Les communistes préparent leur congrès et s’interrogent sur la pertinence de construire un projet communiste pour le 21ème siècle et sur son contenu. Mais nous pourrions oser cette question : que signifie aujourd’hui être communiste ?
Travailler à un projet politique avec pour cadre la visée communiste et nous demander si le projet communiste doit être de manière exclusive le projet du Parti Communiste ou si la démarche politique de construire un projet aussi ambitieux ne doit pas se faire avec l’ensemble des forces et des individus qui ont à cœur l’avenir du communisme. La question mérite qu’on s’y attarde et qu’on la travaille.
Le communisme signifie en ce qui me concerne, ce mouvement qui invente ici et maintenant d’autres rapports économiques et sociaux avec comme levier de transformation essentiel l’émancipation des individus (émancipation individuelle et collective allant de pair), en alliant de façon permanente réflexion et mise en pratique afin que les actes n’invalident pas les propos, militer pour le communisme, c’est se donner les moyens, les pratiques concrètes qui permettent aux idées de se réaliser car agir en militant est une manière de dimensionner notre visée et de la traduire en actes ?. Construire du communisme c’est pour reprendre les mots de Jean Marie Vincent un mouvement en rupture avec « la marchandisation universelle au service du capital qui transforme la majorité des hommes et des femmes au travail en simples supports ou rouages de processus sans cesse renouvelés de valorisation de ce capital ». Dans ce cadre, comment faire pour que tous les sujets (jeunes, et autres) s’emparent de la question de la marchandisation et remplace cette approche par autre chose de plus « humain », de plus « coopératif ». ?
Construire du communisme, c’est commencer à faire naître une rage espérance qu’un autre monde est possible tout de suite et rompre des lances avec ceux qui expliquent « qu’on n’y peut rien… » « qu’il faut se rendre à l’évidence et prendre en compte les nouvelles contraintes économiques» c’est-à-dire que nous devons refuser d’accepter l’idée que le capitalisme est la fin de l’histoire ou que le capitalisme peut encore avoir un visage humain, thèse développée par la social-démocratie et les sociaux libéraux. Construire du communisme c’est ré enchanter le monde dès maintenant, c’est ré enchanter son propre rapport au monde et aux autres et inventer de nouvelles formes d’altérité qui nous fassent tendre vers plus d’humanitude et combattre toutes les formes de déni de l’individualité, de l’affectivité pour reprendre une expression de J.M VINCENT.
Dans cette perspective une question retient particulièrement mon attention : la question de l’école en tant qu’institution, l’école en tant que lieu des apprentissages et de la formation des enfants, l’école en tant que lieu de la construction des savoirs et de la formation de l’individu, du futur citoyen, l’école en tant que lieu où se retrouvent des « maîtres » et des élèves et où se nouent des rapports entre maîtres et élèves qui déterminent beaucoup de choses.
Penser le communisme du 21ème siècle et construire de nouveaux rapports sociaux nécessite de repenser le rôle que l’on assigne à l’école et plus largement à la formation dans et hors l’école (l’entreprise, la cité entre autre).
Si l’on considère qu’un individu, dans un pays comme la France a aujourd’hui une espérance de vie de 80 ans, il passe presque 20 ans dans l’institution scolaire, soit le quart de son existence. Or l’école et aussi la formation (car on continue de se former sur le lieu de travail et dans la vie sociale ….) jouent un rôle prépondérant dans la manière de se construire des savoirs, de penser le monde, de penser la démocratie, de penser ses rapports à soi-même et aux autres et il faut bien admettre que la formation, l’éducation ne sont jamais neutres.
Tout d’abord, il me semble important de défendre de manière résolue le service public d’éducation, comme nous devons défendre d’autres services publics, car le service public d’éducation signifie une Ecole au service de tous les élèves quelle que soient leur nationalité, le niveau de revenu de leurs parents ou la catégorie socio- professionnelle. Or, aujourd’hui le service public d’éducation est menacé un peu partout dans le monde et principalement dans les grands pays industrialisés. Les funestes projets de Claude Allègre, repris de manière plus acceptable par Jack Lang n’en étaient qu’un avant goût et beaucoup de pays européens avaient aussi leur « Claude Allègre ». N’est-ce pas ce ministre d’un gouvernement de gauche qui a déclaré que « l’Ecole représente le plus grand marché du 21ème siècle ». Il s’agit de transposer à l’Ecole les principes de la logique capitaliste selon laquelle tout doit être ou devenir marchandise et donc se monnayer, s’échanger, se vendre selon les lois du marché. Lorsque certains proposent de mettre en concurrence les établissements scolaires, quand des journaux publient le palmarès des meilleurs établissements, quand d’autres proposent que les chefs d’établissement choisissent leur équipe et gèrent leur lycée ou leur collège comme une entreprise, y compris avec de bonnes intentions, n’est-on pas déjà dans cette logique ? Faut-il laisser faire, ou considérer cela comme normal ? Faut-il là aussi se rendre à l’évidence ? La toute puissante European Round Table (ERT) représentant les grands lobbies industriels et financiers européens poussent les gouvernements de l’Union Européenne à appliquer les principes libéraux au système scolaire. Récemment s’est tenu à Vancouver un colloque qui se concluait en regrettant que ce marché de plusieurs centaines de milliards de dollars ne soient pas privatisés plus rapidement…Déjà sont proposés des programmes de formation à distance, personnalisés. Dans le même temps, le patronat européen parle non plus de main d’œuvre mais de cerveau d’œuvre. Car il se demande comment exploiter au mieux le « cerveau d’œuvre ». Nico Hirtt précisait dans un de ses ouvrages que : « par le nombre d’emplois qu’il procure et les importantes sommes d’argent qu’il mobilise, le secteur de l’enseignement est comparable à celui de l’automobile puisque les pays de l’OCDE (ce sont les 30 pays les plus riches de la planète) consacrent annuellement mille milliards de dollars au financement de leur enseignement qui occupe près de dix millions d’enseignants et pour ces mêmes pays le chiffre d’affaires annuel de la production automobiles génère environ 1286 milliards de dollars. ». Il s’agit maintenant d’étendre à des secteurs de la vie humaine les grands principes de la théologie libérale. L’éducation comme la santé en font partie et sans une mobilisation de grande ampleur les dégâts déjà visibles se développeront à grande vitesse dans les années à venir. Car les grands décideurs savent que les parents sont prêts à dépenser énormément pour éviter le chômage à leurs enfants et que cela représente un pactole de plusieurs centaines de milliards d’euros.
Or la privatisation du service public d’éducation aboutit à la privatisation du savoir et à former des esprits tournés uniquement vers l’efficacité économique et la rentabilité financière avec le risque de réduire l’éducation à une simple communication d’information. Ces constats posent question : comment enseigner, comment éduquer quand les populations les plus fragilisés et les plus précaires de la planète subissent la violence économique et surtout quand, en plus, on criminalise leurs souffrances ? Dans ce domaine le communisme à inventer ne peut se réduire à améliorer le système scolaire tel qu’il est. Défendre le service public d’éducation et empêcher que le savoir devienne une simple marchandise comme le savon à barbe ne suffit pas. Il faut aussi s’atteler à la transformation du système scolaire et des pratiques pédagogiques et à la façon de transmettre et de produire des connaissances, des savoirs afin que l’éducation, la formation émancipent les individus au lieu de les formater comme le voudraient les tenants de l’ordre capitaliste.
Défendre un service public de l’éducation, oui et mille fois oui à condition de se demander quel service public au service de quel public ? Peut-on défendre un système qui continue à produire et reproduire des inégalités, un service public qui accepte que des élèves soient en situation d’échec comme une fatalité ou pire encore qui médicalise les situations d’échec scolaire, phénomène que l’on observe de plus en plus fréquemment dans les écoles primaires ?
Mais je rajouterai qu’une construction communiste sur les questions de l’école a aujourd’hui une dimension planétaire qui s’est confirmé lors du 2ème forum mondial de l’éducation à Porto Alègre, il y a quelques semaines. Cela signifie que préparer le forum social européen à St Denis et à Paris au mois de novembre c’est aussi mettre en débat le devenir de l’école publique en y apportant une réflexion communiste qui ne se résume pas à améliorer l’existant mais à transformer le système éducatif pour commencer à transformer les rapports sociaux de domination et d’aliénation. Le jeune, à qui on répète que le savoir se transmet comme une évidence, alors qu’il se construit et qu’il n’a rien d’évident en subit les contrecoups dans sa vie de citoyen car les pratiques transmissives font semblant d’ignorer que le savoir est une construction qui met en jeu dans des liens étroits et complexes, l’affectif et l’imaginaire. Elles fonctionnent comme si les élèves étaient de pages vides qu’il suffisait de remplir, l’enseignant se dépêchant d’apporter des réponses à des questions qui n’existent pas encore dans les têtes des élèves. Centré sur son savoir c’est-à-dire sur son discours, il fait l’impasse sur l’autre, qui est considéré comme un spectateur. Ensuite ces pratiques transmissives se retrouvent dans le syndicat, dans le Parti, au conseil municipal, dans l’association dans une espèce de soumission à l’autorité.
L’enfant qui apprend dès son plus jeune âge à être évalué selon certains principes, à être en compétition avec ses petits copains et copines, à qui on inculque qu’il y a des bons, des moins bons et des mauvais dans une classe et que ce sont toujours les mêmes, (et que dire lorsqu’on « décrète » parfois dès l’âge de six ans que tel enfant ne pourra pas faire de « belles études »), comment ce jeune, ces jeunes qui deviennent des adultes, peuvent faire pour ne pas reproduire ce qu’ils ont appris lorsqu’ils sont à l’usine au bureau, au bureau de vote…lorsqu’ils y vont !…. ? Les rapport « maître/élève » sont les prémisses des rapports hiérarchiques dans la société, dans la vie publique, dans la vie politique avec toujours ce même crédo : ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, ceux qui réussissent et ceux qui ne peuvent pas réussir, enfin ceux qui sont manuels et ceux qui seraient intellectuels, notion inventée par nos maîtres des forges au 19ème siècle qui, après l’expérience de la Commune de Paris avaient terriblement peur que les ouvriers accèdent aux savoirs, car l’émancipation de chacun et de tous pouvaient remettre en cause de manière profonde l’ordre capitaliste. Adolphe Thiers ne déclarait-il pas après la semaine sanglante de mai 1871 « ce sont les ouvriers les plus instruits et qui gagnent le plus qui sont tout à la fois et les plus déréglés dans leurs mœurs et les plus dangereux pour la paix publique ». Une décennie plus tard Jules Ferry l’avait bien compris, puisqu’il instaura un savoir minimum et utilitaire pour être un bon ouvrier. Et je ne ferais pas l’injure de considérer que les choses dans ce domaine sont simples, car l’accès au savoir et même à un savoir de haut niveau ne suffit pas pour émanciper les individus, (émanciper compris dans une acception marxiste), car les individus sont complexes et l’idéologie et parfois les croyances jouent aussi un rôle important, mais ces questions méritent qu’on y réfléchisse collectivement. Former des individus, éduquer avec l’esprit critique et faire en sorte que tous les élèves réussissent c’est commencer à mettre en cause la hiérarchie sociale, c’est commencer à mettre en cause l’ordre dominant.
Et si nous inventions une école qui ne soit plus une machine à trier socialement, qui ne soit plus une machine de relégation pour les pauvres à qui l’on dispense des cours d’éducation civique alors que ce n’est pas le cas dans les grands établissements « prestigieux », qui ne soit plus une machine qui parfois humilie les individus au plus profond d’eux-mêmes car le savoir n’est pas mis en partage et qu’être en situation d’échec c’est douloureux ou qui ne soit plus une machine qui taylorise les contenus d’enseignement et taylorise l’évaluation à des fins de classement et de hiérarchisation, mais une institution publique où apprendre permet de mieux devenir soi-même où le savoir est mutualisé….où on apprend à devenir des hommes libres et responsables.
Et si nous commencions à inventer ….ce pourrait être un bel apport communiste, des communistes. Max Beckman disait « l’artiste dans le nouveau sens du terme est le véritable créateur du monde qui n’existait pas avant lui ». Et si nous devenions les artistes du communisme….. ?
Daniel ROME,
militant d’éducation Nouvelle, membre de la direction de la Fédération de Seine St Denis du PCF.
> Communisme au 21ème siècle : construire une école démocratique
C’est bien camarade mais tu proposes quoi, de commencer comment, quand, où ? Tu dois savoir en tant que « militant de l’éducation nouvelle » que les jours d’aujourd’hui ne sont pas très favorables à l’affirmation qu’une autre école est possible, maintenant ici et tout de suite, qu’à chaque fois qu’on la ramène sur le sujet on se fait taxer au mieux de d’utopiste charmant au pire d’agent du libéralisme avancé. Militant dans une école qui se veut différente on est chaque jour confronté aux anathèmes des vicaires d’un prétendu service public qui est déjà et depuis longtemps miné par l’injustice et les différences : eh oui il y a le service public des beaux quartiers et les services publics des ghettos urbains. Et qu’il est regrettable de voir, d’entendre encore des manifestants préférés Jules à Luc. Jules Ferry mettait bien les enfants au centre, oui, au centre du peloton d’éxécution en 1871.
Salutations fraternelles. Gégé de Vitruve
> Communisme au 21ème siècle : construire une école démocratique
Je suis d’accord avec le message de Daniel Rome en particulier avec ceci : « Le jeune, à qui on répète que le savoir se transmet comme une évidence, alors qu’il se construit et qu’il n’a rien d’évident en subit les contrecoups dans sa vie de citoyen car les pratiques transmissives font semblant d’ignorer que le savoir est une construction qui met en jeu dans des liens étroits et complexes, l’affectif et l’imaginaire. » Mais Daniel Rome se réfère en même temps à des écrits de Nico Hirtt qui dénonce la marchandisation de l’école, ce que je ne nie pas, je vois les dérives de l’école, mais qui écrit aussi par ailleurs dans le numéro 3 de votre numéro :
« (…) certains pédagogues voient, dans les technologies de l’information et de la communication la forme moderne de ce que fut l’imprimerie chez Célestin Freinet. L’Internet permet selon eux la mise en œuvre de la “ classe coopérative ” chère au célèbre pédagogue prolétarien. Or, aujourd’hui-même l’Internet et les ordinateurs sont, aux yeux du patronat
international, l’un des principaux vecteurs de la marchandisation de l’enseignement et de sa mise en conformité avec les enjeux de la compétition économique globale. On ne peut être aveugle à cette réalité, au risque sinon
de jouer involontairement le jeu des fossoyeurs de l’École. »
Je reste pour ma part, convaincue que mon rôle en tant
qu’enseignante-documentaliste est de permettre la maîtrise par l’élève de l’ordinateur, d’Internet, pour qu’il n’en soit pas esclave dans sa vie présente et future. La recherche documentaire par le questionnement (voir les TPE, les IDD, les PPCP, les projets), permet la mise en place de savoirs que l’élève va construire et que l’on ne va pas lui inculquer, cela
est bien dans la ligne de la pédagogie Freinet et de ce que Daniel Rome réclame de ses voeux.
D’autre part, la pédagogie Freinet, c’est aussi les cycles à l’école primaire qui ne sont toujours pas mis en place d’ailleurs, et qui doivent placer l’élève au centre du système pour permettre à chacun d’avancer à son rythme, surtout au moment de
l’apprentissage de la lecture qui n’est pas le même pour tous et ne réduit pas à la classe de CP (même Chirac ne parle plus que de la classe de CP), ce sont les projets de vie dans la classe ou les projets au CDI ou en BCD qui développent l’autonomie. Alors que penser de ces contradictions chez un auteur (Nico Hirtt) auquel les défenseurs du service public se réfèrent volontiers? Pourquoi jeter le soupçon sur des enseignants qui veulent développer l’esprit critique chez les élèves en en faisant des sous-marins du libéralisme rampant?
Cordialement,
Nadine Lanneau, enseignante-documentaliste
Communisme au 21ème siècle : construire une école démocratique
que les adversaires de l’idéal communiste soit ou pas d’accord au cours de ce 21ème siècles ,ont n’ira de plus en plus vers le vrai communisme ,seul à apporter une solution à ce capitalisme qui porte en lui l’aiguillon de la mort,qui au nom du profit a utilisés les populations non pour leurs apportés le bonheur,mais,les spoliés,les maltraités.Ainsi,des pays colonisés ont faient la richesses ,des multinationales,des grands groupes,qui avec arrogances continues à imposés leurs fascisme économique.Et les gens en ont assez.