Journaliste au « Monde » spécialisé dans les questions écologiques, Hervé Kempf a voulu frapper vite et fort avec cet essai au titre-choc, mis à la forme affirmative. Après avoir listé les désastres environnementaux présents et à venir — ce qu’on trouve dans de nombreux ouvrages par ailleurs —, il arrive au fait et désigne les premiers coupables entre tous : les riches. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas d’autre but que d’accroître leur patrimoine ; comment ? Parce qu’ils dépensent les revenus de celui-ci dans un mode de vie insoutenable à terme pour la biosphère et qu’ils incitent, fût-ce à leur corps défendant, les classes moyennes à (tenter de) les imiter en vertu de « l’effet Veblen », thèse que Kempf a la bonne idée de nous remémorer et qu’il reprend à son compte. L’économiste américain Thorstein Veblen (1857-1929) soutenait que le principe de la consommation ostentatoire régit la société. Par conséquent, le jour où le mouvement social aura réduit le train de vie des riches par une série de mesures politiques (comme une fiscalité juste ou le revenu maximal autorisé), l’effet Veblen sera atténué, voire annihilé dans les classes moyennes et populaires, qui auront alors une chance de renouer avec leurs propres racines culturelles faites de convivialité et d’auto-limitation des besoins. Le grand mérite de l’auteur est de montrer que la crise écologique est ombilicalement reliée à la crise sociale, et qu’il serait vain de vouloir traiter l’une sans traiter simultanément l’autre. La destruction de l’environnement représente une menace directe pour la démocratie, tout comme cette gigantesque disparité des revenus : « le manager avisé consulte le catalogue d’avions d’affaires comme d’autres choisissent un vélo ou une scie électrique. » (p. 70). D’autres exemples encore plus ubuesques (et révoltants) à découvrir dans ce livre…
KEMPF Hervé, « Comment les riches détruisent la planète », éd. du Seuil, Paris, 2007, 150 pages.