Le texte qui suit a été adopté à la suite d’un séminaire européen de partis communistes et ouvriers et de personnalités du monde de l’enseignement sur le thème: « La stratégie de Lisbonne et la restructuration des systèmes d’enseignement – Fronts de lutte et la réponse du mouvement ouvrier et communiste » (Athènes, 8 – 9 avril 2006). L’Aped a signé cet appel et invite à son tour les partis, les syndicats, les associations culturelles et sociales, les personnalités et militants issus du monde syndical, de l’enseignement, socio-culturel, à la signer.
Nous, les signataires de cet appel, exprimons notre profonde préoccupation face aux conséquences des mesures visant à la restructuration capitaliste de l’enseignement et appelons les intellectuels progressistes, les scientifiques, les enseignants et les pédagogues ainsi que le personnel administratif de tous les niveaux d’enseignement – des écoles primaires aux universités – à élever leurs voix et à prendre une part active dans le mouvement de résistance qui grandit dans toute l’Europe.
Les mesures qui ont été proposées, dans tous les secteurs de l’enseignement, sont rejetées en masse; elles ont été décrites dans le « Livre blanc de l’enseignement et de la formation » et se retrouvent dans plusieurs décisions prises par les ministres de l’enseignement de l’UE et de l’Organisation pour la Coopération et le Développement économique (OCDE).
Après le sommet de l’UE à Lisbonne, après le démarrage du processus de Bologne et dans le contexte des règlements de l’Accord général sur le commerce et les services (GATS), établis dans le cadre de l’Organisation mondiale du Commerce, le processus d’ajustement de l’enseignement aux lois du marché capitaliste est en train de s’accélérer. Au mépris complet de ses terribles conséquences, ce processus est imposé par le grand capital qui tente de trouver une issue à la crise économique et sociale et de découvrir des nouveaux domaines d’activité générant du profit comme l’exige la concurrence intense entre les principaux centres impérialistes.
En ce qui concerne les méthodes et le rythme utilisés pour promouvoir cette restructuration capitaliste de l’enseignement, chaque pays présente, en dépit des différences, certaines caractéristiques communes qui sont les suivantes :
– Une privatisation accrue de l’enseignement qui implique souvent une réduction du financement public direct, l’accroissement d’un financement privé destiné à faire du profit, et le transfert des coûts de l’enseignement vers les étudiants et leurs familles. En même temps, le privé est encouragé à jouer un rôle croissant dans les fonctions fondamentales de l’enseignement à tous les niveaux, en partant de l’enseignement supérieur. Cette privatisation et cette marchandisation obligent les écoles publiques à fonctionner sur base de critères privés de « compétition » et de chercher des méthodes d’auto-financement pour obtenir des fonds du secteur privé – une chasse aux profits de la part des hommes d’affaires et des « financiers ».
– Le développement, par l’intermédiaire du processus de Bologne, d’un marché ouvert à la concurrence dans le domaine de l’enseignement supérieur européen. Le développement d’une telle concurrence européenne dans l’enseignement supérieur au nom du renforcement de la « mobilité » et de l’amélioration de la « qualité » des études conduira en fait à l’émergence d’un petit nombre d’universités de haut niveau qui concentreront les meilleures infrastructures de recherche, la part du lion du financement et attireront les étudiants économiquement les plus forts et les plus « concurrentiels », tandis qu’à côté de cela la grande majorité des instituts supérieurs seront de qualité inférieure et accueilleront les perdants de la restructuration. Le résultat en sera une « mobilité » et une « meilleure qualité » pour les riches et une immobilité et une qualité médiocre pour les pauvres.
– Le renforcement des barrières de classe dans le but de sélectionner une élite sociale, via la séparation et la classification des élèves et des étudiants en types, formes et catégories d’enseignement différenciés sur base de la classe sociale, tandis que la grande majorité sera reléguée à une formation de fortune, sans substance, au lieu d’un enseignement systématique.
– La dévalorisation de l’enseignement général et, plus généralement, la dégradation patente de l’enseignement en remplaçant l’enseignement de masse par des formes individuelles « d’apprentissage permanent », d’aptitudes utilitaires orientées vers le marché et de soumission au « marché du travail » en préparation d’une carrière oscillant continuellement entre formation et chômage.
– La discrimination envers les immigrés, l’encouragement du nationalisme et du chauvinisme, les calomnies à l’égard d’autres peuples et d’autres cultures tout en mettant en avant le « nationalisme européen » et l’hostilité envers les autres peuples et la classe ouvrière internationale.
– L’abolition de la mission sociale de l’apprentissage par l’imposition d’un contrôle étouffant sur son orientation, sa direction et même sur ses résultats de la part des monopoles et des organisations impérialistes (OTAN, UE) qui s’ingèrent ouvertement dans l’activité académique des universités et des instituts de recherche.
– Des mesures pour promouvoir l’Union européenne impérialiste, l’idéologie du marché libre, l’esprit d’entreprise, l’irrationalisme, l’approche anti-matérialiste de l’histoire, l’obscurantisme, les vues anti-dialectiques sur l’évolution sociale, le mensonge et la calomnie sur les luttes de classe, anti-fascistes, sociales et de libération nationale et les efforts pour discréditer toute résistance, en même temps que toute idéologie communiste et progressiste.
En combattant ces réformes réactionnaires, nous appelons les intellectuels progressistes, les scientifiques et les pédagogues de tous niveaux à contribuer au développement d’un large mouvement lié aux mouvements populaires et qui exige un enseignement pour tous sans barrières de classe et sans discrimination.
Nous appelons aussi toutes les personnes concernées à ne pas succomber aux tentatives de les transformer en vecteurs des nouvelles mesures anti-enseignement, que ce soit par des menaces autoritaires ou des « appâts » consistant en avantages divers donnés « sous la table ».
Unissons nos efforts avec le mouvement ouvrier et le mouvement étudiant pour exiger:
– Un enseignement unifié pour le peuple grâce à un système d’enseignement public et gratuit, financé par une augmentation des dépenses publiques. Notre but est un enseignement qui soit en totale opposition à la privatisation et à un système d’enseignement différencié sur base de la classe sociale qui accroît les inégalités sociales, même au plus jeune âge.
* Une orientation de la recherche scientifique qui rencontre les besoins contemporains du peuple et qui ne soit pas au service des profits et des choix des monopoles. Les projets de recherche ne doivent plus être un instrument des super-profits et de la surexploitation des travailleurs. Ils doivent être des outils puissants pour soulager l’humanité des privations matérielles et des aliénations intellectuelles.
– Un élargissement quantitatif et qualitatif d’un enseignement général de base grâce à une école unifiée, afin de fournir un enseignement général moderne à tous les lycéens dans les mêmes conditions, sans barrières ni distinction de classe.
– Une formation professionnelle qui soit exclusivement dispensée par les écoles, qui fasse partie du système d’enseignement public et qui soit dispensée uniquement après achèvement d’un enseignement général de base obligatoire, qui est socialement nécessaire à notre époque.
– Un enseignement supérieur unifié qui, grâce à ses cours de base, fournira une compétence scientifique complète à tous les diplômés et leur permettra en parallèle de pratiquer leur profession. Avec des enseignants et des chercheurs qui soient exclusivement employés dans l’enseignement supérieur, de façon à ce qu’ils n’agissent pas en serviteurs de deux maîtres.
– Une valorisation économique et scientifique des enseignants de tous niveaux, afin qu’ils acquièrent leur véritable rôle éducatif et social.
Nous considérons que des étapes positives et des succès réels peuvent être obtenus en coordination avec le mouvement ouvrier et populaire dans une lutte commune contre les restructurations capitalistes dans l’enseignement, dans le monde du travail et dans la vie sociale, contre les monopoles et les institutions impérialistes qui imposent cette politique de classe.
La revendication d’une réorganisation radicale de l’enseignement dans une orientation progressiste va de pair avec la nécessité d’une réorganisation de la société dans son ensemble.
Les grandes mobilisations dans les écoles et universités en 2005 et 2006 dans de nombreux pays européens ont révélé un potentiel important et la possibilité de retarder et même, dans certains cas, de stopper la mise en place de réformes et de politiques réactionnaires dans l’UE et en particulier dans son enseignement et son économie de « marché libre ».
Cette bataille des idées, ainsi que la lutte sociale et politique, doivent se poursuivre et s’intensifier en mettant en avant la nécessité d’un autre enseignement qui corresponde aux besoins des couches populaires et d’un système social différent et nouveau, libéré des multinationales et de l’exploitation.
Enseignement public et gratuit, pour tous!
Envoyer les signatures à cpg@int.kke.gr