Les enseignants devraient «faire des efforts comme tout le monde» nous dit-on. Il n’est donc pas inutile de rappeler que le secteur éducatif subit depuis vingt ans une austérité permanente. Découvrez un graphique révélateur : à télécharger et à diffuser !
Le graphique ci-dessous présente l’évolution de la valeur ajoutée dans l’enseignement, en pourcentage du PIB. En comptabilité nationale, la valeur ajoutée d’un service public c’est, grosso-modo, la masse salariale versée dans ce secteur. Quant au PIB, c’est la valeur totale des richesses produites sur notre territoire chaque année.
Le graphique montre la chute quasi-constante de la masse salariale en termes relatifs. Que ce soit en raison de réductions du personnel ou en raison de blocages salariaux. Cette diminution de la valeur ajoutée devrait également être mise en parallèle avec la croissance des effectifs : la dénatalité a certes légèrement fait reculer les effectifs de l’enseignement obligatoire, mais cette diminution a été très largement compensée par l’explosion des effectifs universitaires. Or, rappelons-le, il s’agit ici de dépenses totales, tous niveaux, filières, communautés, réseaux… confondus.
Quelques repères :
1980 marque la fin d’une longue période de croissance des dépenses d’enseignement, occasionnée par la massification de l’accès à l’enseignement secondaire et par l’introduction de l’enseignement rénové.
Durant la première moitié des années 80, le gouvernement fédéral se débat avec une dette publique galopante. Il économise dans tous les secteurs. Dans l’enseignement les ministres socialistes, sociaux-chrétiens et libéraux se succèdent pour rogner les « normes d’encadrement » (à l’époque on n’avait pas de NTPP, mais des normes strictes d’ouverture ou de dédoublement de classes). Premières manifs et grèves.
En 1986, dans le cadre du Conclave budgétaire de Val Duchesse, l’enseignement est à nouveau durement touché. L’introduction du NTPP s’accompagne d’une forte diminution de l’encadrement et d’une liquidation de facto de l’enseignement rénové par les ministres Coens (CVP) et Damseaux (PRL, ancêtre du MR).
En 1989-1990, l’enseignement est « communautarisé ». Le financement des communautés est régi par une « loi spéciale » (qui nécessite une majorité spéciale de 60% et une majorité de 50% dans chaque groupe linguistique pour être modifiée). Cette loi prévoit la liaison des dotations à l’index (qui augmente en général moins vite que le PIB) et à l’augmentation de la population en âge scolaire dans la communauté où celle-ci augmente le plus fort. Cette loi fait d’une pierre deux coups : elle verrouille les effets des dix années d’austérité précédentes, elle programme une nouvelle diminution des dépenses relatives (en % du PIB). Elle touche particulièrement l’enseignement francophone, pour deux raisons : c’est en Wallonie et à Bruxelles que la natalité sera la plus forte au cours de années suivantes et la Communauté flamande pourra augmenter ses moyens en fusionnant ses budgets avec ceux de la (fiscalement très riche) Région flamande.
1990 : Yvan Ylieff, ministre PS de l’Education en Communauté française, annnonce qu’il ne pourra pas payer les 2% d’augmentation pourtant promis à tous les agents de la fonction publique. En lieu et place il nous propose quelques « biscuits ». C’est le début de la plus longue et de la plus déterminée des grèves de l’histoire de l’enseignement belge. Ça commence au printemps 90. Dans beaucoup d’établissements, on n’organise pas d’examens. Ça redémarre à l’automne, avec l’aide des matraques de la gendarmerie qui feront tout pour nous « re-mobiliser ». Le mouvement devient incontrôlable. Finalement la Communauté devra céder 6% d’augmentation (en s’endettant) pour permettre aux directions syndicales de siffler la fin de la récréation…
1996. Le budget de la Communauté française est de nouveau dans le rouge. Laurette onkelinckx décide de supprimer 3000 postes dans le secondaire. malgré une grève longue et très décidée, elle tiendra bon. La dame de fer du PS y gagne un ticket d’entrée vers un poste de vice-premier ministre fédéral. L’enseignement, lui, continue sa descente aux enfers.
2000. Les écologistes sont au gouvernement. Ils avaient promis le refinancement de l’enseignement. Ils tiennent promesse. Munissez-vous tout de même d’une loupe pour en voir les effets sur le graphique…
2009. Après un épisode de deux années où l’on avait cru que les ministres de l’éducation s’occupaient enfin un peu de politique éducative, le PS range soigneusement Arena et Dupont au placard et un gouvernement de centre-gauche revient aux choses « essentielles » : économiser, économiser, économiser…