D’un débat sans loi à une loi sans débat.

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Rien ne manifeste mieux l’incapacité politique à mettre en œuvre une politique scolaire que les essais effectués dans la dernière période pour présenter un message cohérent.

Il y a peu, des centaines de milliers de parents et d’enseignants ont été mobilisés dans un débat national pour l’avenir de l’école. La loi qui en résulte, unanimement contestée bien que sans grand contenu aménage celle qu’elle visait à remplacer. On conserve l’objectif de 80% d’une classe d’âge au baccalauréat, on met principalement l’accent sur l’acquisition d’un socle commun de connaissances et de compétences, la maîtrise des langues étrangères, l’individualisation des parcours et la découverte professionnelle.
Certains penseront que cette continuité des annonces, sans constituer une politique, préserve au moins un esprit de démocratisation que la droite libérale semblait devoir mettre à mal. On aura évité le pire.
Il y a quelques jours, dans l’urgence, l’école est convoquée pour éteindre le feu en banlieue. On met en avant l’égalité des chances, slogan ressassé par J.Chirac et qui lui a toujours tenu lieu de politique scolaire. On offre comme seule perspective aux enfants de milieux populaires, l’apprentissage à 14 ans. Moyen comme un autre de délester les collèges et de contenter les enseignants qui n’en peuvent plus et les classes moyennes qui fuient vers le privé. Nous avions le débat sans loi, nous aurons la loi sans débat.
Hommage du vice à la vertu, l’appel à l’école signifie que quelque chose qui est de l’ordre de la pacification sociale et de la promotion peut encore se jouer en son sein. Mais qui le pense et qui le croit ?
Car depuis le milieu des années quatre-vingt-dix une nouvelle période intervient, en rupture avec celle qui a dominé durant la seconde moitié du vingtième siècle. La démocratisation cesse à la fois d’être un projet et parfois une réalité.
L’ascenseur social s’est arrêté ou inversé. Chacun se trouve renvoyé à sa liberté, à son développement, ainsi qu’à son échec.

L’objectif de 80% d’une classe d’âge au niveau du bac est durablement dénoncé comme démagogique. La proportion de bacheliers dans une génération est depuis 2004 en légère baisse.

L’Education nationale cesse d’être une priorité budgétaire de la nation et les politiques s’accordent pour annoncer des réductions de moyens. Un certain consensus entre la droite et la gauche explique l’absence de l’éducation dans les récents débats politiques et électoraux. La part de la dépense d’éducation dans la richesse nationale se maintient à 7,3% avant de baisser de 1997 à 1999, pour s’établir en 2003 à 7,1%.

L’école unique est remise en question par la diversification des différentes voies et l’insistance à améliorer la formation de base en la dissociant des étapes suivantes, comme par la décentralisation et le déplacement de la formation de l’école vers l’entreprise

Un quart des collèges publics est qualifié de « difficiles » ou « très difficiles » et un noyau réduit d’établissements concentre régulièrement une part élevée des violences scolaires qui ont donné lieu à six plans depuis 1995.

Je persiste à penser, comme je l’écrivais en 2003 : « Aujourd’hui, quel sera l’avenir de l’enseignement en France si l’Education nationale n’est plus la priorité, si le collège est réduit à un « socle commun », si la différence s’accroît entre les établissements réservés à l’élite et ceux qui accueillent la masse des enfants, si la formation tout au long de la vie se développe au détriment de la formation initiale, si les différenciations à tous les niveaux aboutissent à confondre des formations offrant des débouchés et celles qui conduisent au chômage ? Enfin, si maintenant l’ascenseur social est définitivement bloqué comment les jeunes et les familles s’investiront-ils dans l’école ? »

La politique scolaire actuelle de la droite comme de la gauche se résume à cette formule sibylline : tous les jeunes peuvent réussir, mais pas de la même manière, dans les mêmes matières, au même moment, dans les mêmes conditions..

Ce renversement de tendance, apparu dans les années quatre-vingt-dix, correspond à une nouvelle politique scolaire inavouée que résumait avec limpidité Claude Pair, ancien directeur au ministère de l’Education nationale, en 1997 :  » Une nouvelle convergence pourrait donc se dessiner pour réclamer un recul, entre des employeurs dont le but concernant l’élévation des qualifications est maintenant atteint voire dépassé, les classes moyennes et dirigeantes qui peuvent ressentir la poursuite de l’évolution comme une concurrence pour leurs enfants, voire pour eux -mêmes, des enseignants à qui elle crée des difficultés dans leur travail, les pouvoirs publics qui sont affrontés à des coûts croissants dans une situation financière difficile. Elle pourrait aussi s’appuyer sur un rejet de l’école et une démoralisation des jeunes les plus fragiles. Et on pourrait même demander à l’orientation d’y collaborer.  »

Est-on arrivé au point de blocage où débats et loi sont vides parce que le projet de démocratisation est à la fois caduc et irremplaçable. Toute politique scolaire est-elle devenue impossible ?

1 COMMENT

  1. > D’un débat sans loi à une loi sans débat.
    je suis étudiant en 2 eme année d’école d’aasistante de service social et suis depuis otobre 2005 en stage en service social en faveur des élèves. Face à la précarité de nombreuses familles, face au taux d’absentéisme important, je pense que l’apprentissage à 14 peut être un projet intéressant pour certains jeunes. Il faudrait simplement le présenter comme un parcours intéressant et non pas comme une filière de relégation. A mon humble avis, l’apprentissage à 14 ans peut en effet etre un chemin de « délivrance « pour certains jeunes en totale déscolarisation. Leur redonner confiance en eux, en leurs valeurs.

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