Pendant près de trois années, le Conseil général de l’Aped (l’organe de décision principal de notre association) a planché sur la rédaction d’un nouveau texte de référence. Il a été finalement adopté lors de la réunion de janvier 2019. Ce document constitue véritablement la « ligne » selon laquelle travaille de notre mouvement.
Ce document, dont le texte est reproduit ci-dessous, peut être téléchargé au format PDF.
Il est disponible sous forme de brochure, au prix de 2€, auprès de nos militants.
Une version résumée exise aussi en PDF ou sur papier.
Pour une école démocratique
1. À quoi sert l’École?
En outre, son rôle est de stimuler la créativité et les talents afin que chaque individu puisse donner forme à sa propre vie, bien sûr, mais aussi afin que chacun puisse contribuer consciemment à l’avènement d’une société plus juste et plus durable.
Certes, une des missions de l’institution scolaire est de reproduire les rapports économiques, sociaux et politiques existant au sein de la société. Cependant, cette même institution scolaire est traversée par des contradictions, des débats et des luttes sur lesquels il est possible et nécessaire d’agir.
1.1. Éduquer et socialiser l’être humain
L’être humain est un être social : il doit apprendre à vivre en société, de façon responsable vis-à-vis de lui-même et des autres. C’est-à-dire :
- Développer un sentiment d’appartenance à l’Humanité, bien au-delà de son entourage immédiat et de son époque ;
- Apprendre à « faire société », à s’exprimer, à écouter et à comprendre les autres, à respecter les différences sans perdre son jugement critique, à prendre des décisions collectives et à organiser la vie commune ;
- Apprendre à vivre sainement, à s’alimenter de façon équilibrée, à se soigner, à résister aux sirènes de la surconsommation, bref à se respecter soi-même pour mieux respecter les autres et l’environnement ;
- Maîtriser les techniques et les savoir-faire de la vie quotidienne : la cuisine, l’électricité, le nettoyage, le jardinage, la sécurité routière, …
- Découvrir les fonctions et fonctionnements des institutions, administrations, services que l’on affronte ou subit quotidiennement.
1.2. Former le travailleur
Le travail – qu’il soit salarié, indépendant, domestique, associatif ou militant – est, avec la nature, la source principale des richesses produites. Chacun a le droit et le devoir de contribuer, par son travail et selon ses capacités, au bien-être collectif. L’école doit donc aussi préparer les jeunes au travail socialement utile.
Cependant, dans notre société capitaliste, ce travail est mesuré non à l’aune de son utilité sociale, mais à l’aune de sa contribution aux profits. Le travail salarié contribue à la production de richesses, mais cette contribution s’organise à travers l’exploitation des travailleurs.
De plus, pour répondre à l’accélération technologique et à la dérégulation du marché du travail, certains employeurs exigent des travailleurs « flexibles et adaptables » tandis que d’autres exigent des travailleurs hyper spécialisés. Ces employeurs voudraient donc que l’école répondent à leurs exigences.
Pour l’Aped, en revanche, l’école ne peut être un rouage dans l’organisation de l’exploitation.
Au contraire, le rôle de l’école doit être de :
- Transmettre les connaissances de base et les compétences requises pour de nombreuses tâches, qu’elles soient professionnelles ou non : lire et écrire, calculer, comprendre les sciences et les techniques, développer les aptitudes manuelles, organisationnelles, informatiques, linguistiques, etc.
- Développer des valeurs et des attitudes nécessaires au travail : coopération, rigueur, initiative, souplesse, attention à la sécurité, à la santé et à l’environnement, souci des droits sociaux des travailleurs, etc.
- Organiser des formations qualifiantes différenciées aux contenus axés sur la production d’une valeur sociale ajoutée et sur le respect des gens et de l’environnement : de l’infirmier au dentiste, du menuisier à l’architecte, du jardinier au photographe.
- Doter le futur travailleur d’une compréhension globale et critique du processus de production auquel il participera ; maintenir des objectifs de formation générale et refuser la course à l’adéquation formation-emploi.
1.3. Instituer le citoyen critique
Former des citoyens critiques et capables d’agir à la transformation du monde est, aux yeux de l’Aped, l’objectif qui nécessite les réformes les plus urgentes et radicales de l’École.
En effet, les crises budgétaires, financières, sociales et écologiques se succèdent. Les inégalités se creusent. Le pour cent le plus riche de la population mondiale possède autant que les 99% restants. Les famines massives sont de nouveau à l’ordre du jour. Alors que des catastrophes climatiques menacent, les pays développés rejettent toujours plus de CO2. La fin de l’ère pétrolière approche et rien n’est fait pour l’anticiper réellement. Ces tensions, qui provoquent déjà de nombreuses guerres actuellement, augurent de futurs conflits apocalyptiques si un changement de cap ne se produit pas rapidement.
Or les progrès scientifiques, technologiques et industriels sont tels qu’ils pourraient offrir une vie décente à tous. Quel paradoxe ! Mais s’ils ne bénéficient pas au plus grand nombre aujourd’hui, c’est parce que ces progrès s’accomplissent au sein d’un système économique où les choix de production et de recherche sont exclusivement dictés par les intérêts des détenteurs de capitaux.
L’incapacité politique de résoudre cette contradiction engendre une autre crise : celle de la confiance des citoyens dans les institutions.
Il est donc essentiel que l’École développe la capacité à poser un regard critique sur le monde pour bâtir une société juste et durable. Il est donc essentiel que l’école arme les futurs exploités, ceux qui auront le plus besoin de changer la société, afin qu’ils soient des moteurs de changement et qu’ils ne soient pas exclus des processus de compréhension de notre société.
2. Que faut-il apprendre ?
Former le citoyen, l’être social et le travailleur, c’est la fusion de trois idéaux :
- L’éducation classique, que l’on a toujours réservée aux élites
- L’éducation « nouvelle » des pédagogues progressistes du XXème siècle
- L’éducation polytechnique dont se munirent spontanément les classes populaires productives avant que le capitalisme n’invente le machinisme et son travail morcelé.
2.1. Une formation classique, solide et ambitieuse, s’impose parce qu’il n’y aura pas de citoyenneté critique sans connaissance et compréhension de l’histoire humaine, de la géographie, des mécanismes économiques et sans formation au débat philosophique. L’exigence de rigueur des mathématiques ou du latin, la méthode scientifique et ses principaux résultats sont autant de moyens d’organiser la pensée, mais aussi de résister à l’obscurantisme ou au dogmatisme. En outre, la rencontre de différentes cultures, de différentes formes d’expression littéraire et artistique aide non seulement à former tout citoyen éclairé mais également à relativiser la position des cultures dominantes. Dans le même sens, la pratique artistique permet d’accéder à des formes d’expression plus riches et plus nombreuses. L’art et l’histoire de l’art ouvrent de nouvelles portes sur l’histoire du monde. Et l’étude des langues étrangères permet une organisation collective à l’échelle internationale.
2.2. L’éducation active est précieuse pour développer les valeurs et les comportements nécessaires à l’émancipation : la coopération au lieu du chacun pour soi, le respect des autres et de soi, l’écoute et l’argumentation, le respect des différentes cultures et de l’environnement, le goût du travail bien fait et de la rigueur, l’autodiscipline, le sens de l’initiative, l’attention à la sécurité et à la santé. L’éducation physique et le sport sont également essentiels comme contribution à l’éducation à la santé.
2.3. La dimension technologique doit être bien plus valorisée : à travers des cours théoriques ; par la pratique effective d’un grand nombre d’activités comme l’agriculture, l’électricité, la menuiserie, … ; par son introduction dans d’autres cours (la révolution industrielle en histoire par exemple) ; par des visites de lieux de production et des stages variés.
Une bonne formation polytechnique répond donc à nos trois objectifs : éduquer et socialiser l’être humain, former le travailleur et instituer le citoyen critique.
- Elle aide évidemment à vivre dans une société où la technologie est de plus en plus présente. Mais elle aide surtout à y vivre de manière plus responsable en maîtrisant les limites et les implications écologiques de certaines technologies ;
- Elle permet une compréhension générale du processus de production par opposition à l’hyperspécialisation qui empêche une vue globale ;
- Elle éveille la conscience, par exemple, sur l’origine réelle de la production de richesses.
L’objectif de la formation polytechnique doit donc être d’apporter une compréhension à la fois théorique et pratique de la production dans son ensemble afin de contribuer à l’intelligence de la vie sociale.
3. Structures, pratiques et moyens
Un tel programme éducatif semble sans doute extrêmement ambitieux. Apporter à tous les jeunes une formation qui dépasse celle que l’on réservait jusque-là aux élites sociales peut paraître utopique.
Mais on ne peut considérer comme seules réalistes les revendications pour lesquelles il existe dès aujourd’hui des rapports de force favorables. En effet, les plus grandes avancées sociales, telles que le suffrage universel, la sécurité sociale, l’enseignement gratuit, … ont été conquises dans des conditions de lutte difficiles, où le rapport de force a dû être construit petit à petit.
La grande majorité des enfants sont intellectuellement capables de s’élever au niveau d’instruction et de formation que l’Aped propose ici. Mais cela implique des réformes radicales et une augmentation considérable des moyens.
L’école, dans sa forme actuelle, est en effet incapable de remplir ce contrat car :
- L’origine sociale est beaucoup trop déterminante dans la réussite ou l’échec. La sélection et la ségrégation sociales dans l’enseignement belge figurent effectivement parmi les plus graves d’Europe. Plusieurs mécanismes expliquent principalement ce phénomène : d’une part, les politiques libérales d’inscription scolaire génèrent une ghettoïsation sociale des écoles qui dépasse la ghettoïsation des quartiers ; d’autre part, la division précoce en filières ou options hiérarchisées, tout comme la concurrence entre réseaux, se traduit en une sélection sociale.
- Certains référentiels d’enseignement souffrent d’une grande pauvreté. En effet, les contenus sont parfois réduits aux seules compétences de base, au détriment de savoirs généraux solides et variés. La dimension polytechnique est absente, aussi bien des filières générales que des filières qualifiantes. Les objectifs d’éducation sont parfois formulés de façon beaucoup trop imprécise.
- L’école devrait être vécue comme un lieu de découvertes passionnantes, de vie collective enrichissante, de travail assidu dans de bonnes conditions. Or les conditions de vie matérielle déplorables, le matériel didactique périmé, voire inexistant, la menace constante d’un redoublement massif, l’absence de soutien pour le travail individuel, l’absence de temps pour participer effectivement à la vie scolaire, … sont autant de conditions transformant l’école en un lieu de souffrance pour beaucoup d’enfants (et de professeurs), particulièrement en FWB.
La gravité de la situation est telle qu’il n’est pas question de corriger le système éducatif à la marge. C’est pour cette raison que l’Aped propose un autre système scolaire exposé dans les points suivants.
Ceux-ci doivent s’envisager comme faisant partie d’un ensemble cohérent. En effet, certaines de ces mesures perdraient leur sens et seraient même contre-productives si on les mettait en œuvre isolément.
3.1. Une école commune de 3 à 16 ans
La formation, telle que l’Aped l’envisage, sera polyvalente : générale et polytechnique. De 3 à 16 ans, tous les élèves doivent suivre une formation commune, de préférence dans la même école. Il ne peut y avoir de rupture brutale entre l’école primaire et le début du secondaire.
Certes, les enfants ne sont pas tous égaux, mais ils peuvent être traités de manière équivalente : l’école doit stimuler et éveiller la curiosité de chacun. Dans des groupes hétérogènes, chacun apprend aussi à vivre avec les autres.
Actuellement, à la fin de l’école primaire, de trop grandes différences de niveau rendent impossible l’accès direct à un premier degré commun. C’est pourquoi l’école commune, telle que l’Aped la conçoit, sera mise en place progressivement. Cette réforme s’étalera sur plusieurs années en commençant par les classes des plus jeunes.
3.2. Transition et qualification après 16 ans
Après le Tronc commun, les élèves choisiront une filière davantage spécialisée qui prépare à l’enseignement supérieur ou à l’entrée sur le marché du travail, ou aux deux. Des passerelles permettront toujours de se réorienter.
Il restera cependant une formation générale et polytechnique importante, commune à ces deux filières. En effet, de nombreux concepts philosophiques, économiques, linguistiques, littéraires… nécessitent un degré de maturité que l’on ne peut espérer acquis avant l’âge de 16 ans. Or ces concepts jouent un rôle considérable dans la formation citoyenne.
Dans l’enseignement qualifiant, une partie de la formation professionnelle pourra être organisée en collaboration avec les entreprises, institutions, administrations. Mais l’école conservera toujours le contrôle des contenus, de l’accompagnement pédagogique et de l’attestation. En cas de stages ou de formation en alternance, c’est le processus d’apprentissage qui devra figurer au premier plan des objectifs. La formation en fonction des besoins spécifiques d’une entreprise particulière n’étant en aucun cas du ressort de l’école. On veillera donc à ce que les stages proposés par les entreprises, services ou indépendants soient formateurs pour l’élève et qu’ils recouvrent tous les aspects des métiers en apprentissage.
3.3. Inscriptions scolaires
Le libre marché scolaire conduit à la ségrégation sociale. Celle-ci engendre non seulement de l’inégalité mais est aussi néfaste pour le «vivre ensemble». L’Aped refuse l’apartheid dans l’enseignement.
C’est pourquoi l’Aped préconise la mise en place d’un nouveau système d’inscriptions. Au commencement de la scolarité (ou lorsqu’un enfant doit changer d’école), les autorités proposeront aux parents une place garantie dans une école proche, accessible et socialement mixte. Les parents pourront accepter ou refuser cette proposition. En cas d’acceptation, leur enfant sera automatiquement inscrit et bénéficiera de la gratuité des transports en commun entre l’école et son domicile. Sinon, les parents pourront librement inscrire leur enfant dans l’école de leur choix, dans la limite des places disponibles.
Pour proposer une école, les critères ne se réduiront donc pas à l’accessibilité et à la question des fratries. S’ajoute à ces derniers la volonté de créer une mixité sociale dans toutes les écoles grâce à la création d’un indice socio-économique individuel des élèves. Les parents auront donc la certitude de retrouver à peu près la même population dans tous les établissements de leur région. Ce système peut être organisé dès maintenant malgré la coexistence de plusieurs réseaux. Il suffit aux parents de spécifier au préalable s’ils acceptent ou non une école confessionnelle.
3.4. Fusion des réseaux
L’enseignement est un service public organisé par les pouvoirs publics. La concurrence entre réseaux et entre écoles telle que nous la connaissons alimente le marché scolaire et est donc une importante cause d’inégalités et de ségrégation dans notre enseignement. Si nous voulons combattre les inégalités sociales et démocratiser l’enseignement, une fusion est indispensable.
Selon l’Aped, abolir le caractère confessionnel des écoles est également souhaitable pour éviter une séparation des enfants sur base religieuse. Un enseignement pluraliste permettra à tous les jeunes de recevoir une formation sur le fait religieux, c’est à dire sur l’histoire et les conceptions des différentes religions. L’objectif sera de favoriser une meilleure entente entre communautés tout en combattant les clichés qui peuvent vivre de part et d’autre.
L’Aped aspire à un enseignement organisé en écoles publiques, gérées et financées de la même manière, mais jouissant d’une grande liberté organisationnelle.
À court terme, l’Aped souhaite la suppression de tous les obstacles n’assurant pas une collaboration maximale entre réseaux sur le plan pédagogique (programmes, etc.) et dans la gestion du personnel (au niveau des intérimaires par exemple).
3.5. Aucun décrochage grâce à un encadrement suffisant
En Belgique, les redoublements et les décrochages scolaires restent bien trop nombreux. Il faut donc mettre en place tous les moyens possibles pour garder les élèves à bord.
Un premier moyen consiste en la généralisation des petites classes. Ainsi, pendant les premières années du tronc commun, les classes ne devront pas excéder la quinzaine d’élèves.
En outre, la pratique massive du redoublement a prouvé son inefficacité et son côté particulièrement injuste. Elle doit donc disparaître de l’arsenal pédagogique sauf exception réservée à des cas très particuliers. Par ailleurs, tous les élèves devront bénéficier d’une remédiation rapide au moyen de rattrapages, d’un accompagnement individuel, d’une étude accompagnée ou de « groupes de besoins », variables selon les besoins ponctuels des élèves.
Dans le même sens, les élèves les plus vulnérables doivent pouvoir prétendre à un accompagnement à la hauteur de leurs besoins. Ainsi, les élèves allophones recevront, si cela s’avère nécessaire, des cours supplémentaires de la langue d’enseignement.
Les enfants porteurs de handicap seront intégrés dans les groupes classes avec le soutien d’enseignants spécialisés. Dans tous les cas, les différentes formes de soutien resteront un service public et ne seront en aucun cas laissées au secteur privé afin qu’elles puissent bénéficier à tous et non uniquement à ceux qui peuvent se le permettre.
3.6. Une école ouverte
L’école doit prendre une place centrale dans la vie des élèves. Elle est le lieu où on cuisine et mange ensemble, où il y a de la place pour le jeu et la détente, pour des films et d’autres activités culturelles, où on fait du sport et où on peut pratiquer différents hobbies …
L’école sera décloisonnée du reste de la vie :
- Certaines activités auront lieu le soir, d’autres pendant les week-ends ou les congés. Ainsi une véritable citoyenneté pourra se développer : l’instruction et l’éducation seront étroitement liées à la vie sociale et à l’activité de production. Dès lors, les valeurs de collaboration, de solidarité, de créativité, l’amour des sciences et des techniques, l’art, l’activité physique, la nature ainsi que l’ouverture aux différentes cultures trouveront dans l’école un lieu où se déployer.
- L’école sera ouverte aux acteurs du voisinage : les institutions publiques, les mouvements socio-culturels et de jeunesse, les clubs de sport, les autres écoles, les bibliothèques, etc. L’école pourra associer les parents à certains projets. Ceux-ci développeront de cette manière une relation ouverte avec l’école. L’école doit être le projet commun du quartier et de ses habitants.
Pour ce faire, du temps scolaire supplémentaire et de l’encadrement sont nécessaires pour que les activités « ouvertes » puissent se dérouler aux moments voulus. L’école doit être accessible en fin de journée, les week-ends, les jours de congé. Elle doit devenir le lieu de vie principal des enfants et, pour cela, être de taille humaine.
3.7. Que cent fleurs pédagogiques s’épanouissent !
Pour l’Aped, il est primordial d’étudier scientifiquement l’impact des diverses formes de pratique pédagogique sur l’efficacité et l’équité sociale de l’enseignement, notamment dans des groupes hétérogènes. Les méthodes éducatives qui favorisent le vivre et le travailler ensemble, les didactiques qui assurent la construction de savoirs solides, conceptualisés et porteurs de sens pour les élèves sont à privilégier et doivent être encouragées par la formation initiale et continue des enseignants.
En revanche, selon l’Aped, il n’existe pas de panacée pédagogique. En effet, une méthode efficace employée par un professeur, dans des conditions d’encadrement données, face à un groupe d’élèves déterminé, peut s’avérer totalement inopérante si elle est mise en œuvre par un professeur différent, dans un contexte différent. Les écoles et les enseignants doivent disposer d’une large autonomie pédagogique à condition de couvrir le programme.
Cela étant, s’il est évident qu’il est nécessaire de varier les méthodes pédagogiques, il apparaît aussi clairement que certaines approches doivent être contestées. C’est le cas de «l’approche par compétences» qui relègue les savoirs au statut de «ressources» en vue de la réalisation d’une tâche. Cette vision utilitariste, en supprimant les savoirs non immédiatement mobilisables pour des tâches concrètes, exclut en effet des pans entiers de la culture.
Dans la formation des enseignants, il faut rechercher un meilleur équilibre entre plusieurs aspects : la formation disciplinaire, la formation pédagogique et l’éducation aux aspects sociaux de l’enseignement. La première condition d’une bonne pédagogie est la maîtrise parfaite par l’enseignant du savoir qu’il veut transmettre ou construire avec les élèves. En effet, aucune méthode ne compensera les lacunes d’un instituteur qui, par exemple, ne maîtrise pas l’orthographe ou d’un régent en sciences qui n’a qu’une compréhension superficielle de ce qu’est l’énergie. En outre, la formation initiale doit permettre d’aborder et de pratiquer une diversité d’approches pédagogiques et didactiques. Elle doit donc être critique et ainsi permettre à l’enseignant de discerner quelles sont les pédagogies les plus adéquates ou les celles validées scientifiquement. Enfin, une éducation aux aspects sociaux de l’enseignement est indispensable. En effet, les futurs enseignants ne peuvent en aucun cas terminer leur formation sans connaitre l’histoire de l’École, sans avoir conscience des inégalités sociales ou des relations école-économie.
3.8. Des programmes précis, compréhensibles et cohérents
Les programmes doivent décrire clairement, de manière compréhensible et détaillée, quelles sont les connaissances, les savoir-faire et les attitudes attendues par les élèves. Les matières enseignées sur plusieurs années scolaires doivent connaître une trajectoire d’apprentissage verticale dans laquelle la cohérence entre l’ancienne et la nouvelle matière est clairement indiquée. Il est aussi indispensable d’indiquer quelles connaissances et compétences essentielles doivent être régulièrement rafraîchies. De la même manière, quand des contenus sont proches ou se chevauchent, les liens logiques doivent être indiqués.
Pour mettre en œuvre les programmes, les enseignants doivent pouvoir disposer gratuitement d’au moins un manuel de référence et d’autres matériels nécessaires (documentation, moyens audiovisuels, instruments et outils pour les tâches pratiques…).
3.9. Évaluations centralisées pour former et piloter
Les écoles doivent pouvoir mesurer clairement si leurs élèves ont atteint les objectifs souhaités. C’est pourquoi l’Aped se montre favorable à ce que toutes les écoles participent régulièrement à des évaluations centrales non-certificatives (« centrale peilingsproeven »). Le but de ces tests n’est pas d’établir des classements d’écoles en renforçant ainsi la compétition entre elles. L’objectif est encore moins de classer les élèves.
Il s’agit, au contraire, d’un instrument pour aider les écoles et les enseignants à évaluer leurs pratiques pédagogiques et pour garantir des exigences similaires partout. Les tests ne peuvent être qu’un moyen pour permettre à chacun de progresser. Une telle évaluation ne peut pas conduire au bachotage.
À 16 ans, lorsque se termine la formation commune, il doit y avoir une évaluation centralisée. Celle-ci doit constituer l’un des éléments sur base desquels le conseil de classe décidera si l’élève peut être admis dans l’enseignement secondaire supérieur, et surtout, quelle(s) orientation(s) lui sont recommandées. En cas de résultat insuffisant, l’élève pourra suivre une année d’approfondissement supplémentaire.
3.10. Refinancement à hauteur de 7 % du PIB
La réalisation du programme de l’Aped est coûteuse. Elle implique un coût bien supérieur au budget actuel de l’enseignement. De plus petites classes, un encadrement suffisant par des enseignants professionnels et motivés, des écoles ouvertes plus longtemps, des repas de midi sains, etc. Ces différents points supposent des investissements.
Il importe de rappeler que la gratuité de l’enseignement est un droit constitutionnel. Or, ce dernier reste peu appliqué dans les faits. L’Aped ne veut pas d’une facture maximale pour les parents, mais réclame une facture nulle. Les bureaux de recouvrement n’ont en effet pas leur place dans l’enseignement. Il est inadmissible de répercuter les difficultés financières des autorités vers les écoles et les parents comme c’est le cas actuellement.
C’est pour toutes ces raisons que les pouvoirs publics doivent consacrer une plus grande part du PIB à l’enseignement : au moins 7 % comme c’était le cas à la fin des années 70.
Les besoins de tous les enfants de Belgique sont les mêmes. Il faut donc les mêmes dépenses par élève au Nord et au Sud, ce qui ne semble réalisable que dans le cadre d’une re-fédéralisation de l’enseignement.
Dans le contexte actuel d’austérité et de destruction des services publics, cette demande pourrait sembler excessive. Or, pour l’Aped, il s’agit simplement de revoir les priorités. Les moyens octroyés actuellement aux subsides d’entreprises, au remplacement des F16, aux cadeaux fiscaux pour les riches… seraient mieux investis s’ils l’étaient dans l’enseignement.
À terme, la mise en place des nouvelles structures, la diminution des redoublements, l’abolition des réseaux, des filières et des options (avant 16 ans) et l’utilisation plus rationnelle des infrastructures, permettront aussi à notre système d’enseignement d’atteindre une utilisation plus rationnelle de ses moyens.
Texte de référence, adopté par le Conseil Général de janvier 2019