Jeudi 30 avril, formation obligatoire sur site dans notre établissement d’enseignement spécial. Après avoir signé la fiche de présence, nous nous asseyons dans le réfectoire pour écouter les « spécialistes » du PIA (plan d’apprentissage individuel). Tout le personnel est là, près de 150 personnes. Certaines fonctions ne sont pas concernées par le sujet, mais ils ont été obligés d’y être.
Un formateur nous explique tout ce qui devrait se trouver dans ce document officiel, qui est jugé très important. Il présente son PowerPoint, insistant lourdement sur le fait que ça se trouve dans le décret et que, par conséquent, on ne peut pas s’y soustraire, quoi qu’il nous en coûte. Il doit être très convaincu de l’importance pédagogique de cette tâche administrative. C’est une formation qui s’annonce passionnante et pédagogique.
Ce document, comporte de 30 à 46 pages (selon la forme) par élève, auquel il faut ajouter les compétences spécifiques de chaque cours. Il doit être mis à jour par le conseil de classe et géré par le titulaire. Déjà, le formateur relativise la nécessité de remplir certaines parties du PIA et appelle à interpréter et adapter le document.
Nous en arrivons aux compétences transversales. Chaque professeur doit travailler chaque compétence transversale personnalisée pour chaque élève (enlever son manteau, nouer ses lacets, ne pas interrompre…), à son cours et en faire une observation puis une estimation. Cette évaluation doit se trouver dans le PIA pour chaque professeur et le titulaire doit également y ajouter une synthèse récapitulative.
Même si je ne suis pas titulaire, je trouve ce travail irréaliste. Je me lève pour lui demander : « quand puis-je donner le cours pour lequel je suis engagé, avec 91 élèves par semaine, 10 par classe, le temps de les installer, de faire leur journal de classe (beaucoup ne savent pas écrire), prendre les présences, vérifier les compétences à développer chez chacun, mettre en place l’exercice adapté pour chacun afin de développer sa compétence spécifique, l’évaluer et en faire un rapport et tout ceci en 50 minutes ? »
Le formateur me répond fièrement « si vous ne pouvez pas faire ce travail, changez de métier ». Il nous répètera par trois fois cette belle phrase pendant la journée.
Je ne peux en entendre davantage. Je quitte l’assemblée et j’entends que mon intervention délie les langues de nombreux collègues. La discussion s’anime. La directrice estime que le débat est stérile, elle appelle au calme et invite le conférencier à poursuivre. Il n’a plus grand-chose à ajouter.
Nous nous réunissons en atelier pour le reste de la journée. Je me retrouve dans l’atelier animé par ce même orateur. Ma voisine récapitule : « Vous devez être conscient qu’aucun professeur ne remplira jamais le PIA dans son intégralité. Vous reconnaissez que certains documents sont facultatifs. Alors quels sont les documents obligatoires de façon à ne pas avoir de problème avec l’inspection? Donnez-les nous et je vais aller faire les photocopies pour les collègues. Nous aurons ainsi une base de travail ». Alors que les professeurs sont en possession des PIA complétés, le formateur n’en a pas lui-même en sa possession. La question revient inlassablement « quels sont les documents obligatoires ? ».
Fin de journée et toujours pas de réponse. Nous devons aller signer la feuille de départ, dans le bureau de la directrice. Le personnel est infantilisé. Elle doit bien se douter que, étant donné l’intérêt et la qualité d’une telle formation, nombres de professeurs ont mieux à faire. Mais c’est légal et obligatoire…