Si le guide pédagogique, publié en novembre 2006 par le Ministère de la Communauté française, a constitué une réelle avancée politique, il n’a sans doute pas eu les effets escomptés. D’après la Ministre-Présidente Arena, il devait être le premier d’une série d’outils d’éducation à la citoyenneté, « ouvrir le débat au sein du monde scolaire et permettre à de nombreux jeunes et adultes de se sentir soutenus ».
Intention certes louable, encore eût-il fallu se donner les moyens de cette politique. En ma qualité de rédacteur principal de cet outil (ayant eu pleine liberté pour l’écrire), je ne m’attarderai pas à son contenu, qui m’apparaît aujourd’hui imparfait à divers égards mais était dans l’ensemble plutôt original et innovant par rapport aux outils similaires existant dans d’autres pays. Je voudrais plutôt émettre quelques critiques quant à la démarche méthodologique et au suivi.
Conception
Des membres du comité d’accompagnement ont soulevé à plusieurs reprises deux graves lacunes dans la conception de l’outil : le manque d’enquête de terrain préalable (sur les manifestations de l’homophobie, les besoins des écoles, les demandes des enseignant·e·s, …) et l’absence de méthode d’évaluation à long terme. Il était prévu au départ de mettre en ligne le guide pédagogique avec un forum et des mises à jour régulières, ceci permettant un enrichissement collectif des animations pédagogiques et un échange d’expériences. Les deux principaux concepteurs du projet (Gwendoline Allain et Luc Roger) ayant quitté respectivement l’une le cabinet Arena et l’autre l’administration de la CFWB peu de temps après la parution du guide, le suivi n’en a pas été assuré. En effet, personne n’en était chargé au sein de l’administration.
Diffusion
Imprimé en 3000 exemplaires, le guide a été envoyé à tous les établissements scolaires de la Communauté française mais la circulaire qui devait inciter les directions à l’utiliser et la lettre qui devait en informer les enseignants, elles, n’ont jamais été écrites. Vu l’aspect délicat que revêt cette thématique, il y a fort à parier que les affiches et affichettes accompagnant l’outil auront, dans de nombreuses écoles, fini leur course dans une belle armoire fermée, voire dans la poubelle de la direction. Interrogé à ce sujet en mai 2007, un collaborateur du cabinet Arena a déclaré que « ce n’était pas leur boulot de téléphoner aux écoles pour voir ce qu’elles avaient fait du guide ». On est en droit de se demander à qui d’autre incomberait cette tâche… Beaucoup d’enseignants, apprenant tardivement et de façon fortuite l’existence du guide, ont tenté d’en avoir un exemplaire mais aucune réimpression n’était prévue. Il aurait été judicieux, entre autres, de prévoir dès le départ de former un ou deux détachés pédagogiques qui auraient été chargés de présenter l’outil dans les écoles (à l’occasion de journées pédagogiques sur les discriminations, par exemple) et au sein des formations de l’IFC.
Evaluation
Rien n’a été prévu pour analyser les formulaires d’évaluation proposés à la fin du guide qui seraient éventuellement renvoyés par les utilisateurs. Pas de forum en ligne. Pas d’enquête a posteriori pour évaluer l’impact des animations pédagogiques à long terme. Aucune réunion du comité d’accompagnement après la publication du guide.
Bref, un coup dans l’eau ? Pas complètement : un débat a été initié dans certaines écoles, un certain nombre d’enseignants ont lu le guide, certains l’ont utilisé et l’utilisent encore. Il est néanmoins dommage de créer de tels outils sans vraiment penser aux moyens humains et financiers de les faire vivre…