« Je ne demande pas aux syndicats de se réjouir, ni de cautionner les mesures d’économies. C’est au politique d’assumer. […] On est devant une crise, dont ils ne sont pas responsables, et moi non plus. » Ainsi parlait Marie-Dominique Simonet (1).
Ne ratez désormais aucune de ses apparitions dans les médias et sachez apprécier le doux visage de Mater dolorosa qu’elle ne manquera pas de composer devant les caméras. Car telle sera sa ligne de défense.
On ne sait trop si le culot et la mauvaise foi l’emportent sur la candeur de Marie-Do. Toujours est-il que son discours est doublement contraire à la vérité.
Primo : “c’est au politique d’assumer”. Le politique n’assumera que la décision des mesures d’économie. Et ce sont bien les enseignants –ceux qui resteront et ceux qui perdront leur emploi-, les enfants et les familles touchées par ces mesures qui en assumeront les conséquences. Surtout dans les milieux les plus précarisés.
Secundo : si Simonet n’a sans doute pas voulu la crise, il est bon toutefois de rappeler que le cataclysme actuel est l’aboutissement inéluctable d’un système économique auquel elle a participé très activement (elle fut directrice du Port autonome de Liège, avant d’être bombardée en politique), et qu’elle milite dans une famille politique qui n’a jamais remis en cause l’économie de marché.
Peut-être les idées lancées en ce début septembre ne sont-elles que des “ballons d’essai”, visant à effrayer l’interlocuteur pour le préparer à mieux accepter des mesures plus modestes. Plus modestes mais nocives quand même, n’en doutons pas ! Néanmoins, quoiqu’il advienne, l’école a dès à présent pris un nouveau coup sur la tête. Qui laissera des traces profondes.
L’effet des mesures annoncées aura effectivement été immédiat. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un oeil aux courriers des lecteurs et autres forums internets : on est reparti pour un tour d’invectives. Jusqu’à la nausée. D’un côté, des personnes – parfois de bonne foi, mais mal informées – qui ne comprennent pas que les profs se plaignent de devoir travailler plus de 20 heures/semaine. De l’autre, des enseignants qui disent leur colère de se voir une fois de plus démagogiquement exposés à l’opprobre de leurs concitoyens, alors qu’ils souffrent réellement dans leur travail (comme en attestent le pourcentage élevé de jeunes qui quittent le métier dans les cinq premières années, les aînés qui quittent le navire dès 55 ans, la pénurie de plus en plus inquiétante d’enseignants, etc.)
L’angle d’attaque choisi par Simonet est tout sauf innocent. Elle fait ainsi d’une pierre trois coups (au moins).
Un : elle met le feu entre les travailleurs des différentes corporations (ouvriers et employés contre enseignants). Et, peut-être, à l’intérieur même du monde scolaire, entre les profs qui prestent qui 20 heures, qui 22, qui 30, dans le général ou le qualifiant, le français ou l’éducation physique… Elle divise pour régner, quoi.
Deux : elle se profile en ministre “réaliste”, “responsable” (des deniers publics) et “courageuse” (puisqu’elle s’expose à un ample mouvement social).
Trois : ce faisant, elle crée l’écran de fumée qui cachera en fait son manque total de courage. Car elle pourrait, en effet, sortir l’Ecole de l’ornière par le haut, en lui donnant d’autres perspectives. Par exemple, promouvoir la création d’une école commune par la fusion des réseaux, la mixité sociale, le tronc commun, etc. Qui déboucheraient à terme sur une école plus juste socialement … et moins coûteuse. Elle pourrait aussi, puisque sa famille politique est au pouvoir à tous les échelons qui comptent (région, communauté, fédéral et Europe), trouver les moyens manquants, via une réforme fiscale enfin équitable, dans les revenus du capital plutôt que dans ceux du travail.
(1) Dans un entretien mis en ligne par La Libre ce 12/09/09.