Au pays de l’Oncle Sam, étudier devient de plus en plus un privilège réservé à une certaine élite. Qu’on en juge : en 2002, les frais de scolarité ont augmenté de 10 % au niveau national par rapport à l’année précédente. Et ce n’est pas exceptionnel puisque cette augmentation se chiffre à 200 % en 20 ans. Explication ? « Les budgets étatiques diminuent de manière drastique avec la crise. Du coup, les établissements augmentent leurs droits d’inscription » explique Kenneth Redd, directeur de recherche à la National Association of Student Financial Aid Administration. S’il s’agit de la raison principale, le désengagement des pouvoirs publics n’est pas la seule explication. La marchandisation joue aussi un rôle. Ainsi, chaque établissement tente d’engager des professeurs de renom en les payant grassement, un peu comme une équipe de foot cherche à recruter le plus possible de vedettes. Ceci afin d’attirer les « clients » càd les étudiants. De nombreux investissements sont également réalisés dans les infrastructures surtout informatiques et sportives dans le même but. « Quand on se plaint du coût des études, la direction invoque la qualité des services offerts sur le campus. Certes la piscine et la bibliothèque sont ouvertes jusqu’à 23 h et le centre sportif est ultra-équipé. Mais ces lieux sont déserts le soir parce qu’on bosse dès qu’on a une soirée de libre pour rembourser nos études » explique Carolyn, étudiante en biologie. Il existe des systèmes d’aides (on dirait ici des bourses), mais là aussi les autorités se désengagent. Ainsi, au Massachusetts, où les frais d’inscription ont augmenté de 24 %, les aides ont diminué d’autant ! Les étudiants s’endettent aujourd’hui pour pouvoir poursuivre leurs études. Cet endettement, à la fin des études, est en moyenne de 27600 $. C’est près de trois fois et demi plus qu’il y a dix ans. A cette époque, moins de la moitié des étudiants empruntaient. Ils sont aujourd’hui plus de 70 % selon le National Center for Education Statistics. Sans compter tous ceux qui ne peuvent même pas entamer ou qui doivent arrêter leurs études comme Serena, étudiante à l’université du Maryland qui doit stopper après deux ans par manque d’argent. Comme les inégalités sociales ne sont pas indépendantes des origines ethniques dans le pays des Droits de l’Homme, on n’est pas étonné de constater que 70 % des étudiants noirs invoquent leurs dettes pour expliquer leur abandon des études contre 43 % des étudiants blancs. « Si je comprends bien, notre pays accepte de s’endetter pour la guerre, mais pas pour l’éducation » se demande Daniel, étudiant en sciences politiques. Il a bien compris …
Le Monde de l’Education, juin 03