Anne Morelli, Principes élémentaires de propagande de guerre utilisables en cas de guerre froide, chaude ou tiède, Aden, 2010, 191 p.
La deuxième réédition de cet essai, paru originellement chez Labor en 2001 et réédité en 2006, montre la transhistoricité des principes de la propagande de guerre à travers la modernité. L’historienne de l’ULB Anne Morelli s’appuie sur les recherches de son prédécesseur Arthur Ponsonby pour réactualiser tous les « arguments » utilisés par le pouvoir pour faire accepter l’idée de la guerre à leur population, sachant qu’une des conditions pour gagner la guerre est d’avoir l’assentiment du peuple. De la Première Guerre mondiale à la seconde guerre d’Irak, les dirigeants de tous les bords se sont servi des mêmes ficelles émotionnelles : 1. Nous ne voulons pas la guerre. 2. Le camp adverse est seul responsable de la guerre. 3. L’ennemi a le visage du diable. 4. C’est une cause noble que nous défendons et non des intérêts particuliers. 5. L’ennemi provoque sciemment des atrocités ; si nous commettons des bavures, c’est involontairement. 6. L’ennemi utilise des armes non autorisées. 7. Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l’ennemi sont énormes. 8. Les artistes et les intellectuels soutiennent notre cause. 9. Notre cause a un caractère sacré. 10. Ceux qui mettent en doute la propagande sont des traîtres. L’auteure donne des détails historiques et des témoignages à foison, qui relativisent la soi-disant pureté des intentions alliées pendant la Seconde Guerre mondiale, par exemple. Le plus récent est le discours prononcé par Barack Obama à l’occasion de son obtention du prix Nobel de la paix en décembre 2009, dont voici un extrait révélateur : « Et même lorsque nous sommes face à face avec un adversaire féroce qui ne suit aucune règle, je pense que les États-Unis doivent rester le porte-étendard des principes de la guerre. » (p. 187 & 188, c’est moi qui souligne). Comme quoi notre monde devient de plus en plus orwellien : la paix, c’est la guerre. Ce petit précis, d’une totale salubrité intellectuelle, est à mettre entre toutes les mains au moment où les tensions géostratégiques sont de plus en plus inquiétantes et toujours idéologiquement biaisées par les médias.
Bernard Legros