « Trente Glorieuses », ère de progrès social et de démocratisation, ont en effet succédé :
– des coupes sombres dans les services publics (enseignement : de 7 à 5% du PIB) ;
– des pertes d’emplois (d’où classes et charges plus lourdes) ;
– la création d’un chômage de masse structurel et des coupes sombres dans les dépenses sociales ;
– la précarisation de plus en plus de familles et d’enfants, ce qui ne reste pas au vestiaire de l’école ;
– une idéologie dominante, marchande, individualiste, violente, à l’exact opposé de l’état d’esprit propice à l’apprentissage.
De nouveaux nuages s’amoncellent sur nos têtes
Le pire reste sans doute à venir :
– pour payer des crises à répétition que nous n’avons ni voulues ni organisées, les banquiers, financiers, industriels de tous poils… et leurs valets politiques nous préparent à une nouvelle vague d’austérité (qui frappe déjà les peuples grec, irlandais, portugais) ;
– l’actualité belgo-belge n’annonce rien de bon : tout indique qu’on va vers plus de séparatisme, plus d’égoïsme, donc plus de difficultés pour le maillon faible actuel qu’est la fédération Bruxelles-Wallonie ;
– la vie des classes populaire et moyenne va passablement se durcir, et ça aura des conséquences sur l’attitude des jeunes à l’école ;
– le niveau de vie et les conditions de travail des enseignants seront encore attaqués ;
– les pouvoirs économiques tendront à utiliser toujours plus l’Ecole à leurs seules fins : préparer la main d’œuvre flexible et docile dont ils rêvent. Il ne faudra pas interpréter autrement la réforme des CPU, l’extension de la formation en alternance, etc.
Alors, on se flingue ?
Une chose est certaine : nous ne devons rien attendre des pouvoirs établis, qu’ils soient économiques, politiques ou pédagogiques ; jamais on ne les a vus et on ne les verra se remettre spontanément en cause.
Le salut ne viendra que de nous, la « base ». A quelles conditions ?
– ne pas se laisser exagérément distraire par les réformettes en cours : pour nécessaires qu’elles soient, les réflexions actuelles sur les inscriptions, la formation initiale des profs, etc. n’auront que des effets marginaux tant que le système dans son ensemble ne sera pas repensé ;
– sortir de notre corporatisme, unir notre combat pour une Ecole démocratique aux autres luttes sociales, car elles sont indissociables ;
– croire que c’est possible, car nous formons un corps social important ;
– croire que c’est possible, car le temps est aux révolutions qui gagnent contre toute attente (Tunisie, Egypte, Amérique Latine) ;
– croire que c’est possible, si les directions syndicales font ce qu’elles ont annoncé au printemps : rester en éveil et prêtes à mobiliser (le succès du 5 mai dernier doit les y encourager) ;
– nous préparer et nous former, car le combat est aussi idéologique, il demande une connaissance et une compréhension du monde : c’est tout l’enjeu des « 6 heures pour l’Ecole démocratique » auxquelles nous vous convions le samedi 22 octobre.