LATOUCHE Serge & HARPAGES Didier, Le temps de la décroissance, éd. Thierry Magnier, 2010, 154 p.
Un manuel d’initiation à la philosophie de la décroissance par Serge Latouche, son principal théoricien en langue française, cette fois en tandem avec Didier Harpagès, professeur de sciences économiques et sociales en lycée. L’écriture est fluide, le texte va à l’essentiel, mélangeant données chiffrées, éléments historiques et réflexions/conclusions philosophiques personnelles. Les auteurs ont particulièrement développé leur analyse sous un angle précis : le temps, qu’il convient de se réapproprier pour soi, pour le collectif et la politique, et de reprendre à cette Mégamachine qui ruine la planète. Ils empruntent à l’économiste Nicholas Georgescu-Roegen la parabole du « cyclondrome du rasoir électrique » qui consiste à « se raser plus vite afin d’avoir plus de temps pour travailler à la conception d’un appareil qui rase plus vite encore, et ainsi de suite à l’infini » (p. 29). Le « développement durable » est idéologiquement démonté, la numérisation du monde, dénoncée. Le dernier chapitre entre davantage dans le concret en parlant de promouvoir l’habitat groupé, les « villes lentes » (slow cities), les AMAP (Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne), la réduction de la durée du travail, les biens relationnels plutôt que les biens matériels, la relocalisation de l’économie et de la monnaie. Enfin, la décroissance ne prône pas un retour à l’âge de la pierre, comme on l’entend souvent dans la bouche de ses détracteurs et des ignares ; Latouche et Harpagès rappellent que l’empreinte écologique globale était soutenable jusqu’aux années 1960, ce qui n’est pas tout à fait l’âge de la pierre… Ensuite, son dépassement a commencé à être systématique et de plus en plus prononcé jusqu’à aujourd’hui, menaçant ainsi la civilisation d’effondrement. L’utilité d’un petit opus comme celui-ci est d’ouvrir des perspectives salvatrices et d’inciter à approfondir la matière.
Bernard Legros