L’orientation scolaire est un processus complexe mobilisant une multiplicité d’acteurs (enseignants, parents, associations centrées sur l’information et l’orientation, CPMS, et bien entendu les jeunes eux-mêmes au premier plan). Elle n’est pas le monopole, ni la chasse gardée de quelques « experts » en psychopédagogie qui en revendiqueraient l’exclusivité.
Ce point de vue vient recouper la conception de l’orientation telle qu’elle a été définie par le « Décret Missions » de la Communauté française de Belgique (Décret du 24/7/1997définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre; notamment art.21-23, art.32-33, art. 59-60).
Au-delà des seuls intérêts individuels des bénéficiaires, l’orientation des jeunes est bien un enjeu collectif majeur en tant que la finalité de l’enseignement consiste moins à apprendre aux jeunes à être « employables », qu’à former des citoyens capables de comprendre le monde dans sa complexité et de participer à sa transformation.
L’orientation, certes, ne se réduit pas à l’information. Mais l’information est le socle sur lequel s’érige l’orientation. A ce titre, il y a lieu de faire une double observation. Une première observation concerne directement l’école dans son rapport à l’orientation. La seconde vise, quant à elle, le monde associatif impliqué dans un tel processus.
1) Le « Décret Missions » fait du conseil de classe le garant de l’orientation au sein de l’école (cf. art.22 du décret), conseil de classe dont l’une des tâches essentielles parmi d’autres, est de prendre les décisions lors des délibérations de fin d’année scolaire. Ce faisant, le conseil de classe procède à une évaluation certificative concernant l’élève, où (pour faire court) l’élève se voit attribuer : soit une sanction de réussite avec un passage de plein droit dans l’année supérieure (attestation d’orientation A), soit un passage dans l’année supérieure comportant des restrictions sur certaines filières et/ou certaines options (attestation d’orientation B), soit une sanction d’échec impliquant le redoublement (attestation d’orientation C). Les associations de terrain confirment sur ce point les conclusions établies au cours de ces dernières années par le Conseil supérieur de guidance de la Communauté française, à savoir que : à la fin du 1e degré de l’enseignement secondaire (au moment où les choix de filières et d’options vont s’opérer), la plupart des élèves (grosso modo les 2/3) qui s’orientent ensuite vers l’enseignement technique et professionnel le font, non pas sur base d’un choix positif, mais sur base de la contrainte de l’attestation d’orientation B, la plupart du temps sans qu’aucune aide véritable à l’orientation proprement dite leur ait été accordée. Il faut dès lors plutôt parler d’une orientation par défaut, qui renforce, toujours plus au fil des années, ces filières dans un statut de filières de relégation.
Ce rabattement de l’orientation sur l’évaluation certificative finale est donc lourd de conséquences. D’autant que les associations spécialisées dans l’information font aussi le constat d’un déficit de vision globale du côté des écoles quant à la connaissance
des structures, filières et options de l’enseignement en Communauté française : la plupart des écoles connaissant évidemment bien ce que leur propre établissement propose comme « offre de formation », mais connaissant de façon limitée (ou parfois carrément ignorent) l’ensemble des possibilités qui existent.
2) Du côté du monde associatif, le réseau d’information jeunesse en Communauté française (Fédération Infor Jeunes Wallonie/Bruxelles) relève que pratiquement une demande sur deux (45%) adressée à l’un de ses centres, concerne de domaine de l’enseignement et de la formation.
Comme nous l’avons souligné plus haut, l’orientation possède une dimension individuelle (l’aide pratique qu’une association dont c’est la mission, apporte aux jeunes en termes d’information et d’accompagnement), mais également une dimension collective. Intervenir sur cette dimension collective ne peut se faire que si, et seulement si, les associations exercent leur fonction d’interpellation auprès du politique et de la société civile, fonction d’interpellation qui prend ancrage dans le travail de terrain au quotidien avec les jeunes et leurs familles (notamment, pour ce qui nous intéresse ici, en qui concerne les problèmes et les questions rencontrés dans le domaine de l’enseignement).
Cette conception, qui n’est autre que celle du travail social pour lequel ces associations sont reconnues, connaît toutefois une dérive, comme en atteste certaines pratiques (dont la proportion reste toutefois marginale). En effet, quelques associations n’hésitent pas à substituer la propagande publicitaire au travail d’information des jeunes, travail d’information pour lequel elles sont néanmoins dûment subventionnées par la collectivité. Surfant alors sur la vague consumériste, elles se transforment en relais complaisants du marketing des établissements scolaires à travers l’équivalent de foires commerciales, où ces derniers sont invités à venir promouvoir leur « produits ». Ce faisant, elles contribuent, qu’elles en soient conscientes ou non, à œuvrer au profit d’une école de la sélection sociale, c’est-à-dire une école profondément inégalitaire.
Or, le monde associatif a pour mission de lutter en faveur d’un monde plus égalitaire, et non d’en creuser la fracture.
C’est là le vrai défi qui est, et doit rester, au cœur de ses pratiques.